Les ONG et la transformation des conflits dans le territoire d'Uvira.par Christian KIKA KITUNGANO Université Officielle de Bukavu, UOB - Licence en sociologie 2016 |
2. TransformationIl nous semble difficile à ce niveau de donner le sens du concept transformation. Plusieurs dictionnaires spécialisés n'ont pas, à ce titre, essayé de donner la définition de ce terme. Nous disons avec Mumbu33(*) que ce concept peut signifier plusieurs choses à la fois selon l'usage et le contexte dans lesquels il est utilisé. Il signifie donc donner à une personne ou à une chose une forme que celle qu'elle avait précédemment, par extension, il désigne l'amélioration. Pour ce qui nous concerne, la transformation signifie dans cette étude, faire quitter le conflit dans l'état de violence à un état de non-violence en vue de consolider la paix à travers la négociation. 3. ConflitEn guise d'opérationnaliser ce concept, il convient tout d'abord d'en donner une série des définitions retenues dans le cadre de cette étude. Selon Mushi Mugumo34(*), ce terme est souvent utilisé dans la vie quotidienne pour signifier l'absence d'accord et d'harmonie entre deux personnes, deux unités, deux ou plusieurs entités locales. Yves Alpeet ses compagnons35(*) estiment que le conflit est une opposition entre individus ou groupes sociaux et des valeurs ou des intérêts cherchant à instaurer un rapport des forces en leur faveur. Christian Marsan36(*) définit le conflit comme les manifestations d'antagonismes ouverts entre deux acteurs (individuels ou collectifs) aux intérêts momentanément incompatibles quant à la possession ou la gestion des biens rares matériels ou symboliques. Il peut en outre être compris comme une relation antagoniste entre deux ou plusieurs unités d'action dont l'une, au moins, tend à dominer le champ social de leurs rapports. L'existence d'un conflit suppose en effet deux conditions apparemment opposées, d'une part des acteurs ou plus généralement des unités d'action délimitées par des frontières et qui ne peuvent donc être des forces purement abstraites. D'autre part, une interdépendance de ces unités qui constituent les éléments d'un système37(*). Pour Reinhard38(*), le conflit est un choc, il peut aussi avoir une signification positive ; dans ce cas, il peut prendre le sens de crise, chance, croissance..., car il est inhérent à la nature humaine. Pour nous, ce terme conflit désigne un choc, une lutte, une tension, un désaccord ou une mésentente entre deux ou plusieurs individus ou communautés ayant des intérêts à sauvegarder pour son épanouissement. C'est-à-dire lorsqu'un individu ou une communauté confisque les intérêts d'autrui, il se crée des tensions entre les deux parties. La langue chinoise ou japonaise souligne par ailleurs l'ambivalence du mot conflit : les caractères qui composent ce mot signifient à la fois « danger » et « opportunité » exprimant nettement la dualité, que le conflit peut être destructeur ou constructif selon la manière dont il est géré39(*). Cette affirmation met en évidence une capacité à maîtriser, à contrôler et à orienter positivement le conflit. Le conflit est au centre des rapports entre personnes et entre communautés ou entre collectivités humaines. Il a pour fonction de construire entre elles des relations de justice. La relation entre les individus dans la société est constituée de leurs personnalités. Chacun a besoin de l'autre. Le premier contact avec un individu est souvent conflictuel, il est alors une relation d'adversité, de tension, d'affrontement. C'est à travers des conflits qu'on se fait reconnaître. Il convient de dire que le conflit a plusieurs visages et apparait sous diverses formes. C'est dans ce contexte que Reinhard parle du conflit positif et de conflit négatif40(*). Dans le territoire d'Uvira, les communautés se reconnaissent à travers différentes réactions affichées face à un conflit. Dans la plaine par exemple, les Barundi et les Banyamulenge savent que lorsque leurs vaches détruisent les champs cultivés par le Bafuliru, c'est la tension qui se déclenche. Chacune des communautés sait déjà la réaction de l'attitude de l'autre face à la menace de ce genre. Il est positif quand il est mobilisateur d'autres énergies et quand il est vu comme quelque chose qu'il faut résoudre ensemble. Il peut amener une exploration de valeurs, de sentiments. Pendant la phase de la négociation entre deux communautés du territoire qui aboutit à des protocoles d'accords suite à un compromis ou un consensus entre membres des communautés, dans ce cas, on parle du conflit positif dans le territoire d`Uvira. Il est négatif et destructeur quand il consume toutes nos énergies et quand on n'arrive pas à travailler, à dormir, quand le protagoniste est vu comme un adversaire à abattre. La situation conflictuelle à Uvira permet la constatation d'une opposition entre personnes ou entités c'est-à-dire entre partie en conflit. En d'autres termes, lorsque un conflit qui oppose régulièrement les membres de communauté Barundi et à celles de Communauté Bafuliru qui se solde souvent pour ne pas dire toujours par un désaccord entre membre, on parle aussi du conflit négatif * 33 P. MUMBU MUKUNDA, cours de théorie de la communication sociale, G3 sociologie, UOB, 2008-2009, inédit * 34MUSHI MUGUMO, « développement inégal des conflits » in paix et résolution pacifique des conflits durant la transition démocratique au Zaïre, CRONGD, Kinshasa, 1996, p.1 * 35 Y. ALPES, et Alii, lexique de sociologie, Paris, Dalloz, 2005, p.38 * 36 Dictionnaire de sociologie cité par C.MARSAN, Gérer les conflits, Paris, Dunod, 2OO5, p.15 * 37 Grand dictionnaire encyclopédique la rousse, T3, 1982, p. 2506 * 38 J. REINHARD VOB, Apprendre la non-violence de la Bible, manuel de formation de la CDJP en RDC, Médias Pol, Kinshasa, 2011, p.15 * 39 Ibidem * 40 idem |
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