PARAGRAPHE 3 : LES DIVERSES RAISONS EMEPECHANT L'EXECUTION
DES
JUGEMENTS ETRANGERS DANS L'ESPACE OHADA.
En dehors du non-respect des conditions du droit international
privé justifiant qu'une décision étrangère puisse
recevoir application par l'Etat requis, d'autres raisons sont des
véritables freins à l'harmonisation tant prônée par
le préambule de l'OHADA. Elles sont diverses et variées ; c'est
pourquoi nous n'évoquerons que quelques-unes qui nous paraissent
perceptibles par rapport à d'autres. Les données du
problème que nous allons présenter(A), méritent quelques
pistes de solution que nous nous proposons d'apporter(B).
A-L'EXPOSE DES RAISONS.
Ces raisons empêchant l'exécution des titres
étrangers dans l'espace OHADA sont nombreuses ; l'on peut relever :
-Les pesanteurs liées aux
antécédents socio culturels du juge national : En effet,
jusqu'à l'intervention du droit communautaire, les juges nationaux
opéraient en la matière sous la seule autorité
(législation) de son Etat. Subitement il se voit imposer une autre
autorité puisée hors de sa sphère Etatique, qui lui
assigne des obligations impératives de faire ou de ne pas
faire395. Le juge national peut donc se sentir en
insécurité face à cette autorité venue d'ailleurs ;
parfois sa connaissance de cette dernière est même mitigée,
voire insuffisante. C'est pourquoi il faut déjà chercher à
anticiper sur les moyens de briser cette probable résistance du juge
face à l'expansion du droit communautaire ;
-L'autonomie et le cloisonnement des ordres juridiques
internes : Une décision étrangère n'a à
proprement parler aucune force normative avant l'octroi de l'exequatur. De
plus, chaque Etat ayant le monopole de la contrainte sur son territoire la
suppression de cette instance serait une suggestion de l'Etat requis à
celui d'origine de la décision ou de l'acte à exécuter. Il
est
394 Voir supra, toutes les différentes conditions
exigées.
395 MEBIAMA(G), les traités et accords
internationaux dans la constitution congolaise du 20 janvier 2002,in RJIC
n°3,juillet-septembre 2003 ;p 370 et s.
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également question de s'assurer que l'Etat requis
n'accorde pas de valeur normative à des décisions et actes
étrangers contraires à l'ordre public international ou
entachés de fraude intolérable. Il s'agit de vérifier
qu'un acte qui violerait gravement les droits d'une partie ne soit pas
intégré dans l'ordre juridique interne396 ;
-L'autonomie institutionnelle et procédurale
: En l'absence d'un corpus de règles processuelles
propres, le droit OHADA pour les besoins de son application par les
juridictions nationales, renvoie aux règles de procédure du droit
national qui permettent sa mise en oeuvre effective au sein de chaque Etat
partie397. Or du fait de la diversité des pratiques en
matière procédurale, c'est l'édifice commun voulu qui s'en
trouve fragilisé, puisque l'application du droit OHADA est
laissée à la merci des règles nationales398. Ce
qui est en contradiction avec le principe d'intégration et de
sécurité juridique visé par l'OHADA ;
-Le déficit des institutions des pays membres
de l'OHADA : ce déficit est dû au manque de
crédibilité causé par le phénomène de la
corruption l'engorgement des tribunaux, à la violation des droits de la
défense, à la faible compétence et à
l'inféodation des magistrats au pouvoir exécutif. Un tel climat
est donc impropre à la confiance mutuelle399, à tel
point que les pays ayant une gouvernance judiciaire plus crédible sont
réticents à l'idée que les décisions et actes en
provenance des pays les plus corrompus puissent être soustraits à
un contrôle plus rigoureux ;
-Le caractère expansif du droit OHADA :
Ce dernier a tendance à embrasser des matières non
commerciales relevant ainsi du domaine du droit interne des Etats. La doctrine
ne manque pas d`ailleurs de souligner les dangers liés à cette
démesure400. L'article 28 de l'A.U.P.S.R.V.E dispose que
« tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa
créance, dans les conditions prévues par le
présent acte uniforme, contraindre son débiteur
défaillant à exécuter ses obligations à
son égard, ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer
la sauvegarde de ses droits». De plus, l'article 336 de cet acte
abroge de manière radicale toutes les dispositions nationales des Etats
parties sur les matières relatives aux voies
396 SERGE CHRISTIAN(E), «intégration,
exequatur et sécurité juridique dans l'espace OHADA Bilan et
perspective d'une avancée contrastée» ; journal
international de droit économique, 2017/3, p70.
397 NGONO(V.C), «réflexion sur l'espace judiciaire
OHADA», revue de l'ERSUMA, droit de affaires pratique professionnelle,
janvier 2016 n°6, p197 et s.
398 B.DIALLO, «principe de l'autonomie institutionnelle
et procédurale des Etats parties face à l'application des actes
uniformes du droit OHADA», jurifis octobre 2012, Edition
spéciale n°12, p16.
399 MEYER(P), «sécurité juridique et
judiciaire dans l'espace OHADA», Op .cit. 30 ;
400 POUGOUE(P.G), ELONGO(Y.R) introduction critique
à l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires,
Yaoundé, presse universitaires d'Afrique 2008, p67.
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d'exécution et à l'injonction de payer. A la
lecture de l'article 28 précité, l'acte uniforme sur les voies
d'exécution a tendance à s'appliquer aussi bien aux
commerçants que les non commerçants, aux obligations civiles
ainsi qu'aux obligations tirant leur fondement d'une activité
commerciale ou professionnelle. L'on peut dire dans une certaine mesure que le
domaine originel des affaires qui est l'essence même de l'OHADA a
été dépassé ;
-Une prolifération des textes régissant
la circulation des jugements et actes publics étrangers : Tel
qu'on l'a relevé plus haut, la circulation des jugements, sentences et
actes publics étrangers sont soumis aux règles de droit
international privé dérivant soit des accords de
coopération, soit des conventions multilatérales, soit des lois
de chaque Etat partie à l'OHADA401. La prolifération
des textes entraine souvent leur méconnaissance et ineffectivité.
Au vu de toutes ces insuffisances (non exhaustives), nous nous proposons
d'apporter quelques solutions.
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