PARTIE III
Les valeurs de la nourriture
1. Valeurs sociales
Durant le Moyen Age le mode d'alimentation en Europe a
été assez évolutif à l'exception d'une règle
prédominante : la valeur sociale. Tant dans le choix des aliments que
dans les manières tout devait servir à afficher le rang
occupé et rester un élément de distinction entre les
différents groupes de la société. Chacun devait donc
manger selon sa « qualité ». Ainsi le consommateur doit suivre
un modèle alimentaire qui lui correspond sous peine d'être
targué de « péché de bouche », selon qu'il fasse
partie de l'un des trois ordres de la société
médiévale, soit : des « bellatores » (nobles
guerriers qui combattent pour protéger les terres), des «
laboratores » paysans qui s'occupent de ces terres ou encore des
« oratores » (prêtres et moines qui prient pour le
salut de tous). Cela varie aussi en fonction de l'activité physique, de
l'âge et du sexe du mangeur. La femme quand à elle doit toujours
manger moins que son conjoint. Cela s'applique aussi à sa consommation
de vin et ce afin de ne pas entrainer le « sexe opposé » dans
des excès sexuels ! La distinction se fait aussi bien sur la
qualité que sur la quantité de nourriture consommée, mais
aussi sur le mode de préparation (le rôti et le grillé pour
les puissants, le « bouilli » pour les paysans. Question
quantité, plus la position sociale est élevée plus on
mange : le paysan doit manger moins que le noble et le moine faire preuve d'une
grande frugalité. A Rome comme dans le reste de l'Italie, la table est
donc les lieux où les grandes familles exposent leur richesse et leur
puissance en faisant preuve d'opulence. A cette étalage basé sur
la hiérarchie sociale va finalement correspondre une échelle de
valeur des aliments, nommée « chaîne de l'être »
basée sur une considération symbolique et religieuse,
correspondant aux croyances des hommes de cette époque. En effet, ces
derniers, convaincus que l'univers était l'oeuvre de Dieu, croyaient en
une organisation verticale (de haut en bas) partant de l'élément
FEU (le plus valorisé), suivi par L'AIR (représentant les cieux),
L'EAU et LA TERRE (domaine le plus éloigné de Dieu et des
Anges...). Ils ont ainsi hiérarchisé les valeurs des
créatures animales et végétales les faisant correspondre
aux valeurs de la hiérarchie sociale.
Le clergé - modèle « monastique
»
Le régime monastique était basé sur le
symbole d'une nutrition modeste (sobriété du « corps »
et surtout de « l'âme »).
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La vie monastique, organisée autour de la prière
mais aussi du jardinage et de la lecture en plus des besognes manuelles, ne
permettait généralement qu'un repas par jour. Ce repas
était composé de pain, de poisson, de légumes, de
céréales et de fruits et se prenait en silence, pendant la
lecture à haute voix d'un texte des Ecritures, effectuée par l'un
des moines. Ces derniers se rassemblaient aussi pour discuter d'affaires de
l'abbaye ou copiaient et enluminaient des manuscrits.
NB: A l'époque L'Eglise
conseillait une grande frugalité aux pauvres tandis que pour « les
privilégiés, les hauts prélats et les «puissants
» il en était tout autrement » (Riva, 2009).
La haute société :
modèle «aristocratique»
les nobles, considérés "par nature" plus
raffinés que les paysans, privilégient une nourriture,
symboliquement et littéralement, élevée. Selon la «
chaîne de l'être », ils se réservent tout ce qui est en
contact avec l'air comme les grands oiseaux, les fruits (cerises, noix,
noisettes, figues, raisins, pommes, poires...) qui, poussant sur les arbres,
sont les plus éloignés du sol.
Par contre, ils se méfient des fruits qui poussent sur le
sol, comme les fraises ou comme les melons. La viande est issue de gibier de
chasse (sanglier, chevreuil et agneau), la viande de boeuf étant
considérée comme « aliment grossier » bon uniquement
pour les rudes paysans. Les nobles méprisent aussi tous les
légumes, les bulbes (ail, oignons, échalote, poireaux) ainsi que
les racines (navet, rave, carotte) issus de la terre ou dont la partie
consommée est souterraine. Ils acceptent toutefois les légumes
comme les salades et les épinards, dont les feuilles partent de la
racine ou de la tige (chou, pois) ainsi que les céréales
(grains). Les épices sont considérée comme très
aristocratiques et le pain des nobles est blanc. Les riches font bombance
à travers de somptueux banquets qui confirment leur rang dans la
société, au prix souvent de bien de gaspi. « Sur les tables
des serfs il n'y avait que des soupes de tous types d'herbes comestibles, des
fruits, des baies cueillies dans les bois et quelques poissons de lacs ou de
fleuves et l'on ne dédaignait même pas s'alimenter de
porc-épic, de rats ou de lézards. La situation dans les
châteaux où la nourriture ne manquait pas, était
bien-entendu, totalement diverse : rôtis, gibier de chaque type, poisson
et légumes étaient présents régulièrement ;
de plus l'on ne mangeait pas mais l'on faisait « bombance » aussi par
manque de vaisselle, couverts et verres. On utilisait comme plats, des fougaces
de farine, graissées et enduites avec les restes du déjeuner.
Ensuite, elles étaient jetées dans une poêle avec de l'eau
et d'autres légumes et
arômes, on obtenait ainsi une espèce de "bouillie
archaïque."
Ce plat si mal né se retrouvera, même si
différemment élaboré, dans les siècles suivants
jusqu'à ce jour » (Riva, 2009)
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La classe moyenne :
En Italie, l'on constate que dans la classe moyenne (
commerçants, artisants etc...), une fois atteint un certain niveau
économique, l'on commençait à « mieux manger ».
Le repas typique du moment commence par une salade de légumes crus parmi
lesquels l'on privilégiait toujours la laitue, suivies de quelques
pigeons, de fromage de chèvre ou de brebis pour terminer par des fruits
frais et secs. L'on mangeait souvent des « fegatelli », des boulettes
de foie, mais la base de l'alimentation était les pâtes ( actuelle
« diète méditérrannéenne » )
égoutées et assaisonnées de diverses façons et
parfois carrément « frites » pour les gourmets. L'on
confectionnait des raviolis cuits d'abord dans un bouillon et puis
repassés à la poêle avec du fromage : le tout
accompagné de vin de Vernaccia e Trebbiano.
Le pauvre et le paysan : modèle «
paysan»
Au Moyen Age ( XIs-XIVs), la campagne Italienne était
comme une grande forêt, où les champs travaillés et
semés créaient des vides progressifs. 90% de la population ( plus
de deux 1/3 de la population) y vivait et ce, même dans un pays
extrêmement urbanisé comme l'Italie. La vie quotidienne
était réglée par le rythme du soleil, du climat, des
cycles du sol et de la végétation et surtout le dur travail des
champ. En effet, les populations occidentales étaint liées, pour
leur survie, aux succès ou aux insuccès de l'agriculture. Le
monde médiéval s'appuyait, donc sur des bases rurales et le
travail du paysan constituait le gond d'une société
entière. La période qui va de la fin du X siècle à
la fin de XIV présente des phases très différentes. Dans
la première, qui va de la crise des « Trecento » à
celle des « Duecento », on constate l'augmentation graduelle de la
population européenne, qui puisait aux ressources disponibles en
abondance, encore non exploitées de manière adéquate, ce
qui engendra une expansion durable de la production agricole. Dans la seconde,
entre la fin de XIII et le début du XIV siècle, le moteur du
développement se bloqua et le système économique montra
qu'il avait atteint son point-limite. Dans la troisième, qui s'ouvrit
avec la peste de 1348, la société rurale fut renversée par
les conséquences économiques et sociales d'une brusque
décongestion démographique.Manger chez les « riches »
ou chez « les pauvres » était quoi qu'il en soit très
différent. Chez les premiers c'était une
célébration du statut social, chez les seconds c'était une
question de survie notamment face aux évènements négatifs
de cette époque. Il y avait un peu de viande de mouton à table
uniquement les jours de fêtes, servie après une « soupette
» de choux et de navets ; les "grosses viandes" domestiques, porcs et
boeufs, animaux lourds sont réservés aux travailleurs ainsi que
les salaisons. Les desserts étaient rarissimes.
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La viande était souvent remplacée par de l'oignon
et du pain et l'on buvait seulement de petites quantités de
« vinello » vin de table.
Les paysans consommaient des "racines" (oignons, poireaux,
navets, carottes, asperges...) , nourriture considérée comme
« terrienne », tout comme les légumes en général
(choux, fèves, pois, courges, lentilles, épinards...) ainsi que
le pain de son, contrairement au pain blanc réservés aux
puissants. En Italie, le paysan se nourrissait de haricots secs, d'oignons
crus, de navets, d'ail et de pâtes. En 764, la ration journalière
d'un paysan italien est composée d'une miche de pain, un quart d'amphore
de vin et une soupe de fèves et de farine, enrichie d'une matière
grasse.
L'agriculture
En Italie, pays principalement constitué de forêts
et de marécages, les paysans vivent dans des conditions très
précaires et primitives. Leur activité réside dans
l'élevage de poules, de cochons et de vaches, dans les marais et les
zones non défrichées, ce qui leur procure argent ou nourriture.
Parfois on inclue du lard ou de la viande. Une année sur deux, on
cultive des fèves ou des pois.
Comme nous l'avons constaté, en Europe, l'agriculture est
une activité majeure et très variée selon la situation
géographique, du climat et du sol. Les principales cultures dans la
région méditerranéenne sont le blé, la vigne et
l'olivier. Certaines innovations technologiques ont permis l'essor agricole
dans des régions comme la Sicile arabe (techniques d'irrigation
sophistiquée) alors qu'en Europe, l'apparition du moulin à eau ou
à vent facilita le travail des paysans et augmenta la
productivité. Jusqu'à l'époque féodale, la campagne
est divisée en domaines portant généralement le nom de
leur propriétaire ou du village (Casglia, Villae ...).Par la suite,
dès qu'une commune était constituée, son autorité
s'exerçait automatiquement sur les campagnes environnantes (contado).
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