A-L'ANEANTISSEMENT DU TITRE DEPUIS SON PAYS
D'ORIGINE.
Le jugement définitif exequaturé
peut être caduc au cas où une autre décision
émanant du même pays vient le paralyser. Ce qui signifie que
l'ancienne version ne pourra plus produire d'effets, car une nouvelle
décision viendra fixer une autre directive376. A la lecture
des différents textes conventionnels et communautaires examinés,
il ressort que la décision qui postule à l'obtention de
l'exequatur doit être susceptible d'exécution forcée dans
son pays d'origine, ce qui signifie qu'elle soit passée en force de
chose jugée et qu'il ne soit
372 L'article 26 précité retient comme cause
d'annulation :« si l'arbitre a statué sans convention
d'arbitrage ou sur une convention d'arbitrage nulle ou expirée ;si le
tribunal arbitral a été irrégulièrement
formé ,ou l'arbitre unique irrégulièrement
désigné ; si le tribunal arbitral a statué sans se
conformer à la mission qui lui a été confiée ;si le
principe du contradictoire n'a pas été respecté ;si la
sentence arbitrale est contraire à l'ordre public international ;si la
sentence arbitrale est dépourvue de toute motivation».
373 Voir supra.
374 Art 29 al 3 du règlement CCJA révisé.
375 Art 29 al 5 du règlement CCJA révisé.
376 MESSI ZOGO (F.R) op.cit.p65.
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plus possible d'exercer des voies de recours suspensif de la
procédure contre elle377. Autrement dit, si une annulation de
la décision survient depuis son pays d'origine ou qu'une voie de recours
a été exercée contre elle, la force de la chose
jugée fera défaut et la décision ne pourra faire l'objet
d'exequatur. Notons que cette hypothèse ne constitue pas un cas
d'école du moment où en France elle a déjà eu
à se poser.
En effet dans une affaire, la société SONATRACH
était opposée à une société
Algérienne qui avait obtenu l'exequatur en France d'un jugement rendu en
Algérie contre la société SONATRACH. Par la suite le
jugement exequaturé était anéanti à
l'étranger après l'exercice d'une tierce opposition. SONATRACH a
exercé un recours en révision contre je jugement de la cours
d'appel de paris sans obtenir gain de cause. Elle continua à se pourvoir
en cassation, mais la cour de cassation a décidé que
l'anéantissement à l'étranger d'un jugement ne pouvait
être assimilé à la fausseté d'une pièce, et
qu'il existe d'autres voies permettant de faire valoir en France que
l'exequatur de ce jugement est devenu caduque378.
Cependant cette solution consacrée par la cour est
critiquable car à notre sens, il est inadmissible car la remise en cause
d'un droit à l'étranger ne puisse pas suspendre
l'exécution de ce même droit dans le pays où
l'exécution a lieu. Cependant quels moyens dispose le plaideur pour
remettre en cause un tel jugement ?
KESSEDJIAN(C) a proposé quelques solutions
pour mettre fin à l'exécution d'une décision
anéantie :
-Premièrement le plaideur peut demander la
reconnaissance de la nouvelle décision étrangère ;
à ce stade seule la reconnaissance de son effet négatif est
demandée ;
-La deuxième solution consisterait à introduire
une demande afin de demander la caducité de l'exequatur, car cette
dernière consiste en l'apposition de la formule exécutoire sur la
décision étrangère ; en cela elle n'est qu'une mesure
accessoire qui nécessite un support, si l'on supprime ce support, la
mesure d'exequatur ne se justifie plus ;
377 Voir supra.
378 Cass civ 1ere, 12 novembre 1986, rev crit Dip, 1987, p752,
note CATHERINE KESSEDJIAN.
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-La troisième solution serait de former une tierce
opposition contre le jugement d'exequatur ;
-La quatrième solution consisterait d'agir en
nullité ou demander la main levée de la saisie, quel que soit le
type de saisie pratiquée379.
Pour ce qui est des sentences arbitrales
étrangères, Il peut également arriver que ces
dernières soient revêtues de la formule exécutoire et
soient par la suite annulées. En droit OHADA, il serait en outre
inadmissible qu'un Etat partie accorde l'exequatur à une sentence dont
l'annulation a été prononcée par la CCJA380. La
convention de new York précitée exclut également
l'exequatur quand « la sentence est annulée, ou suspendue par
une autorité compétente du pays dans lequel ou de la loi
d'après laquelle la sentence a été
rendue381».
C'est à juste titre que l'article 32 al 3 de l'A.U.A
révisé dispose que « toutefois, le recours en annulation
emporte, de plein droit, dans les limites de la saisine de la juridiction
compétente de l'Etat partie, recours contre la décision ayant
accordé l'exequatur» ; à contrario, «le rejet
du recours en annulation emporte, de plein droit, validité de la
sentence arbitrale ainsi que la décision ayant accordé
l'exequatur382». Cela signifie que l'introduction du
recours en annulation de la sentence, emporte recours contre la décision
ayant accordé l'exequatur. De ce fait, il sera question pour le juge
l'ayant accordé de suspendre l'instance le temps de l'attente du
verdict, vu que celui-ci conditionne la suite des
évènements383.
Le droit français n'est cependant pas de cet avis, car
la cour de cassation française a eu à confirmer la reconnaissance
des sentences arbitrales étrangères annulées dans leurs
pays d'origine. En effet dans l'affaire HILMARTON384, il a
été décidé que «la sentence rendue en
suisse était une sentence internationale qui n'était pas
intégrée dans l'ordre juridique de cet Etat, de sorte que son
existence demeurait établie malgré son annulation».
Plus récemment une autre décision a été rendue dans
l'affaire PUTRABLI du 29 juin 2007, la cour de cassation a affirmé que
la sentence internationale n'étant rattachée à aucun ordre
juridique, l'annulation d'une sentence étrangère par les
juridictions du siège de l'arbitrage ne fait pas obstacle à sa
reconnaissance ou son exequatur en France. Une telle décision est bien
sur critiquable, car on peut difficilement soutenir qu'une sentence n'est
rattachée à aucun ordre juridique.
379 NGONO VERONIQUE(C.) op.cit. p50.
380 MEYER(P), droit de l'arbitrage, op.cit.
381 Art V al 1(e) de la convention.
382 Art 33 de l'A.U.A révisé.
383 MESSI ZOGO (F.R) op.cit.p67.
384 Rev arb 1994, p 327note CH.Jorosson ; JDI 1994, p 701 note E.
Gaillard.
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En outre l'exécution des jugements provisoires
étrangers a fait l'objet des débats en doctrine. Pour
M.DELAPORTE, la circulation des jugements provisoires se prêtaient mal
à une circulation internationale, du fait qu'ils n'ont pas
autorité de la chose jugée au principal. Ils peuvent donc
être remis en cause par le juge du territoire du for, par
conséquent on ne voit comment ils pourront être reconnus.
M.E.JEULAND, soutient qu'on peut refuser le bénéfice de
la reconnaissance aux jugements provisoires, au motif que leur force
exécutoire est amoindrie ; ce qui importe, c'est l'existence du
caractère exécutoire et non son étendue385.En
outre, l'auteur propose d'instaurer un sursis à statuer qui permettra au
juge de l'exequatur d'attendre que le juge du fond ait statué.
KESSEDJAN pour sa part propose de poursuivre la
reconnaissance ; quitte à sursoir à statuer sur son
exécution définitive. L'auteur propose aussi la
possibilité d'accorder l'exequatur avec une clause de
résolution386. Ces solutions méritent d'être
prises en compte dans nos prochaines reformes. Il existe également
d'autres entraves à l'exequatur.
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