PARAGRAPHE 3 : LES EFFETS DE LA SAISIE.
Suivant qu'il s'agit de la saisie conservatoire ou de la
saisie attribution, la décision ou titre revêtu d'exequatur aura
pour effet de rendre la créance indisponible(A) pour la première
hypothèse c'est-à-dire la saisie conservatoire, ou alors au
paiement du créancier saisissant à travers l'attribution du solde
saisi à son profit dans la seconde hypothèse(A).
A-L'INDISPONIBLITE DE LA CREANCE.
La saisie conservatoire est initialement prévue pour
parer aux situations d'insolvabilité future du débiteur et de
péril qui seraient susceptibles de rendre périlleux voire
impossible, le recouvrement de la créance. Le but liminaire est donc de
rendre indisponible entre les mains du banquier tiers saisi et
préventivement la créance338.
Contrairement à la saisie attribution de droit commun
qui rend les sommes saisies indisponibles, mais seulement pour le montant pour
lequel elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires339,
en matière de saisie attribution bancaire, l'indisponibilité
concerne tous le solde des comptes du débiteur. Cette
indisponibilité qui déroge au droit commun de la saisie
attribution ou indisponibilité partielle s'explique par la
nécessité de procéder à la régularisation
des opérations en cours340.
334 Art 82 de l'A.U.P.S.R.V.E.
335 Art 83 al 1 de l'A.U.P.S.R.V.E.
336 Art 82 al 2 de l'A.U.P.S.R.V.E.
337 Art 83 al 2 de l'A.U.P.S.R.V.E.
338 TCHEUMALIEU FANSI (M.R.), op.CIT.p240.
339 Art 154 de l'A.U.P.S.R.V.E.
340 ASSI-ESSO (A.M-H), et NDIAW (D.), «recouvrement des
créances» ; op. cit. P168.
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Le législateur a fixé le délai
d'indisponibilité qui varie de quinze (15) jours341 à
un mois342. L'on peut penser à la suite de NASSER
ABDELGANI SALEH, que ce délai est en effet trop long et
défavorable pour les activités économiques, du moment
où le compte bancaire est la pierre angulaire du fonctionnement des
cellules économiques ; l'on plaide pour son raccourcissement qui peut
être ramené à quinze jours maximum343. Pourquoi
pas moins de cela même ?
Pour DONNIER(M) et DONNIER(J.B), l'institution de
l'indisponibilité totale en ce qui concerne les saisies
pratiquées sur un compte bancaire par le législateur OHADA est
une solution très gênante dans la mesure où celle-ci
comporte un danger grave. Il suffit pour s'en faire une idée d'imaginer
une grosse entreprise procédant chaque jours à des dizaines
d'Operations bancaires, et dont tous les comptes tenus par son banquier
habituel seraient brutalement bloqués en totalité par une saisie
attribution pratiquée par l'un de ses créanciers impayés,
alors surtout que cette saisie aurait pu être pratiquée en vertu
d'une créance d'un faible montant ;ce serait certainement une
catastrophe pour cette entreprise344.
En droit français, la tendance a évolué.
L'article 22 al 1er de la loi du 09 juillet 1991 disposait
déjà que «l'exécution de ces mesures ne peut
excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le
paiement de l'obligation». Le décret du 31 juillet 1992 pour
sa part dispose «au vu des renseignements fournis par le tiers saisi,
le créancier peut limiter la saisie à certains comptes».
La pratique bancaire en interprétant d'une façon
littérale l'article 76 du décret du 31 juillet 1992 a mis sur
pied un système original qui, dans les situations où il peut
être utilisé permet d'éviter les
obstacles345.
Dès la signification de l'acte de saisie par
l'huissier, le banquier commence par isoler les sommes ainsi attribuées
et les place sur un compte spécial dérivé du compte normal
qui est bloqué346. Ensuite, il utilise l'article 76
précité pour éviter que les sommes restant sur le compte
normal ne soient elles aussi indisponibles ; autrement dit il existe une
possibilité de libérer les sommes restant sur le compte du saisi
en contrepartie d'une garantie donnée par
341 Art 161 al 2 de l'A.U.P.S.R.V.E.
342 Art 161 al 2 de l'AUPSRVE.
343 NASSER ABDELGANI SALEH, le compte bancaire et les
procédures civiles d'exécution, op.cit., p 47.
344 DONNIER (M.) et DONNIER (J.B.), voies d'exécution et
procédures de distribution, op.cit. p381.
345 NASSER ABDELGANI SALEH, le compte bancaire et les
procédures civiles d'exécution, op.cit,p 49.
346 NASSER ABDELGANI SALEH, le compte bancaire et les
procédures civiles d'exécution, op.cit,p 50.
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celui-ci au banquier tiers saisi. En réalité le
débiteur doit fournir deux garanties : l'une vis-à-vis du
banquier et l'autre vis-à-vis de ses autres
créanciers347.
A notre sens, le législateur pourrait s'inspirer du
droit français afin d'arrimer l'indisponibilité totale qui ne
correspond plus au monde des affaires contemporaines à
l'indisponibilité partielle tout en prenant en compte la
régularisation des opérations en cours. L'occasion des prochaines
reformes de l'A.U.P.S.R.V.E tant attendues. A présent analysons le
paiement l'attribution des créances par le banquier au créancier
saisissant.
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