b. Echelon, un modèle de l`Etat tout-puissant ?
Au Printemps 1998, le livre de Nicky Hager, Secret Power ,
révèle l`existence d`un réseau de renseignement mondial,
appelé Echelon, utilisé par les pays du Pacte UKUSA, soit les
Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l`Australie et la
Nouvelle-Zélande. Cette information provoqua une véritable
tempête au Parlement Européen. Ce système de renseignement
offensif, basé sur des interceptions, permettait de suivre conversations
téléphoniques et communications électroniques au niveau
mondial. L`Etat qui usa au mieux des informations ainsi
récupérées fut sans contestation possible, les Etats-Unis.
Nous allons ici étudier le « Rapport d'information de
M. Arthur Paecht, au nom de la commission de la défense,
sur les systèmes de surveillance et d'interception électroniques
pouvant mettre en cause la sécurité nationale (Système
Echelon) », enregistré à l`Assemblée Nationale le 11
octobre 2000. Ce rapport établi par un député
français va nous permettre de mieux comprendre les craintes que peuvent
susciter un système de renseignement mondial, dans lequel les
réseaux de communication, et notamment Internet, sont exploités
par un Etat (ou plusieurs) qui prétend ainsi défendre ses
intérêts vitaux.
Le système Echelon fut mis en place en 1947, à
l`aube de la Guerre Froide, afin de surveiller le Bloc soviétique, qui
à l`époque s`érigeait en véritable menace à
l`égard du Monde Libre. Des stations d`écoute et d`interception
furent placées dans tous les pays signataires du pacte UKUSA, ce qui
permit une couverture mondiale ou quasi-mondiale. Cependant on pourrait
s`interroger sur la nécessité du maintien d`un tel réseau,
une fois le Bloc Soviétique éclaté, et le Pacte de
Varsovie ayant volé en éclat. Selon Paecht, « la
finalité militaire est [...] l'argument invoqué pour le maintien
du réseau après la disparition du Pacte de Varsovie ». La
fonction régalienne de l`Etat permet de justifier la surveillance et
l`exploitation intensive des réseaux de communication. Paecht nous
apprend que « les méthodes d'écoute concernent tous les
vecteurs utilisés pour les communications modernes : ondes radio,
satellites, câbles terrestres ou sous-marins, fibres optiques,
réseaux informatiques... ». Indubitablement, l`association
Internet-services de renseignement a permis à l`Etat de consolider son
pouvoir . Dans le cas d`Echelon, ce sont surtout les Etats-Unis qui ont
profité des potentialités de ce réseau d`interceptions.
« L'architecture du réseau «Echelon» a été
entièrement conçue par la NSA en charge statutairement du
renseignement électronique SIGINT et les quatre autres agences
nationales [anglaise, canadienne, australienne, néo-zélandaise]
n'ont fait que l'adopter. Seule la NSA dispose de l'ensemble des codes ou
combinaisons et a l'accès à l'ensemble du réseau
»93. La suprématie américaine en matière
de renseignement se montre une nouvelle fois incontestable.
D`autre part, l`adaptation à un environnement complexe
et polymorphe a obligé les Etats, membres du réseau Echelon
à repenser leur système d`Intelligence. Face à un flux
massif d`informations, ils ont dû trouver de nouvelles solutions
techniques permettant d`acquérir une surveillance efficace des
réseaux. La première technique, devenue d`usage courant sur le
Net, est la recherche d`informations pertinentes par mots-clés : «
Les mots-clés correspondent par exemple à des noms de dirigeants
politiques ou économiques, d'entreprises, d'institutions, de produits ou
de références de répertoires (adresses, numéros de
téléphones, de télex ou de fax) ».94 Cette
recherche permet de classer les informations de façon cohérente.
Une telle recherche par mots-clés s'apparente aux logiciels TOPIC et
TAIGA cités plus haut.
Echelon témoigne précisément de
l'extension du concept de sécurité: « Alors que la
disparition du Pacte de Varsovie et l'effondrement du bloc soviétique
auraient pu amener le système global d'interceptions des communications
à disparaître, il semble qu'avant même la fin des
années 80, «Echelon» ait été orienté
à d'autres fins, y compris le renseignement économique, voire
utilisé avec des objectifs politiques entre Alliés.
»95 On constate que peu à peu les services de
renseignement comprennent leur mission de protection des intérêts
nationaux au sens large. Il ne s`agit plus seulement de défendre les
intérêts politiques et militaires d`un Etat, mais
93 Rapport Paecht. 94 Rapport Paecht.
95 Rapport Paecht.
également de défendre ses intérêts
économiques. Dans cette guerre pour l`information économique,
Internet va se révéler un allié précieux pour les
services de renseignement.
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