3.3. Discussiondes résultats
Rappelons que nous n'avons pas été les premiers
à parler de la gratuité de de l'enseignement au Congo, et par
honnêteté intellectuelle, nous étions obligés de
retracer la part des prédécesseurs. Sur ce, nous avons retenu
trois travaux antérieurs dont un mémoire de licence
rédigé parArlette Malu (2009-2010); et deux articles
publiés : un article par le professeur Gratien Mokonzi(2012) et
celui de Tom De Herdt et Emmanuel Kasongo(2013).
Après dissection de ces travaux antérieurs par
rapport à notre regard sur le sujet commun de la gratuité de
l'enseignement primaire en République Démocratique du Congo, nous
avons dégagés beaucoup des points de convergents, des
réalités similaires voire complémentaires et moins sont
les contradictions apparentes.
Il sied de rappeler ici que le mémoire de Arlette
MaluMasiala (2009-2010) s'interrogeait des causes qui entravaient de rendre
effective la gratuité de l'enseignement primaire en RDC alors que
garantie par la loi fondamentale du pays depuis 2006. Ses investigations l'ont
poussé à conclure que la gratuité restait lettre
désuète par manque de volonté politique des tenants du
pouvoir.
Par contre, les articles du professeur Gratien Mokonzi(2012)
et celui de Tom De Herdt et Emmanuel Kasongo (2013)étaient
publiés dans un contexte où la gratuité de l'enseignement
était déjà en application (à partir de la
rentrée scolaire 2010-2011) pour les classes de 1ere,
2e et 3e à travers la république hormis les
provinces de Kinshasa et de Lubumbashi. Les deux recherches allaient dans le
sens d'évaluer l'incidence de la gratuité sur le rendement
scolaire.
Notre recherche intervient aussi dans un contexte où la
gratuité est déjà en application. Mais, cette fois, elle
est généralisée à travers toute la
république et ce pour toutes les classes du primaire.
Bien entendu, nous allons focaliser beaucoup plus l'attention
sur le rapport entre notre étude et les deux dernières
recherches qui vont presque dans un même sens. Car, pour Arlette Malu, ce
qui empêcherait en premier lieu la mise en application de la
gratuité de l'enseignement serait le manque de volonté politique.
Alors que dans notre contexte avec les deux autres articles, il y a des
éventuels prétextes d'une volonté politique.
Bien que les trois recherches soient menées dans
différents milieux dont les provinces de Bas-Congo, Bandundu, Kinshasa
et Kisangani, les résultats paraissent similaires, si pas les
mêmes. Dans tous les cas, Il est à déplorer la
considération : « les déclarations des autorités sur
la gratuité souffrent d'une absence notoire des politiques de
planification stratégique». Cette assertion revient plusieurs fois
dans toutes nos recherches.
Voici les similitudes observées :
1. Les plaintes sont unanimes, tant la déclaration de
2010 que celle de 2019, la gratuité de l'enseignement est toujours
introduite dans un contexte d'improvisation, et cela sur base des calculs
politiques. Pour les études antérieures, la déclaration
politique du président Joseph Kabila est intervenue le 30 Août
2010, soit 7 jours avant la rentrée scolaire 2010-2011. Les auteurs
traduisent la déclaration politique de 2010 en une stratégie
pré-électorale, puisque c'était la veille des
élections de 2011. Nous aussi, avons estimé que la
déclaration du président Felix Tshisekedi au meeting, samedi le
02/03/2019 n'était pas fondée sur des perspectives
pédagogiques, mais surtout au remplissage des tableaux politiques pour
atténuer les tensions post-électorales.
Comme son prédécesseur qui convoqua le table
ronde sur la gratuité la veille de la rentrée scolaire 2010-2011,
cette fois, elle est intervenue le 22 Août 2019 soit une semaine avant la
rentrée scolaire 2019-2020 suite aux diverses manifestations des
enseignants qui se montraient sceptiques à la gratuité n'ayant
pas de garantie sur leur prise en charge. Qui vont participer dans ces
assises ? Une sous-commission composée des experts de
l'administration publique (Ministres de l'EPSP, budget, du plan et des
Finances), les conseillers du Président de la République, et les
organisations de la société civile. Les praticiens de
l'éducation n'ont pas été intéressés.
Suite à la modicité des recettes de
l'état, évalué à 4,9 milliards USD, les membres de
la sous-commission optent pour une mise en oeuvre progressive de la
gratuité de l'éducation de base tout en échelonnant les
besoins pour une période de trois ans (2020-2022). La résolution
sera rejetée en bloc par la présidence. Qu'en est-il de la suite
aujourd'hui !
2. Dans leurs recherches, au Bas-Congo comme au Bandundu, la
gratuité avait comme conséquence directe l'accroissement des
effectifs scolaires. Voyons aussi dans notre étude comment le taux
d'accroissement des effectifs scolaires s'élève jusqu'à
111%.
3. Dans leurs recherches, la gratuité était
contourné par l'invention des nouveaux concepts (savons des enseignants
au Bandundu ; transports des enseignants et achats des manuels au
Bas-Congo) pour exiger aux parents de continuer à financer la
scolarité de leurs enfants. Ici à Kinshasa, les vocables tels que
réfection des bâtiments scolaires, fabrications des bancs, soutien
aux enseignants non payés...sont d'actualités.
4. Alors que les autres déplorent l'insuffisance d'un
dispositif pédagogique adéquat, notre recherche vient
déceler un bon nombre de faiblisses, parmi lesquelles l'insuffisance des
capacités d'accueils, la modicité de l'enveloppe salariale des
enseignants, la dégradation de la pédagogie avec tous les effets
collatéraux, etc.
Malgré les similitudes, chacune des recherches avait
son originalité, sa visée principale,d'où, les
écarts ne peuvent que figurés. Notamment :
1. La recherche de Tom De Herdt et Emmanuel Kasongo
(2013)menée dans les provinces de Bandundu et du Bas-Congo s'est
limitée à déceler les écarts entre la nouvelle
politique de la gratuité et les réalités sur le
terrain.
2.La recherche de Gratien Mokonzi(2012)
prévoit, qu'au-delà de la loi portant organisation et
fonctionnement de l'enseignement, d'éditer une loi spécifique
devant organiser la gratuité et en fixer les contours, d'une part, et de
mettre en place des institutions chargées du suivi de son application,
d'autre part. Il s'agit là des mesures juridique et pratique
indispensables pour rendre effective la gratuité de l'enseignement
primaire en République Démocratique du Congo.
3. Notre étude est une contribution à la mise
des politiques éducatives. Derrière des politiques
gouvernementales, nous voudrions que toutes les réformes à venir
dans le secteur de l'enseignement soient toujours envisagées dans une
perspective pédagogique et la variable qualité doit être au
centre des préoccupations éducatives. Pour nous, la
gratuité doit nécessairement rimer avec la qualité. Pour y
parvenir, nous en appelons à la refondation de l'action gouvernementale
autour de la gratuité de l'enseignement. Que les décideurs
fassent un examen objectif de cette première phase, déceler les
forces, les faiblesses, les menaces et les opportunités afin de projeter
ce qui convient le mieux pour consolider une gratuité qui promeut la
qualité.
Donc, les études telles que présentées
ne se contredisent pas tellement, elles sont plutôt
complémentaires. La première étude fait état des
lieux de la gratuité, la deuxième insiste sur le juridisme et les
aspects administratifs, et enfin, la nôtre se préoccupe des
questions pédagogiques et des politiques pour les reformes scolaires.
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