4.4.Outils de recherche
A l'instar de leurs collègues d'autres disciplines des
Sciences Sociales, les chercheurs en Relations Internationales ont
développé plusieurs techniques de collecte des données et
d'analyse des événements et phénomènes dans le
champ de cette discipline. Parmi ces techniques, il y a: l'observation directe,
l'expérimentation, les entretiens, la technique par données
événementielles, la technique d'indicateurs cruciaux du
comportement, la technique d'énumération des attributs et leur
classification, l'analyse documentaire, la procédure particulière
à un thème, l'analyse du contenu, etc.30
Nous avons fait usage de la triangulation des techniques. En
effet, nouvelle tendance de recherche en Sciences Sociales, la
triangulation se veut être une option opposée à un
usage méthodologique exclusif. En effet, par devoir ou par
accoutumance, les analystes sociaux se cantonnent dans le choix
méthodologique monolithique. Celui-ci est justifié par le souci
d'un tri judicieux des postulats qui s'inscrivent dans le fil conducteur de
l'étude. Donc, à toute recherche, sa méthode.
Cependant, considérant les subtilités de
l'être humain et la complexité des faits sociaux, le choix
inclusif des méthodes s'est avéré indispensable pour une
analyse efficiente. C'est ainsi que se situe le socle de la triangulation.
Celle-ci renvoie à « l'action d'effectuer un triangle ; elle
remonte à la civilisation grecque et est à l'origine des
mathématiques modernes qui furent les premières à mettre
en application la triangulation en se servant d'une approche
d'opérationnalisation multiple ou de multiméthodes, afin de
fournir un indice de la validité convergente »31.
De manière très explicite, pour J.-P.O. Sardan
(de), le terme « triangulation » qui est ici utilisé en
référence au choix d'interlocuteurs variés afin de
confrontation des points de vue, a fait l'objet de définitions plus
large, qui recoupent divers aspects traités sous d'autres noms.
30Barrea, J., Théories des Relations
Internationales. La grammaire des événements,
Louvain-la-Neuve, Artel, Centre d'études stratégiques, UCL,
3ème édition revue et augmentée, Bruxelles,
1994, p.59.
31Denzin N.K., The research act: A theorical
introduction to sociological methods,
3èmeed.EnglewaakCliffs, N.J.: Prentice Hall, 1989,
cité par Shomba Kinyamba, S., Méthodologie et
épistémologie de la recherche scientifique, PUK, Kinshasa,
2016, p.133.
[31 ]
On distingue, à ce propos :
? La triangulation par les données
autrement appelée combinaison des sources ;
? La triangulation par les chercheurs qui
renvoie aux enquêtes collectives ;
? La triangulation par les théories qui
évoque le refus de l'embrigadement théorique ou la combinaison
des points de vue heuristique ;
? La triangulation par les méthodes qui
entend associer méthodes qualitatives et méthodes quantitatives
qui peut aussi rejoindre la triangulation des sources. 32
? Aspects de la triangulation
La présente étude fait intervenir les formes
suivantes :
? La triangulation par les données en
ce sens qu'il renferme des données issues de sources écrites,
celles orales, celles audio-visuelles, ... ceci a été rendu
possible grâce à diverses techniques que nous allons
développer.
? La triangulation par les théories
dans la mesure où nous avons recouru à deux
théories dont l'analyse stratégique et le politique par le bas en
Afrique noire, les deux théories ayant été
développées après avoir circonscrit l'étude dans
une approche constructiviste.
Nous avons présenté certaines techniques avec
plus de détails et les autres non ; ce choix de procédure a
été dicté par le fait que certaines d'entre elles ne sont
pas très utilisées dans de travaux scientifiques des Relations
Internationales, ce qui nous a poussé à les expliquer amplement
par rapport aux autres. Par ailleurs, la théorie documentaire, bien que
souvent utilisée, a été développée sous
l'angle des relations Internationales, chose non souvent faite dans les travaux
scientifiques rédactionnels de cette filière.
32Shomba Kinyamba, S., Op.cit.,
pp.133-134.
[32 ]
Dans le cadre de cette étude, nous avons fait
recours aux techniques suivantes :
4.4.1. Techniques de récolte des
données
Nous avons fait usage des techniques documentaire, d'entretien
libre, d'observation participante, des données
événementielles, d'indicateurs cruciaux du comportement, et
d'énumération des attributs et leur classification.
A. Technique documentaire
Cette technique nous a été utile dans la mesure
où elle nous a permis d'accéder à la littérature en
rapport avec notre objet d'étude dont les ouvrages, les journaux, les
articles, les revues, les dictionnaires, les discours radiophoniques, les
images et l'internet.
B. Observation participante (directe)
Dans la mesure où nous sommes citoyens de la RDC, nous
observons et vivons ce qui s-y passe dans le cadre d'atténuation du
réchauffement climatique.
C. Entretien libre
Grace à cette technique, nous avons consulté
les personnes de certains services jugées capables de répondre
aux questions relatives à notre étude. Le détail dans le
cinquième chapitre de cette étude.
D. La technique des données
événementielles ? Définition
Par donnée événementielle il faut
entendre une activité (apportée par une source
publique) qui nous révèle « qui dit ou
fait quoi, envers qui et quand ». Par conséquent, la classification
et la « tabulation » de ces données s'effectuent selon les
quatre catégories suivantes : a) acteur-initiateur (qui) ; b) sujet ou
« issue-area » (quoi) ; c) acteur-cible (envers qui) ; et d)
date de l'événement (quand)33.
Ce questionnement rejoint la démarche
géopolitique ; une nouveauté, ici, est la notion de
la date.
33Korany, B., et alii, Une deux, ou
quatre ? Les écoles de Relations Internationales » in Etudes
internationales, 15 (4), Décembre 1984, p. 260.
[33 ]
? Essai d'application
- Acteur-initiateur : ces sont les Etats, les OI, les ONG et
autres Associations vertes, ainsi
que les individus ;
- Sujet « issue-area » : c'est la lutte contre
le réchauffement climatique ;
- Acteurs-cibles : ce sont les Etats-pollueurs et les PVD (les
responsabilités des uns et des
autres) ;
- Date : à partir du Protocole de Kyoto.
La technique des données événementielles
repose sur les postulats suivants :
1. Tout système politique (national ou international)
se définit comme un réseau d'interactions et d'échanges
entres les unités du système ;
2. La nature des interactions, leur intensité et leur
fréquence sont quantifiables selon plusieurs dimensions. Les deux
principales sont la dimension coopérative et la dimension conflictuelle
; 3. Les échelles d'intensité et de fréquence constituent
(dans le temps et dans l'espace) des baromètres fiables de la structure
et du fonctionnement du système international ;
4. Sur une courte période, la perception des
décideurs et la capacité des acteurs apparaissent comme des
paramètres du processus décisionnel en politique
étrangère et non comme des variables indépendantes.
Par ailleurs :
1. Les unités du système étant, ici, les
Etats, les OI, les ONG et autres Associations vertes, et même les
individus luttant contre le réchauffement climatique. Les réseaux
d'interactions et d'échanges renverraient aux différentes
négociations et autres démarches dont l'issue serait
l'éradication ou, du moins, la réduction du réchauffement
climatique ;
2. Dans le cas d'espèce, c'est la dimension
coopérative qui l'emporte en ce sens qu'il s'agit d'une initiative
concertée entre différentes unités du Système
international ;
3. Dans l'espace, même les Etats s'opposant à la
lutte contre le réchauffement climatique le font du fait qu'ils se
réservent des concessions ad hoc, mais ils sont conscients que le
réchauffement existe. Bref, dans tous les coins de la planète, le
réchauffement se fait sentir ;
4. Les « Parties » à la lutte contre le
réchauffement climatique se fixent un délai pour lequel ils
pourront évaluer le degré de réalisation des objectifs
fixés et revoir les mesures par rapport aux progrès
réalisés.
[34 ]
Sur l'initiative et sous la direction de Charles McClelland,
l'Université de Californie du Sud a lancé le premier projet
World Event Interaction Survey « WEIS » privilégiant
l'utilisation de la technique des données événementielles.
Plusieurs autres chercheurs (Edward Azar, Thomas Sloan, P. Burgess & R.
Lawton, Charles Kegley, Charles McClelland, etc.) vont emboîter le pas
avec différents autres projets se distinguant essentiellement par le
type de comportement étudié, le nombre d'acteurs
considérés, les limites temporelles fixées, le nombre de
sources utilisées et le type d'échelle
privilégiée34.
L'échelle Azar-Sloan35se veut une
échelle d'intensité pondérée où chaque
comportement est comparable dans le continuum conflit/coopération
à tous les autres types de comportement alors que la typologie de
McClelland36est essentiellement descriptive et n'accorde aucune
valeur relative au comportement dans ce continuum. La typologie McClelland et
l'échelle
Azar-Sloan ont ceci en commun : elles conceptualisent le
comportement en termes bidimensionnels :
conflit/coopération37.
E. La technique des indicateurs cruciaux du comportement
? Définition
Cette technique isole quelques indicateurs
considérés révélateurs du comportement
international. Les indicateurs privilégiés sont actuellement au
nombre de quatre : le mode de représentation diplomatique, les
transactions économiques, les visites interétatiques, et les
Accords.
Les indicateurs sont classifiés selon leur type
(Accords diplomatiques, militaires, culturels et économiques) ou leur
niveau de pondération. En prenant comme exemple les visites
échangées (c'est-à-dire reçues et envoyées)
et le mode de représentation diplomatique, l'échelle de
pondération est la suivante : Ambassadeur résident (5),
Ambassadeur non résident (4), Représentation diplomatique
résidente (moins qu'au niveau d'ambassadeur) (3), Représentation
diplomatique non résident (2) et autre relation diplomatique (1).
34Korany, B. et alii., Op.cit., p.
261.
35Azar, Ed. et Sloan, Th., « Dimensions of
Interaction », In International Studies, 1975 cités, par
Korany, B. et alii, Op.cit, p. 260.
36McClelland, Ch. et alii., Conflict Patterns in
the Interaction Among Nations, dans Rosenau,J., International Politics
and Foreign Policy, cité par Korany, B. et alii, Idem, p.
260.
37Korany, B. et alii, Ibidem p. 260.
[35 ]
Grâce à cette échelle, on a une
morphologie claire concernant le mode du comportement international d'un acteur
à travers le temps et l'espace. Ainsi, le chercheur qui utilise cette
technique va dès lors se préoccuper de répondre à
cette série d'interrogations suivantes : avec qui ses interactions
sont-elles les plus intenses ? Durant quelle période et dans quels
secteurs s'opèrent-elles ?A titre d'exemple, BahgatKorany rapporte que
pendant les années soixante-dix, la quasi-totalité des relations
militaires de l'Algérie, par exemple, étaient avec l'URSS alors
que les relations économiques étaient assez faibles avec tout le
camp socialiste et très étroites avec les pays occidentaux, et
surtout les Etats-Unis, le « chef de l'impérialisme
»38.
? Application
Seuls les Accords nous intéressent surtout ; il s'agit
des Accords internationaux sur le climat, dont la RDC fait partie. Parmi ces
Accords, existent ceux contraignants et ceux qui le sont moins. Quel est le
comportement des acteurs face à ces différents Accords ? Comment
s'y tient la RDC par rapport à ses responsabilités ?
F. La technique de l'énumération des
« attributs » et leur classification ? Définition
Elle permet d'analyser les attributs ou les
caractéristiques des acteurs eux-mêmes et/ou du système.
C'est ainsi que, au niveau d'acteur international, North et Choucri ont
privilégié trois attributs clés dans l'analyse des
conflits internationaux : la population, les ressources et la technologie. En
traçant l'évolution d'interactions entre ces trois attributs, ils
arrivent à une conclusion claire concernant la naissance de conflits et
de la violence politique39.
Partant de population, une thèse soutiendrait que les
pays à vaste densité polluent plus l'environnement ; une autre
affirme que les pays-pollueurs sont, pour la plupart de cas, des pays
développés et qui, naturellement moins peuplés.
David Singer et son équipe de l'université
Michigan utilisent aussi les attributs pour expliquer la cause des guerres. Les
attributs, au niveau de l'acteur, sont la population, la production de fer et
d'acier et les dépenses militaires. Au niveau du système,
l'attribut est, par
38Korany, B. et alii, Op.cit.., p. 264.
39Idem, p. 265.
[36 ]
exemple, le nombre d'alliances et leurs
caractéristiques qu'ils ont trouvés en corrélation avec
l'avènement de la guerre40.
? Application
En ce qui concerne les ressources, les uns disposent des
moyens financiers et les autres des forêts et des eaux. Pour la
technologie, certains sont industrialisés et les autres ne le sont
pas.
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