Défis de la gratuité de l'enseignement primaire en RDC.par Jures NDJETE IMBILE Université Pédagogique Nationale (UPN) - Licence en Gestion et Administration des Institutions Scolaires et de Formation 2019 |
ConclusionDans l'optique de rendre attractive et compétitive l'école congolaise, nous avons acquiescé offrir à la nation, plus particulièrement aux décideurs et praticiens des politiques éducatives ce travail scientifique, fruit de dur labeur, dont le souhait le plus ardent est qu'il puisse servir d'un véritable instrument de gestion et de pilotage des politiques éducatives en matière de la gratuité scolaire prônée par la République Démocratique de Congo. Par rapport aux multiples chantiers que le MINEPST a ouverts ou souhaite ouvrir, ce cadre référentiel assurera une mise en cohérence synergique et un positionnement véritablement contributif à l'oeuvre commune afin d'éviter une accumulation d'activités fragmentées et disparates dont la résultante aurait un impact moindre, voire négatif, sur les résultats de développement attendus. En outre, les diverses réformes que le MINEPST cherchera à mettre en oeuvre n'auront guère de sens si elles n'améliorent pas réellement les performances du système, notamment son efficience et son efficacité. Nous avons noté que les exigences de la société concernant l'efficacité de l'école sont de plus en plus élevées. L'évolution des publics scolaires et les nouvelles nécessités auxquelles doit répondre le système éducatif implique une évolution sur le rôle de l'école. Doter les élèves d'une bonne éducation de base pour tous est la clé de voûte de la politique scolaire. Ainsi, on ne peut espérer l'Education de Base pour Tous si l'école n'est pas en même temps gratuite. La loi fondamentale du pays consacre la gratuité et le caractère obligatoire de l'enseignementprimaire. Cet objectif traduit la volonté politique d'évoluer vers un enseignement de base accessible à tous ; en même temps, il contient des nombreux défis à relever dans un contexte socioéconomique et institutionnel particulièrement complexe et difficile. A bon gré mal gré, la gratuité totale de l'école primaire est d'application en RDC depuis la rentrée scolaire 2019-2020.Mais, de l'entrée du jeu, il s'en est suivi d'une série des répercussions. La gratuité n'a pas été considérée comme opportunité,mais plutôt comme menace à la survie de l'enseignant congolais. Elle a été géniteur des conflits entre les praticiens du sous-secteur et le pouvoir organisateur, le déclenchement des mouvements de grèves et revendications de tout bord. Ces paradoxes forts poignants ont attiré notre attention à nous intéresser du problème et mener une étude scientifique pour de déceler les défis auxquels fait face la gratuité de l'enseignement primaire afin d'y arriver à proposer les pistes. Au demeurant, nous nous sommes posé ces questions-problèmes : § Quels seraient les principaux défis lancés à la gratuité de l'enseignement de base dans notre pays ? § La gratuité de l'enseignement de base inscrite dans la Constitution de la RDC et proclamée par le Président de la République ne peut-elle pas avoir, dans des conditions actuelles, un impact négatif sur la qualité de l'enseignement ? § Si elle est, certes, indispensable pour assurer l'éducation pour tous, la gratuité, sans une planification rationnelle au préalable, est-elle possible dans l'immédiat? § Le pari de la gratuité étant déclaré irréversible par le pouvoir organisateur, que faut-il faire pour stabiliser sa mise en oeuvre afin de parvenir à l'adéquation gratuité-qualité ? La vue préliminaire des pré-enquêtes dans notre milieu d'étude qui n'est autre que la sous province éducationnelle de Matete nous donne la lueur de dessiner les hypothèses ci-dessous : § Le principaux défis lancés à la gratuité de l'éducation de base dans notre pays seraient : effectifs pléthoriques, carence des structures d'accueils, mauvaises conditions d'apprentissages, manque d'outils de formation, faible budget de l'Etat et celui alloué à l'éducation, la modicité de l'enveloppe salariale des enseignants, etc. § Lancée dans des conditions actuelles, la gratuité de l'enseignement de base dans notre pays aurait un impact négatif sur la qualité de notre enseignement tant décriée. § Une planification rationnelle au préalable aurait été indispensable à la réussite de la gratuité dans notre pays. § Pour stabiliser la mise en oeuvre de la gratuité scolaire, il serait indispensable de formuler les politiques éducatives susceptibles d'orienter le cadre des prochaines actions. La méthode systémique à la fois quantitative et qualitative a prévalu dans cette recherche. Une méthode qui tire son origine de la théorie des systèmes, une théorie générale et interdisciplinaire qui étudie les systèmes en tant qu'ensemble d'éléments formant un tout. En se servant de cette méthode, nous avons analysé le système éducatif congolais dans son ensemble, plus particulièrement les aspects liés à l'Education Pour Tous et les politiques idoines pour les reformes scolaires. Aussi, il a été question de prélever les effectifs d'élèves dans les salles de classe pour l'année scolaire 2019-2020 dans les établissements publics de la sous-province éducationnelle de Matete; analyser si ces effectifs sont conformes au seuil (minimum, optimum et maximum) fixé par la législation scolaire congolaise, et aussi de l'UNESCO, et, enfin comparer lesdits effectifs à la situation d'avant l'application de la disposition portant gratuité de l'éducation de base en faisant recours aux indicateurs des années antérieures à l'occurrence l'année scolaire 2018-2019. Nous nous sommes investisà l'appréciation des conditions d'apprentissages, l'observation des capacités d'accueil d'un échantillon des locaux scolaires en rapport avec les normes pédagogiques, etc. Dans la foulée, il était nécessaire de recourir aux instruments tels que les techniques d'observation, questionnaire d'enquête, entretien et l'analyse documentaire pour collecter les données. Les données étant recueillies de plusieurs manières, nous avons fait appel à l'analyse de contenu, l'indice de pourcentage et le test statistiquepour leur traitement. Les réponses à notre problématique ayant été disponibles, toutes choses égales par ailleurs, nous avons dégagé succinctement que la gratuité de l'éducation de base en RDC, spécialement dans la sous province éducationnelle de Matete souffre d'un nombre important de défis, notamment : § Faible taux d'exécution du budget alloué à l'éducation et beaucoup d'autres difficultés d'ordre financier. Pour preuve, le retrait de deux classes 7e et 8e du secondaire général à la gratuité ; § Les enseignants sont mal rémunérés, 360.000 francs congolais soit 180 dollars américains au taux du marché pour un enseignant du primaire. Facteur à la base de démotivation qui a pour conséquences : mouvements de grèves et différentes manifestations à travers le pays ; § Effectifs pléthoriques et débordement du taux d'encadrement dans les classes sont des réalités vivantes. La moyenne de certaines classes va même au-delà de 70, 80, 90 voire 100 élèves et plus (cas des écoles primaires : EP2 KIKINGA, EP1 KINDA, EP1 KINZAZI, EP2 KINZAZI, EP3 BAHUMBU, EP4 BAHUMBU, EP SAINTE TRINITE, EP MAINDOMBE, EP MOLENDE, EP PULULU, pour ne citer que celles-ci (détails dans les tableaux statistiques de l'évolution des effectifs). Conséquences : trop de bruits en classe, bagarres, suivi irrégulier des évaluations par l'enseignant, etc. L'entassement des enfants et l'étouffement peuvent faciliter aussi la contagion des certaines maladies endémiques, surtout pendant cette période de Covid-19 ; § Mauvaises conditions d'apprentissage, délabrement très avancé des bâtiments scolaires, carence très manifeste des bancs et pupitres, mobiliers scolaires, manuels scolaires et autres matériels pédagogiques et didactiques. Les enfants s'assoient à même le sol ; § Insuffisance des capacités d'accueil, nombre très réduit d'écoles publiques et salles de classes face à l'explosion démographique et de la demande scolaire. A Matete,aucune école n'a été construite encore moins réhabilitée pour contenir l'afflux d'élèves. Au contraire, à la recherche d'équilibre, certaines écoles ont doublé les vacations, tandis que certaines ont fabriqué des salles de classes en bâches et encadrement des tôles qui ne sont pas à l'abri des intempéries et qui ne répondent pas aux normes pédagogiques ; § Le rebondissement des exigences financières en charge des ménages sous d'autres vocables amplifiés (cotisation pour la fabrication des bancs et mobiliers scolaires, soutien aux enseignants non payés et nouvelles unités, appui aux frais de fonctionnement, etc) ; § Les incertitudes en ce qui concerne la prise en charge des enseignants Nouvelles Unités. Sans être exhaustif, les résultats de nos enquêtes démontrent clairement que la gratuité de l'enseignement primaire lancée en RDC demeure instable dans tous ses aspects clés. Tous les défis énumérés méritent bien des réponses appropriées. Il est prévisible que si l'on n'arrive pas à trouver des solutions à l'ensemble des problèmes, la gratuité portera certainement atteinte à la qualité de l'enseignement. Note assertion n'a pas été fortuite lorsque nous avons évoqué que les effectifs pléthoriques sont la résultante de la gratuité. L'année scolaire 2018-2019 toutes les écoles publiques de Matete ne comptabilisaient que 9380 élèves filles et garçons ; l'année 2019-2020, avec la gratuité, on a enregistré 19798 élèves soit un taux d'accroissement 111%. Pourquoi, la gratuité a fait appel aux réintégrés du système, les réintégrés hors système, les entrées précoces et les entrées tardives, sans oublier les enfants qui ont quitté le secteur privé. Surtout que le recrutement des nouveaux élèves n'était fonction d'aucun critère. Imaginez ce que sera la pression de l'année prochaine. Le relevé des défis susmentionnés nous ont doucement conduits à déduire que nos hypothèses corroborent avec les résultats de l'étude. Pour mieux dire, nos hypothèses sont confirmées. Cependant, ce qui nous préoccupait en poursuivant cette étude, en tant que chercheur en gestion et administration des institutions éducatives n'était pas seulement la confirmation ou l'infirmation des hypothèses, mais aussi comment palier aux éventuelles crises une fois décelées. A notre avis, réussir à stabiliser la gratuité de l'éducation vaut plus que l'or et l'argent pur. Considérant la gratuité comme opportunité et un pari gagné pour le Congo qui vient marquer son premier pas à l'Education Pour Tous, la nécessité d'ériger des politiques et stratégies de remédiation s'inflige. Comme nous l'avions précédemment indiqué que l'inventaire des défis ne suffit pas, car le but de cette recherche n'était pas de remettre en cause les critiques formulées à l'encontre de la gratuité de l'enseignement, mais son importance réside dans le fait qu'elle attire notre attention sur la dimension pédagogique du système éducatif et qu'elle nous fournit les outils analytiques permettant à la fois d'identifier et de projeter dans le temps et dans l'espace les éléments matériels du système éducatif qui concourent à un effort de planification éducative générale.Subséquemment, nous suggérons à l'Etat congolais ainsi qu'à tous acteurs éducatifs de nouer les efforts pour répondre aux impératifs de la gratuité de l'enseignement, de peur que, dans les années à venir, cette noble initiative d'accès à l'Education Pour Tous enfonce la qualité de notre système éducatif dont les performances sont jugées mitigées depuis des années. Pour cela, nous recommandons à l'Etat Congolais avec ses partenaires techniques et financiers, aux gestionnaires d'écoles et enseignants, confessions religieuses et parents, chacun en ce qui le concerne de (d') : § Soutenir le pari gagné de la gratuité, considérer celle-ci comme opportunité et capitaliser les effets induis ; § Assurer les politiques de l'éducation plus durables, systémiques et négociées ; § Elaborer d es didactiques constructivistes et des dispositifs pédagogiques créant des situations d'apprentissage fécondes ; § Augmenter la part du budget alloué à l'éducation et respecter le taux d'exécution; § Revaloriser la fonction enseignante (un salaire décent accompagné des avantages sociaux dont le logement, le panier de la ménagère, les soins médicaux et autres) ; § Améliorer les conditions d'apprentissage des élèves (doter les écoles des bancs, divers outils de formation et un environnement où il fait beau-vivre) ; § Réaliser la promesse au crédit de la construction des écoles, salles de classe et réhabilitation de celles qui sont en état de dépréciation ; § Conduire les prochaines reformes progressivement suivant les réalités de terrain, renoncer à la pensée magique qui perçoit la reforme comme étant une guerre éclair ; § Intérioriser que toute réforme est le fruit d'une longue préparation, de la planification rationnelle et de la mobilisation des ressources nécessaires ; § Eviter l'improvisation; § Privilégier la dimension pédagogique des reformes scolaires ; § Apprendre à négocier les reformes avec les praticiens et le pouvoir relais ; § Impliquer de nouvelles forces pour la réalisation des objectifs d'Education Pour Tous ; § Veiller à la clarté des futurs textes réglementaires, ainsi que la participation des acteurs clés à leur élaboration, constitueront un gage d'adhésion nécessaire à la mise en oeuvre de la Stratégie ; § Mettre l'équité au centre des politiques éducatives car l'éducation est avant tout un droit humain fondamental ; § Evaluer régulièrement des politiques éducatives en faveur de l'Education Pour Tous et mesurer l'impact de la gratuité sur le rendement du système éducatif ; § Accorder des subsides, si possible, aux écoles privées afin de réduire le coût de scolarité dans leur secteur en vue de juguler la pression de la demande scolaire aux écoles publiques en attendant la construction des nouvelles écoles. De tout ce qui précède, en abordant ce sujet, la vision principale est de construire un système d'éducation inclusif et de qualité contribuant efficacement à la croissance économique, à la lutte contre la pauvreté et à la promotion de la paix et d'une citoyenneté démocratique active. Il s'agit avant tout de libérer l'homme de toutes les pesanteurs qui l'empêchent de participer efficacement au développement de son pays, en lui inculquant le savoir, le savoir-faire et le savoir-être qui constituent le socle de la vie en société. Assurer l'éducation de qualité à nos enfants c'est garantir l'avenir de notre beau pays. Rendre l'école gratuite c'est aussi un tournant décisif vers la redynamisation du système éducatif congolais, mais cela n'empêche de produire des réflexions analytiques susceptibles d'orienter le cadre d'actions. La gratuité prônée par l'État congolais n'est pas utopique mais difficile d'applicabilité tout de suite puisqu'il y a des préalables àremplir. Pour parvenir aux performances souhaitées, il suffira d'appuyer des conditions normales universellement reconnues pour les apprentissages et pour le métier d'enseignant. Avant de boucler, nous disons, reconnaitre ses limites c'est une vertu pour les chercheurs. Aussi, nous serons flexibles aux nouvelles découvertes et nous resterons très ouverts aux critiques car ce memento qui est l'oeuvre humaine ne sera pas à l'abri des imperfections voire critiques. Nous avons fait notre part, il appartient aux continuateurs d'approfondir ce vaste chantier combien tumultueux de par son essence. Que ce travail puisse y servir d'un référentiel à la mise en place des politiques éducatives en termes des reformes scolaires en RDC. |
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