CONCLUSION DU CHAPITRE 1.
L'exécution des décisions
étrangères y compris les actes notariés et les sentences
arbitrales n'est pas si simple et automatique comme on aurait pu l'imaginer. A
l'analyse comme on l'a vu dans nos développements, il existe un certain
nombre de conditions à respecter aussi bien pour les jugements
étrangers que pour les sentences arbitrales désirant obtenir
l'exequatur. Pour les jugements étrangers, il est requis des conditions
d'ordre processuel constituées par l'établissement de la
compétence internationale du juge étranger, le respect des droits
de la défense, et la possibilité d'exécution de la
décision dans son pays d'origine. Les conditions substantielles quant
à elles sont constituées du respect de l'ordre public
international, l'absence du conflit de décision. En sus de ces
conditions précitées, certaines conventions ont appliqué
d'autres conditions supplémentaires jugées sévères
comme le contrôle de la loi appliquée au fond du litige, le
contrôle par le juge de certains éléments du procès
équitable, ainsi que la motivation.
Les conditions appliquées aux sentences arbitrales ont
également été posées. L'acte uniforme sur
l'arbitrage n'en a exigé que deux(2) à savoir la preuve
écrite de la sentence, ainsi que sa conformité à l'ordre
public international. Le règlement CCJA pour sa part a revêtu les
sentences arbitrales rendues sous son égide obligatoire dans les
territoires des Etats membres, mais pour recevoir force exécutoire,
l'apposition d'une formule exécutoire par l'autorité judiciaire
nationale en charge est indispensable. La convention de new York du 10 juin
1958 quant à elle a exigé plusieurs conditions dont
l'authenticité de la sentence et la capacité des parties, le
respect du compromis d'arbitrage, le caractère obligatoire de la
sentence, le respect de l'ordre public international, la violation du respect
du contradictoire, ainsi que l'arbitrabilité du litige par voie
d'arbitrage. Par contre la convention de Washington du 18 Mars 1965 se veut
plus libérale en excluant la procédure d'exequatur pour
l'exécution de ses sentences sur le territoire des Etats parties et en
attachant à ces dernières les effets d'une décision
judiciaire nationale. Quant à l'acte notarié, il doit respecter
les conditions d'authenticité telles que exigées dans son pays
d'origine ; cette condition devant être vérifiée par le
juge. Une fois ces conditions respectées, l'on pourra mettre en oeuvre
la procédure d'exequatur qui fera produire à la décision
étrangère ses effets.
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CHAPITRE II : LE DENOUEMENT ET LES SUITES DE
L'EXEQUATUR. L'objet de l'exequatur découle donc de sa
définition, il s'agit pour le juge de l'Etat requis de rendre
exécutoire sur le territoire national soit la décision judiciaire
étrangère, soit la décision rendue par la justice
privée (sentence arbitrale) nationale ou étrangère, soit
l'acte authentique reçu par un officier public dans un pays
étranger et qui y a été rendu
exécutoire292.
Depuis la suppression de la révision au fond de la
décision rendue à l'étranger, la procédure
d'exequatur n'a plus pour objet d'examiner le contenu de la décision
étrangère pour vérifier que le juge a bien tranché
le litige, elle a tout simplement pour objet de conférer à la
décision étrangère, la force exécutoire qui lui
faisait défaut pour produire ses effets dans l'Etat requis, par
conséquent elle se distingue d'une instance directe qui aurait le
même objet que l'instance d'origine. La finalité première
de l'exequatur est donc de rendre possible l'exécution forcée
à la décision étrangère, l'exequatur est un
préalable à l'exécution forcée, il ne constitue pas
une mesure d'exécution293.
En effet le titre exécutoire ne produira d'effet que si
les conditions précitées plus haut sont respectées. Ces
conditions font l'objet de vérification au cours de l'instance en
exequatur, et à l'issue de laquelle on va apposer la formule
exécutoire. Grace à elle, le créancier pourra effectuer
les actes de saisie pour pouvoir rentrer en possession de ses sommes d'argent,
dès lors, il nous semble que l»instance est une étape
indispensable pour la mise en oeuvre du titre exécutoire
étranger294.
Le dénouement de l'exequatur (SECTION 1),
débouche grâce à l'instance en exequatur sur la
concrétisation des droits conférés par la décision
étrangère ; mais pour cela, il ne faudrait pas qu'il y'ait des
voies de recours exercées contre l'exequatur. De plus, les obstacles
à l'exécution (SECTION 2) peuvent être relevés et
nous évoquerons aussi les multiples raisons des différents Etats
qui empêchent la circulation des titres exécutoires
étrangers dans l'espace OHADA, ainsi que nous proposerons quelques
pistes de solutions pour lutter contre cette fâcheuse habitude qui
empêche l'harmonisation des affaires tant prônée par le
préambule de l'OHADA.
292 NDOKY DIKOUME (J.D.), l'exequatur en droit
camerounais, mémoire de master 2, Yaoundé 2 Soa, 2000-2001,
p2.
293 NGONO VERONIQUE(C.) op.cit. p44.
294 MESSI ZOGO (F.R) op.cit.p47.
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SECTION I : L'INSTANCE EN EXEQUATUR ET SES EFFETS.
Le dénouement normal de l'exequatur dans notre
réflexion commence d'abord par l'obtention de l'exequatur qui passe par
l'instance en exequatur (paragraphe 1), ensuite elle permettra le
déroulement des opérations tendant à la mise en oeuvre
effective de la saisie (paragraphe 2), ce n'est qu'une fois ces
formalités accomplies que cette décision pourra produire ses
effets (paragraphe 3).
PARAGRAPHE 1 : L'INSTANCE EN EXEQUATUR.
L'instance en exequatur n'est plus comme celle ayant
donné vie à la décision. Elle se distingue par la
détermination du juge d'exequatur qui est différent du juge
d'instance(A), ainsi que la procédure qui diffère d'une instance
ordinaire(B).
A-LA DETERMINATION DU JUGE D'EXEQUATUR.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il ne
s'agit pas d'un juge unique. Puisque l'acte uniforme n'a pas envisagé la
question d'exequatur, ce sera plutôt vers les multiples conventions que
l'on va se tourner, sans oublier que chaque Etat partie peut aménager
des dispositions législatives désignant dans son ordre interne le
juge d'exequatur (nous prendrons le cas du Cameroun), enfin la CCJA
est également compétente en matière d'exequatur pour les
sentences rendues en application de son règlement.
Pour le droit conventionnel, l'accord de
coopération judiciaire entre les membres de la CEMAC n'élude pas
la question car il dispose que «l'exequatur est accordée quel
que soit la valeur du litige par le président de la juridiction du lieu
d'exécution et qui aurait compétence ratione materiae pour
connaitre ce litige...295».Cet article ne permet pas
d'établir clairement qui est le juge d'exequatur dont il s'agit. Est-ce
le président de la cour suprême ? De la cour d'appel ? Ou du
président de la juridiction d'instance ? Cet accord plus proche de nous
et plus pratique devrait être précis sur la désignation du
juge d'exequatur lors de sa prochaine révision souhaitée.
Cependant les autres conventions ont envisagé la
détermination du juge d'exequatur d'une manière plus
précise. Il en est ainsi de la convention générale de
coopération en matière de justice entre le Niger et le
Mali296, la convention relative à la coopération en
matière judiciaire entre les membres de l'accord de non-agression et
d'assistance en matière de
295 Art 16 de l'accord précité.
296 Art 30 de a convention.
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défense(ANAD)297, la convention
générale de coopération judiciaire entre les pays de l'ex
OCAM298 du 12 septembre 1961 qui disposent en miniature que
«l'exequatur est accordé quelle que suit la valeur du litige
par le président du tribunal de première instance ou de la
juridiction correspondante du lieu où l'exécution doit être
poursuivie». Toutes ces conventions désignent le
président du tribunal de première instance comme juge d'exequatur
; mais est ce que cette désignation est appliquée comme telle
dans les pays membres ?
Justement pour ce qui est du Cameroun, la loi
n°2003/009 du 10 juillet 2003 dispose que le juge compétent
visé par l'article 30 de l'A.U.A révisé est le
président du tribunal de première instance du lieu
d'exécution de la sentence ou celui du domicile du
défendeur299. La même loi a encore fait du
président de la cour d'appel juge du contentieux de l'annulation des
sentences arbitrales rendues sur la base de l'A.U.A, lorsqu'on sait que le dit
contentieux est lié à celui de l'exequatur, on peut affirmer que
le président de la cour d'appel est le juge indirect
d'exequatur300 .
Ensuite la loi du 19 Avril 2007 instituant le juge du
contentieux de l'exécution au Cameroun dispose « le
président du tribunal de première instance ou le juge qu'il
délègue est le juge du contentieux de l'exécution des
décisions judiciaires et des actes publics étrangers ainsi que
les sentences arbitrales étrangères301».
Enfin les articles 1 et suivants302 de la loi
camerounaise n°75/18 du 08 décembre 1975 relative à la
reconnaissance des sentences arbitrales a fait de la cour suprême le
tribunal comptent pour donner effet à la sentence rendue par le
C.I.R.D.I303. Cette mesure se justifie par le fait que la convention
de Washington avait laissé le soin aux Etats parties de designer la
juridiction compétente, pour l'exécution des sentences rendues
par le C.I.R.D.I304 ; ceci dit, le Cameroun a opté pour la
cour suprême ; et ce choix est similaire au Nigeria, Liberia et en
Indonésie305. La combinaison de l'article 12 de la loi de
2007 et 52 al 2 in fine de la convention de Washington permet de penser que la
loi de 2007 abroge celle de 1975, à condition que l'Etat camerounais
informe le secrétaire général du centre, à
défaut la cour
297 Art 33 de l'accord.
298 Art 32 de la convention.
299 Art 4(2) de la loi.
300 NGONO VERONIQUE(C.) op.cit. p38.
301 Voir art 5 de la loi.
302 Voir l'article 1 et suivant de la loi.
303 NGONO VERONIQUE(C.) op.cit. p44.
304 Centre international pour le règlement des
différends relatifs aux investissements.
305 TCHAKOUA (J.M), le contrôle de la
régularité des jugements et sentences arbitrales en droit
camerounais ; thèse de doctorat de 3eme cycle, université de
Yaoundé 1991, p25.
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suprême continuera d'être
compétente306. Malheureusement nous déplorons à
la suite de MESSI ZOGO (F.R) que le choix de cette juridiction ne vide
pas rapidement sa saisine lorsqu'elle est sollicitée d'une
demande307.
S'agissant de la compétence de la CCJA,
son nouveau règlement d'arbitrage a fixé le
président de la dite cour comme autorité compétente en
matière d'exequatur des sentences. Ce règlement dispose :
«l'exequatur est accordée par le président de la cour ou
du juge délégué à cet effet et confère
à la sentence un caractère exécutoire dans tous les Etats
parties. Cette procédure n'est pas
contradictoire308». A la lecture de cet article, pour ce
qui concerne l'exequatur des sentences arbitrales rendues sur la base du
règlement CCJA, c'est la cour qui est l'autorité
compétente.
Toutefois étant donné que l'exequatur est une
manifestation de la souveraineté d'un Etat, une fois la sentence
revêtue de l'exequatur de la CCJA, pour recevoir application dans l'Etat
requis, encore faudra-t-il que ce dernier appose son exequatur une
«deuxième fois». C'est ce qui ressort de la lecture
de l'article 31.2 du règlement CCJA révisé : «Au
vu de la copie conforme de la sentence revêtue de l'attestation du
secrétaire général de la cour, l'autorité nationale
désignée par l'Etat pour lequel l'exequatur est demandée,
appose la formule exécutoire telle qu'elle est en vigueur dans ledit
Etat». Une question se pose dès lors, comment s'effectue la
procédure devant ce juge d'exequatur ?
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