B-LES CONDITIONS D'ORDRE SUBSTANTIEL.
Il s'agira de présenter l'ordre public international,
le conflit de décision, ainsi que l'authenticité de l'acte
notarié dans une certaine mesure.
Pour ce qui est de l'ordre public, il s'agit
d'une notion fondamentale pour l'ordre dans un Etat. En droit interne, il
s'agit de l'expression de l'impérativité de la règle de
droit à laquelle personne ne peut déroger. De manière
générale elle est assise sur le trypique de tranquillité,
salubrité et sécurité publique. Mais selon la doctrine,
elle est à la fois imprécise232, floue233et
difficile à cerner234.Par ailleurs, l'on peut retenir avec
PLANIOL qu'une disposition est d'ordre public toutes les fois qu'elle est
inspirée par des considérations d'intérêt
général qui se trouveraient compromises si les particuliers
étaient libres d'empêcher l'application de la
loi235.
En droit international privé, il s'agit d'un ensemble
de valeurs considérées dans l'Etat du for à un moment
donné comme fondamentaux du système. Par ailleurs celui-ci
intervient dans la défense de ces valeurs que la cour de cassation
appelle dans l'arrêt LAUTOUR236«des
230 Cette convention regroupe les pays suivants : le Burkina
Faso, la cote d'ivoire, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le
Sénégal, le Togo.
231 NGONO VERONIQUE(C.)op.cit.p11.
232. TERRE (F.), SIMLER (PH.) ; LEQUETTE (Y.), droit civil, les
obligations, précis Dalloz, 9eme Edition, p371.
233 BUFFLIER(I), droit civil, biens et obligations, 2eme Edition,
Bréal 1999, p119.
234 HAUSSER (J.), ordre public et bonnes moeurs,
Encyclopédie juridique civil, 30 avril 1993, p2.
235 PH.MALAURIE in les contrats contraires à l'ordre
public (étude de droit comparé : France, Angleterre, Russie),
Reims Edition Matot-Braine, 1953, p23.
236 Cass civ 1ere, 25 Mai 1948 ; Lautour, RC DIP, 1949, 89, note
BATIFFOL, grands arrêts du D.I.P,n°19.
53
principes de justice universelle considérés
dans l'opinion française comme douées de valeur internationale
absolue ».Celui-ci a pour fonction de sauvegarder les conceptions
juridiques et morales du for, soit en écartant le droit étranger
auquel conduit normalement la règle de conflit, soit en
l'empêchant qu'elle produise ses effets237.
Dans le conflit de juridiction, la condition de
conformité de l'ordre public pareillement sert à éliminer
les décisions qui nous paraissent choquantes ; en effet, ce n'est pas la
loi appliquée par le jugement étranger que l'on déclare
contraire à l'ordre public, mais le jugement lui-même qui choque,
c'est-à-dire les résultats auxquels a conduit l'application de la
loi étrangère238.
Depuis l'arrêt RIVIERE239, il est admis que
l'exception d'ordre public peut avoir deux effets. Il sera radical lorsqu'il
s'agira de créer un rapport juridique, et atténué
lorsqu'il faudra simplement reconnaitre les effets sur le territoire du for,
d'un droit acquis à l'étranger.
Notons cependant, qu'il s'agit d'une notion variante ; elle
change et évolue en même temps que le droit du for. Ceci est
dû au fait que l'ordre public est en effet lié à la
politique législative d'un Etat à un moment donné. Par
contre le problème qui peut se poser de cette variabilité est
celui de savoir, si en cas de modification ou d'évolution de l'ordre
public, le juge doit tenir compte de ce qu'étaient les exigences de
l'ordre public au moment de la constitution de la situation, ou de celles qui
sont au moment où il statue. La réponse à cette question
généralement admise est que le juge doit tenir compte de l'ordre
public dans son état actuel ; c'est le principe de l'actualité de
l'ordre public240.
Le conflit de décision pour sa part doit
être évité, c'est ce qui transparait à la
lecture de la convention Franco-Camerounaise dans son article 34 alinéa
(c) et (d) Dans ce cas, pour accorder l'exequatur à une décision
il ne faudrait pas qu'il y'ait une procédure relative à cette
dernière pendante devant l'Etats où est requis l'exequatur, et
l'absence de décision rendue dans un autre Etat et réunissant les
conditions nécessaires à son exequatur. C'est l'hypothèse
des conflits de décision et de procédure en droit international
privé241. Les conflits de décision
237 KOUAM(S.P),la réception du droit
français dans la construction d'une théorie
générale de droit international privé camerounais
,réflexion à partir de l'avant-projet de code des personnes et de
la famille,p41.
238 NGONO VERONIQUE(C.)op.cit.p12.
239 Cass civ 1ere, 17 avril 1953.
240 ANCEL(B), LEQUETTE(Y), les grands arrêts de le
jurisprudence française en droit international privé, 5eme
Edition, 2006, p533.
241 NGONO VERONIQUE(C.)op.cit.p23.
54
surviennent en droit international privé du fait de la
diversité des ordres juridictionnels et les critères qu'ils
prennent en compte pour retenir leur compétence242.
Une décision est passée en force de chose
jugée lorsqu'elle n'est pas susceptible de recours, tant ordinaire
qu'extraordinaire, par ailleurs nous allons constater qu'en ce moment-là
le jugement bénéficie d'une efficacité de plano, du fait
qu'il est opposable à tous243.De ce fait l'on pourra conclure
que toutes les fois que la décision étrangère n'aura pas
acquise force de chose jugée, elle sera contraire à une
décision devenue définitive dans l'Etat du for244.
Nous convenons à la suite de VERONIQUE NGONO
que Comme aucune autorité supranationale n'est compétente
pour repartir les litiges entre divers ordres juridictionnels, chaque Etat doit
pour son compte tenter de pallier cette carence245, en concluant des
conventions aussi bien bilatérales que multilatérales
cohérentes relatives à la compétence juridictionnelle. En
droit interne, il existe des mécanismes permettant de prévenir
l'existence de deux décisions rendues sur les mêmes faits, entre
les mêmes parties. C'est l'exception de litispendance qui oblige la
juridiction saisie en dernière à se dessaisir, et la
connexité qui permet de jouer au profit de la juridiction la mieux
placée pour trancher le litige ; Le conflit entre une décision
déjà prononcée et une procédure nouvelle prend fin
par l'admission de l'exception de chose jugée qui rend la nouvelle
demande irrecevable246. La cour de cassation française a eu
à décider que : «l'exception de litispendance peut
être reçue devant le juge français en vertu du droit commun
français, en vertu d'une instance engagée devant le tribunal
étranger également compétent»247 .
Malgré cela, lorsqu'une décision est rendue dans
un Etat et son exequatur demandé dans un autre, l'exception de
litispendance ne devrait pas empêcher d'accorder l'exequatur car il faut
respecter les droits acquis248. Ce principe général de
droit international privé qui domine toute la matière de l'effet
des jugements étrangers impose de faire application de la
règle Prior tempore potior jure fait prévaloir le
premier jugement dans le temps249 Nous
242 NGONO VERONIQUE(C.)op.cit.p15.
243 PERROT(R.) «Chose jugée : efficacité
de la chose jugée à l'égard des tiers», revue
trimestrielle de droit civil 2007, chroniques, p383.
244 MESSI ZOGO (F.R) op.cit.p19.
245 NGONO VERONIQUE(C.)op.cit.p15.
246 NGONO VERONIQUE(C.)Op.cit.
247 Cass civ, 26 novembre 1975 ; JDI 1975, 108, note Ponsard.
248 NGONO VERONIQUE(C.)Op.cit.p24.
249 H.ROLAND et L.BOYER, adages du droit français ; 4eme
Edition, Paris litec 1999, p 674.
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aurions aimé que ces exceptions soient
transposées au niveau international, dans une codification bien
harmonisée et cohérente.
Terminons enfin par l'acte authentique. Aux
Celui-ci doit être remplir les conditions d'authenticité de son
pays d'origine. Le juge doit rechercher l'authenticité de cet acte comme
s'il recherchait la preuve de la loi étrangère .Pour cela, la
cour de cassation française a rendu le 28 juin 2005 deux arrêts
dits «jumeaux», de la chambre civile et de la chambre commerciale,
une même solution s'est dégagée : « il incombe au
juge français qui reconnait applicable un droit étranger d'en
rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque,
le teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y'a lieu, et de
donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif
étranger250».
Nous pensons à la suite de MESSI ZOGO (F.R)
que pour faciliter la tâche au juge, lorsque l'acte notarié
provient d'un pays externe à la sous-région à laquelle
appartient le juge du for, il devra requérir l'aide du ministère
de la justice pour obtenir les informations, mais il faut noter que ce dernier
ne sera pas lié par les informations. Par contre si l'acte en question
provient de la sous-région, il faudra mettre en place un système
d'échange d'information sur les droits de ces pays dans le cadre d'une
convention, comme c'est le cas en Europe avec la signature par plusieurs Etats
de la convention européenne dans le domaine de l'information sur le
droit étranger du 7 juin 1968. Ceci facilitera la tâche du juge,
et lui permettra de mieux opérer la vérification de
l'authenticité des actes notariés251. Cependant il
existe d'autres conditions supplémentaires posées par les
différentes conventions, nous ne citerons que quelques-unes.
PARAGRAPHE 2 : LES AUTRES CONDITIONS SUPPLEMENTAIRES.
Certaines conditions supplémentaires sont exigées par
certaines legislations, tel est le cas du contrôle de la loi
appliquée au fond du litige(A), et d'autres conditions(B).
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