Paragraphe1 : L'opportunité des conventions
locales
Trois raisons fondamentales confortent le
caractère opportun des conventions locales : la
dégradation des ressources, l'échec des modes de gestion
étatiques et des collectivités locales, et enfin le
pluralisme juridique. Dans les collectivités locales
Sénégalaises ; la gestion du foncier et des
ressources naturelles constitue le nerf de la guerre. Une gestion
efficace est source de revenus et propulseuse du
développement local. C'est ce qui justifie la
prééminence des conventions locales dans la gestion du
foncier. En effet, longtemps considérée comme secondaire, ou
ne posant pas de problèmes spécifiques, la question de la
gestion foncière devient « cruciale dans la
majorité des pays africains61 ». La
compétition pour l'accès aux ressources s'accroît
sous les effets conjugués de la croissance démographique,
du renforcement de l'intégration dans les échanges
marchands, de l'extension des surfaces cultivables, de la crise du
pastoralisme et enfin de l'emprise croissante des élites
urbaines sur les moyens de production.
Le Sénégal comme partout d'ailleurs dans
les pays du Sahel se singularise par une faible
pluviométrie. La disponibilité des ressources
61 Ph.Lavigne Delville, «foncier rural,
ressources renouvelables et développement » ; GRET,
février 1998 ; pag1
47
s'amoindrie d'année en année. Plus qu'une simple
réduction de la disponibilité
de la ressource, c'est l'irrégularité
de la disposition de la ressource qui bouleverse les modes de
vie des populations locales. Dans cette course
effrénée vers l'exploitation de la ressource, les
populations développent des mécanismes à l'image des
conventions locales afin de « sécuriser les ressources62
» dont elles dépendent pour leur survie. Les
conventions locales deviennent ainsi selon Sanoko63 une
réponse des collectivités de base aux difficultés
écologiques et aux insuffisances des textes. Les activités
principales que sont l'agriculture pluviale et le pastoralisme sont
fortement tributaires de ces aléas ; et les populations
dépendent de plus en plus des ressources naturelles soumises
à très fortes pressions. Ce qui fait qu'il y a des
craintes quant au potentiel de renouvellement de ces ressources alors
que les besoins s'accroissent.
Le second élément fortifiant le
caractère opportun des conventions locales dans la gestion des
collectivités locales est consécutif à
l'échec des modes de gestion étatiques appliqués par
les pouvoirs locaux. En effet, tous les textes de la
décentralisation et ceux relatifs à la gestion des
ressources foncières ont montré leurs limites, car ignorant
lors du processus l'utilisateur directe de la ressource. En
renforçant le rôle et les pouvoirs des services forestiers
par exemple, ils contribuent dans une certaine mesure à
étouffer les initiatives communautaires seul gage d'une gestion efficace
et participative. Ainsi, la mise en place des conventions locales
consacre l'échec des stratégies étatiques
antérieures de gestion des ressources souvent basées
sur le dirigisme étatique.
Enfin, les régimes juridiques de gestion locale
actuels sont marqué par les interférences entre d'une part les
pratiques locales fondées sur les valeurs coutumières et sociales
et d'autre part les textes législatifs et réglementaires. Devant
ces logiques à la limite antinomiques à plusieurs égards,
les populations sont plus enclines à appliquer les conventions
locales considérées comme les mieux adaptées. Les
systèmes fonciers ont leur propre dynamique
et l'Etat peut les orienter ou les influencer mais ne
peut jamais aller à leur
62 Serigne.M.Tall et M.B.Gueye « les
conventions locales : un outil de co-gouvernance en gestion des ressources
naturelles » IIED Sahel ; Novembre 2003.
63 Sanoko Ousmane « le règlement des
conflits dans les pays du Sahel », mémoire DEA DGCL, UFR SJP, 2005,
page
48
contre courant. Le processus de mise en place de la
convention locale de par son caractère participatif et
endogène démontre l'existence de normes locales capables de
régir les différents aspects de la gestion locale.
L'enjeu devient donc une reconnaissance juridique de ces règles
traditionnelles qui ont fait leur preuve d'efficacité.
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