1.5. Diagnostic récent du système
éducatif en RDC
L'éducation s'entend comme la formation
intégrale de l'homme. Depuis l'accession du pays à
l'indépendance en 1960, aucune politique cohérente du
système éducatif n'a été conçue et
appliquée en vue de trouver des adaptations nécessaires entre la
demande de l'éducation, toujours croissante, et les ressources de l'Etat
de plus en plus décroissantes. L'insuffisance de la capacité
d'accueil des écoles publiques en est la cause de la
prolifération des établissements d'enseignements
privés.
1.5.1. L'éducation en situation de
crise:Invention d'un nouveauparadigme L'émergence du
paradigme d'éducation en situation de crise s'inscrit tout d'abord en
continuité avec la construction progressive d'un« agenda global
pour l'éducation » depuis les années 1980 (King, 2007, p.
377-391). C'est à cette époque en effet qu'apparaît une
vision plus sociale du développement, notamment au sein de la Banque
mondiale et du PNUD qui considèrent avec l'adoption de l'Indicateur de
Développement Humain que le développement ne peut plus se
réduire à la seule croissance économique mais doit aussi
permettre l'amélioration de l'accès à l'éducation
et à la santé.Au même moment, les politiques d'ajustement
structurels mises en oeuvre dans la plupart des pays du Sud ont amené
l'État à se retirer de ce secteur, tandis que la Convention
relative aux droits de l'enfant, adoptée en 1989, reconnaît pour
la première fois l'éducation de base comme un droit fondamental
devant être garanti à tous les enfants à l'échelle
internationale.
Fort de cette assise juridique de portée universelle,
et profitant de la faiblesse relative de l'État, les agences d'aide au
développement multiplient alors leurs programmes d'interventions au sein
et en parallèle des systèmes éducatifs nationaux, à
la fois pour les financer mais aussi pour les réformer, suivant des
standards, des politiques et des modèles définis au sein
d'arènes publiques internationales. C'est ainsi que les trois
dernières décennies ont vu une multiplication de
conférences mondiales sur le thème de I' Education Pour Tous
(Jomtien en 1990, Amman en 1996 et Dakar en 2000) jusqu'à ce que
celle-ci soit intégrée dans les points 2 et 3 des Objectifs du
Millénaire pour le développement.
Selon l'article 28 de la Convention relative aux droits de
l'enfant (1989), l'éducation de base ne se réduit pas à
l'éducation primaire. S'il rend l'école primaire obligatoire et
gratuite pour tous, il encourage aussi l'organisation de différentes
formes d'enseignement secondaire (général et professionnel) par
la prise de mesures appropriées. Toutefois, en pratique,les bailleurs de
fond ne tendent qu'à financer des interventions dans le secteur de
l'enseignement primaire.
1.5.2. Considérations théoriques sur la mise
en oeuvre de la Gratuité de l'Enseignement en RDC
Comme nous venons d'indiquer, depuis des années, le
système éducatif congolais fait face aux multiples défis;
le plus criant était la prise en charge de l'école par les
ménages (parents d'élèves). Cette situation aurait
même porté coup dur à la qualité de l'enseignement
à tous les niveaux. Pour y arriver à appliquer la loi portant
gratuité de l'enseignement primaire voire éducation de base, il
fallait commencer par relever les défis en phare. Dans le cas contraire,
nous aurons une école gratuitequi ne rimera pas forcément avec la
qualité.
Arrivé au pouvoir, le 24/01/2019; samedi, le
02/03/2019, le chef de l'Etat Congolais,au cours d'un meeting ténu
à la place de l'échangeur-Kinshasa, fait plusieurs
déclarations politiques et « annonce les voeux de son
programme mandat (connu sous le nom du programme d'urgence ou programme de cent
100jours) ».Dans son allocution, il révèle ses
priorités dans dix (10) secteurs : santé, enseignement primaire,
secondaire et professionnel (EPSP), l'agriculture, le développement
rural, infrastructures et travaux publics, transports, Energie, Mines,
industrie, Formation professionnelle, Métiers et artisanat, Fonction
publique, défense et service de sécurité, justice et
pouvoir judiciaire, et affaires étrangères. Sans pour autant
présenter un cadre programmatique dans lequel devrait s'inspirer les
participants pour faire le travail.A la foulée de ces
déclarations, il formule aussi le voeu de rendre gratuite
l'éducation de base.
Sans transition, en lieu et place, il intime l'ultimatum
d'appliquer la gratuité dans tous les établissements publics au
niveau primaire et secondaire général.Discourscontroversé
par un nombre d'écoles de Kinshasa qui s'attendaient avant tout à
la résolution des préalables. Car, en réalité des
faits, les chefs d'établissements commençaient déjà
à percevoir les acomptes de paiement des frais scolaires n'étant
pas sûr de l'effectivité de la gigantesque réalisation du
gouvernement. Ils se souciaient aussi de rembourser aux parents les frais
déjà perçus.
La situation fait de la rentrée Scolaire 2019-2020 un
foyer des tensions, des manifestations de mécontentement et
déclenchement des mouvements de grèveau point que le gouvernement
avait du mal à contenir. A ce titre, s'imposera en date du 22 au 24
Août 2019 une table ronde convoquée par le chef de l'Etat, absent
aux assises, et qui sera représenté par son directeur de
cabinet.Le conclave va charger un groupe d'expert pour étudier les
défis et en proposer les pistes. Une sous-commission composée des
experts de l'administration publique (Ministres de l'EPSP, budget, du plan et
des Finances), les conseillers du Président de la République, et
les organisations de la société civile. Les praticiens de
l'éducation n'ont pas été intéressé.
Une nouvelle impulsion en éducation s'impose.Pour
prendre en charge la gratuité de l'enseignement de base, la
sous-commission EPSP, l'évalue à 2 905 906 965 USD : assurer le
fonctionnement de 51 574 écoles publiques et bureaux gestionnaires,
la prise en charge de 542 834 enseignants ; la suppression de frais de
bulletins, les frais des épreuves, etc. Suite à la
modicité des recettes de l'état, évalué à
4,9 milliards USD, les membres de la sous-commission optent pour une mise en
oeuvre progressive de la gratuité de l'éducation de base tout en
échelonnant les besoins pour une période de trois ans
(2020-2022). Sur le terrain, les parents sont partagés entre l'espoir
et la prudence.
Considérant les problèmes d'ordre
budgétaire, le Ministre du Budget annonce cinq actions principales pour
2020: la mise en oeuvre progressive de la gratuité de l'enseignement de
base ; la formation continue des enseignants ; l'extension en province de la
mutuelle de santé des enseignants ; l'acquisition et distribution des
manuels scolaires et des guides pédagogiques aux écoles primaires
; la rente, la pension et la mise à la retraite des enseignants.
Les participants sont allés loin en proposant
même le recours à une taxe de solidarité : la participation
de 10% des recettes perçues des secteurs miniers, d'hydrocarbure,
télécommunications, billet d'avion, péage, pollution de
l'environnement. Une proposition, qui devrait être approuvée par
le nouveau Gouvernement et votée par le Parlement.
1.5.2.1. L'absence de planification crée la
confusion
A une semaine de la rentrée scolaire, les discours
changent. Le Ministre intérimaire de l'enseignement primaire, secondaire
et professionnel, Emery Okundji, annonce la gratuité totale de
l'éducation de base. Sans une planification programmatique et
budgétaire cohérent, le 27 août 2019, le Secrétaire
Général à l'Est, Jean-Marie MANGOBE BOMUNGO, interdit la
perception par les écoles publiques des frais scolaires et de
motivation. Son courrier, adressé aux directeurs provinciaux, annonce
par ailleurs quelques mesures, notamment la mécanisation de 15 000
enseignants sur le stock de 132.613 non payés ; la prise en charge des
frais de fonctionnement dès le mois d'octobre 2019, sans préciser
le montant ; la restitution des frais perçus aux parents.Cependant,
certaines écoles publiques ont eu à restituer les frais
perçus aux parents et d'autres hésitaient encore
d'obtempérer à la décision du Ministère, pour
n'avoir reçu aucune garantie en ce qui concerne la prise en charge des
enseignants et des frais de fonctionnement par l'Etat.
Pourtant, lors des conférences budgétaires pour
l'exercice budgétaire 2020, organisées par le Ministère du
Budget du 5 au 16 août 2019, le Ministère de l'EPST avait
présenté les besoins de la gratuité de l'éducation
de base de manière échelonnée. Son plan triennal
(2020-2022) prévoyait l'augmentation du budget de l'EPST à 3,233
milliards USD soit 1,077 milliards USD l'année. En première
année, c'est-à-dire en 2020, le gouvernement devrait prendre en
charge les frais de bulletin, de Minerval et d'Identification, du Test National
de Sélection, et d'Orientation Scolaire Professionnelle (TENASOSP) de 13
579 065 élèves et suivi de leurs cursus scolaires; des frais
d'Examen National de fin d'études Primaires (ENAFEP) pour 1 500 000
élèves.
S'agissant du fonctionnement et de la mécanisation des
enseignants, le scénario projetait la prise en charge des frais de
fonctionnement de 30773 écoles, la mécanisation de 40.000
enseignants sur le stock de 132.613 enseignants non payés au cours de
l'exercice budgétaire 2020, alors que les syndicats des enseignants
affirment avoir déposé au mois d'avril 2019 à la
présidence de la République un mémorandum reprenant un
effectif de 240 000 enseignants, dont 104387 nouvelles unités.
Pour y parvenir, un crédit de 439 271 756 USD
était disponible dans le budget 2019. Et, qu'il suffisait de rechercher
637 728 244 USD pour lancer la gratuit progressive dès la rentrée
scolaire 2019-2020. Cependant, la proposition n'a pas été
acceptée par les politiques, qui ont proposé la gratuité
totale, sans tenir compte des préalables. Tout en rassurant les parents
de la capacité du pays à mobiliser le gap de 2,466 milliards USD
pour financer la gratuité de l'éducation de base. Pourtant,
l'application de la gratuité progressive telle qu'échelonner
par les experts devrait entraîner un allégement partielle et
progressive de la contribution des parents, jusqu'en 2022.
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