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L’Europe et l’Italie au Moyen-Age. Société et goûts alimentaires.


par Safia BERSALI
Université de Reims - Diplôme d'université du goût, de la gastronomie et des arts de la table ( DUGGAT) 2010
  

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PARTIE III

Les valeurs de la nourriture

1. Valeurs sociales

Durant le Moyen Age le mode d'alimentation en Europe a été assez évolutif à l'exception d'une règle prédominante : la valeur sociale. Tant dans le choix des aliments que dans les manières tout devait servir à afficher le rang occupé et rester un élément de distinction entre les différents groupes de la société. Chacun devait donc manger selon sa « qualité ». Ainsi le consommateur doit suivre un modèle alimentaire qui lui correspond sous peine d'être targué de « péché de bouche », selon qu'il fasse partie de l'un des trois ordres de la société médiévale, soit : des « bellatores » (nobles guerriers qui combattent pour protéger les terres), des « laboratores » paysans qui s'occupent de ces terres ou encore des « oratores » (prêtres et moines qui prient pour le salut de tous). Cela varie aussi en fonction de l'activité physique, de l'âge et du sexe du mangeur. La femme quand à elle doit toujours manger moins que son conjoint. Cela s'applique aussi à sa consommation de vin et ce afin de ne pas entrainer le « sexe opposé » dans des excès sexuels ! La distinction se fait aussi bien sur la qualité que sur la quantité de nourriture consommée, mais aussi sur le mode de préparation (le rôti et le grillé pour les puissants, le « bouilli » pour les paysans. Question quantité, plus la position sociale est élevée plus on mange : le paysan doit manger moins que le noble et le moine faire preuve d'une grande frugalité. A Rome comme dans le reste de l'Italie, la table est donc les lieux où les grandes familles exposent leur richesse et leur puissance en faisant preuve d'opulence. A cette étalage basé sur la hiérarchie sociale va finalement correspondre une échelle de valeur des aliments, nommée « chaîne de l'être » basée sur une considération symbolique et religieuse, correspondant aux croyances des hommes de cette époque. En effet, ces derniers, convaincus que l'univers était l'oeuvre de Dieu, croyaient en une organisation verticale (de haut en bas) partant de l'élément FEU (le plus valorisé), suivi par L'AIR (représentant les cieux), L'EAU et LA TERRE (domaine le plus éloigné de Dieu et des Anges...). Ils ont ainsi hiérarchisé les valeurs des créatures animales et végétales les faisant correspondre aux valeurs de la hiérarchie sociale.

Le clergé - modèle « monastique »

Le régime monastique était basé sur le symbole d'une nutrition modeste (sobriété du « corps » et surtout de « l'âme »).

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La vie monastique, organisée autour de la prière mais aussi du jardinage et de la lecture en plus des besognes manuelles, ne permettait généralement qu'un repas par jour. Ce repas était composé de pain, de poisson, de légumes, de céréales et de fruits et se prenait en silence, pendant la lecture à haute voix d'un texte des Ecritures, effectuée par l'un des moines. Ces derniers se rassemblaient aussi pour discuter d'affaires de l'abbaye ou copiaient et enluminaient des manuscrits.

NB: A l'époque L'Eglise conseillait une grande frugalité aux pauvres tandis que pour « les privilégiés, les hauts prélats et les «puissants » il en était tout autrement » (Riva, 2009).

La haute société : modèle «aristocratique»

les nobles, considérés "par nature" plus raffinés que les paysans, privilégient une nourriture, symboliquement et littéralement, élevée. Selon la « chaîne de l'être », ils se réservent tout ce qui est en contact avec l'air comme les grands oiseaux, les fruits (cerises, noix, noisettes, figues, raisins, pommes, poires...) qui, poussant sur les arbres, sont les plus éloignés du sol.

Par contre, ils se méfient des fruits qui poussent sur le sol, comme les fraises ou comme les melons. La viande est issue de gibier de chasse (sanglier, chevreuil et agneau), la viande de boeuf étant considérée comme « aliment grossier » bon uniquement pour les rudes paysans. Les nobles méprisent aussi tous les légumes, les bulbes (ail, oignons, échalote, poireaux) ainsi que les racines (navet, rave, carotte) issus de la terre ou dont la partie consommée est souterraine. Ils acceptent toutefois les légumes comme les salades et les épinards, dont les feuilles partent de la racine ou de la tige (chou, pois) ainsi que les céréales (grains). Les épices sont considérée comme très aristocratiques et le pain des nobles est blanc. Les riches font bombance à travers de somptueux banquets qui confirment leur rang dans la société, au prix souvent de bien de gaspi. « Sur les tables des serfs il n'y avait que des soupes de tous types d'herbes comestibles, des fruits, des baies cueillies dans les bois et quelques poissons de lacs ou de fleuves et l'on ne dédaignait même pas s'alimenter de porc-épic, de rats ou de lézards. La situation dans les châteaux où la nourriture ne manquait pas, était bien-entendu, totalement diverse : rôtis, gibier de chaque type, poisson et légumes étaient présents régulièrement ; de plus l'on ne mangeait pas mais l'on faisait « bombance » aussi par manque de vaisselle, couverts et verres. On utilisait comme plats, des fougaces de farine, graissées et enduites avec les restes du déjeuner. Ensuite, elles étaient jetées dans une poêle avec de l'eau et d'autres légumes et

arômes, on obtenait ainsi une espèce de "bouillie archaïque."

Ce plat si mal né se retrouvera, même si différemment élaboré, dans les siècles suivants jusqu'à ce jour » (Riva, 2009)

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La classe moyenne :

En Italie, l'on constate que dans la classe moyenne ( commerçants, artisants etc...), une fois atteint un certain niveau économique, l'on commençait à « mieux manger ». Le repas typique du moment commence par une salade de légumes crus parmi lesquels l'on privilégiait toujours la laitue, suivies de quelques pigeons, de fromage de chèvre ou de brebis pour terminer par des fruits frais et secs. L'on mangeait souvent des « fegatelli », des boulettes de foie, mais la base de l'alimentation était les pâtes ( actuelle « diète méditérrannéenne » ) égoutées et assaisonnées de diverses façons et parfois carrément « frites » pour les gourmets. L'on confectionnait des raviolis cuits d'abord dans un bouillon et puis repassés à la poêle avec du fromage : le tout accompagné de vin de Vernaccia e Trebbiano.

Le pauvre et le paysan : modèle « paysan»

Au Moyen Age ( XIs-XIVs), la campagne Italienne était comme une grande forêt, où les champs travaillés et semés créaient des vides progressifs. 90% de la population ( plus de deux 1/3 de la population) y vivait et ce, même dans un pays extrêmement urbanisé comme l'Italie. La vie quotidienne était réglée par le rythme du soleil, du climat, des cycles du sol et de la végétation et surtout le dur travail des champ. En effet, les populations occidentales étaint liées, pour leur survie, aux succès ou aux insuccès de l'agriculture. Le monde médiéval s'appuyait, donc sur des bases rurales et le travail du paysan constituait le gond d'une société entière. La période qui va de la fin du X siècle à la fin de XIV présente des phases très différentes. Dans la première, qui va de la crise des « Trecento » à celle des « Duecento », on constate l'augmentation graduelle de la population européenne, qui puisait aux ressources disponibles en abondance, encore non exploitées de manière adéquate, ce qui engendra une expansion durable de la production agricole. Dans la seconde, entre la fin de XIII et le début du XIV siècle, le moteur du développement se bloqua et le système économique montra qu'il avait atteint son point-limite. Dans la troisième, qui s'ouvrit avec la peste de 1348, la société rurale fut renversée par les conséquences économiques et sociales d'une brusque décongestion démographique.Manger chez les « riches » ou chez « les pauvres » était quoi qu'il en soit très différent. Chez les premiers c'était une célébration du statut social, chez les seconds c'était une question de survie notamment face aux évènements négatifs de cette époque. Il y avait un peu de viande de mouton à table uniquement les jours de fêtes, servie après une « soupette » de choux et de navets ; les "grosses viandes" domestiques, porcs et boeufs, animaux lourds sont réservés aux travailleurs ainsi que les salaisons. Les desserts étaient rarissimes.

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La viande était souvent remplacée par de l'oignon et du pain et l'on buvait seulement de petites quantités de « vinello » vin de table.

Les paysans consommaient des "racines" (oignons, poireaux, navets, carottes, asperges...) , nourriture considérée comme « terrienne », tout comme les légumes en général (choux, fèves, pois, courges, lentilles, épinards...) ainsi que le pain de son, contrairement au pain blanc réservés aux puissants. En Italie, le paysan se nourrissait de haricots secs, d'oignons crus, de navets, d'ail et de pâtes. En 764, la ration journalière d'un paysan italien est composée d'une miche de pain, un quart d'amphore de vin et une soupe de fèves et de farine, enrichie d'une matière grasse.

L'agriculture

En Italie, pays principalement constitué de forêts et de marécages, les paysans vivent dans des conditions très précaires et primitives. Leur activité réside dans l'élevage de poules, de cochons et de vaches, dans les marais et les zones non défrichées, ce qui leur procure argent ou nourriture. Parfois on inclue du lard ou de la viande. Une année sur deux, on cultive des fèves ou des pois.

Comme nous l'avons constaté, en Europe, l'agriculture est une activité majeure et très variée selon la situation géographique, du climat et du sol. Les principales cultures dans la région méditerranéenne sont le blé, la vigne et l'olivier. Certaines innovations technologiques ont permis l'essor agricole dans des régions comme la Sicile arabe (techniques d'irrigation sophistiquée) alors qu'en Europe, l'apparition du moulin à eau ou à vent facilita le travail des paysans et augmenta la productivité. Jusqu'à l'époque féodale, la campagne est divisée en domaines portant généralement le nom de leur propriétaire ou du village (Casglia, Villae ...).Par la suite, dès qu'une commune était constituée, son autorité s'exerçait automatiquement sur les campagnes environnantes (contado).

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