c. Le discours cypherpunk : Internet, royaume libertaire ?
Certains Internautes se refusent à accepter une telle
surveillance. Parmi ceux-là, les cypherpunks. Il s'agit d'un mouvement
né au début des années 1990, au moment de l`essor
d`Internet. Les cypherpunks prônent une liberté totale sur le
Réseau, sans contrôle d`aucune institution : « Arise, you
have nothing to lose but your barbed wire fences ! »27, tel est
le mot d`ordre de l`un des fondateurs du mouvement, Tim May. Chacun doit
pouvoir communiquer à sa guise, tout en ayant l`assurance de ne pas voir
ses correspondances privées interceptées. Eric Hughes,
co-fondateur du mouvement et auteur du « Manifeste du Cypherpunk »
publié le 9 mars 1993
(http://www.activism.net/cypherpunk/manifesto.html) s`exprime ainsi:
« La protection de la vie
25 David Lonsdale, Information power : Strategy,
Geopolitics, and the Fifth Dimension, p.138 26 Michael Vatis,
juriste américain, cité dans un article du Nouvel Hebdo, du
1er août 2001 27 « Levez-vous, vous n`avez
rien d`autre à perdre que vos barrières de barbelés
!». Manifeste Crypto-Anarchiste,Tim May.
privée [privacy] est nécessaire pour une
société ouverte à l`ère électronique. La
protection de la vie privée n`est pas le secret. Un sujet d`ordre
privé est quelque chose que l`on ne souhaite pas révéler
au monde entier, tandis qu`un sujet privé est quelque chose qu`on ne
souhaite communiquer à personne [...].La protection de la vie
privée dans une société ouverte requiert également
le développement de la cryptographie. [...] Nous, les Cypherpunks, nous
nous dédions à la construction de systèmes anonymes
». On voit ainsi que les Cypherpunks ont été les premiers
promoteurs de la libéralisation de la cryptographie28. Au
sein de ce mouvement, on compte entre autres une figure symbolique dans le
monde de la cryptographie : Philip Zimmermann. Dans les années 1980, ce
dernier fut frappé de constater que seules les agences de renseignement,
ainsi que les plus gros trafiquants d`armes ou de drogues avaient accès
à des systèmes cryptographiques forts. Pour Zimmermann, cet
accès devait être garanti à tous. C`est pourquoi il
s`ingénia à construire un logiciel performant qui serait mis
à la disposition de tous. En 1991, son produit était
achevé. Il le nomma : Pretty Good Privacy, PGP, et le diffusa librement
sur le Net. Pour les Cypherpunks, Internet doit rester un lieu
privilégié, sans contrainte, une sorte de joyeux chaos. Les
services de renseignement n`auraient donc aucune place dans cet univers de
libertés absolues.
On perçoit à travers la diversité des
discours sur le Réseau que rien ne paraît moins évident que
l`association Internet/ Services de renseignement. Pourtant, le lien unissant
Internet aux services de renseignement nous paraît indéfectible.
Jamais les services de renseignement n`ont négligé les nouvelles
technologies. Ils ont toujours su mettre à profit les inventions des
ingénieurs, que ce soit le télégraphe de Chappe, ou bien
le téléphone de Graham Bell. Une partie importante du
renseignement, le renseignement technique (qui complète le renseignement
humain), se base en effet sur l`exploitation de données émises
via les moyens de communication. Internet ne pouvait donc échapper
à la règle... et ce d`autant plus que la création du web
est inextricablement liée aux services de renseignement,
élément que semblent oublier les tenants des discours
précédents. Internet peut donc être défini comme un
véritable lieu de pouvoir. C`est ce que nous nous proposons
d`éclairer.
28 Ensemble des techniques relatives au chiffrement
des textes.
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