1.4.1.2. Péril du droit à
l'éducation
La situation du droit à l'éducation en
République du Congo est considérée comme extrêmement
critique. La qualité de l'enseignement a fortement baissé
à tous les niveaux. Cet état de chose est
caractérisé par le désengagement de l'Etat du secteur de
l'enseignement national. Par désengagement, il faut entendre le
processus de renoncement à accomplir certaines obligations auxquelles on
a souscrit en vertu d'une promesse, d'une convention, d'un pacte ou d'une loi.
a) Au comble de l'engagement:la politique scolaire de
1960 à 1967
A l'accession du Congo à l'indépendance, le
jeune Etat réaffirma avec une grande détermination la politique
d'engagement scolaire amorcée sous la colonisation. Il redéfinit
et améliora les termes de ses obligations vis-à-vis du
système scolaire. La constitution de la République
Démocratique du Congo de 1964 (art. 33), connue sous le nom de la
constitution de Luluabourg peut être considérée à
cet égard comme l'expression la mieux affirmée de cet engagement:
Elle prône les principes fondamentaux de l'éducation, notamment :
Ø Le droit à l'éducation pour tous;
Ø L'obligation et la gratuité de
l'enseignement ;
Ø La liberté scolaire.
Aucune autre constitution nationale ne s'est montrée
aussi généreuse envers l'enseignement. Au cours de la même
période, s'est tenu à Addis-Abeba la conférence sur le
développement de l'Afrique et le Congo a fait siennes toutes ces
recommandations. Au demeurant, on peut juger de l'impact de cet engagement tout
azimut par les résultats obtenus. L'extension du secteur de
l'enseignement à tous les niveaux, primaire, secondaire et
supérieur. Les preuves éloquentes sont :
Ø Le recrutement des professeurs du secondaire qui
faisaient cruellement défaut. Sous les auspices de l'UNESCO qui s'est
chargée de cette opération à l'échelle mondiale;
Ø L'ampleur et l'audace des réformes scolaires
entreprises;
Ø La hauteur du budget consacré à
l'éducation Nationale atteignant jusqu'au quart(25%) du budget national;
Ø L'allocation des bourses d'études aux
élèves et étudiants tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur du pays;
Ø La production des manuels scolaires et du
matériel didactique; Le recyclage et le perfectionnement du personnel
enseignant, etc.
b) Début du désengagement : la politique
scolaire de 1967 à 1986
L'année 1967 marque l'amorce du processus de
désengagement qui commence avec le Manifeste de la N'Sele et la
constitution Révolutionnaire (ainsi que ses multiples révisions)
et atteindra son accélération avec la promulgation de la
loi-cadre de l'enseignement national en 1986.
En effet, l'avènement du Manifeste de la N'Sele et de
la constitution de 1967 ont marqué un tournant décisif dans le
domaine de la politique scolaire au Congo. Dans son livre, Education Pour Tous
et Par Tous : Piste pour une nouvelle école congolaise (2000,
pp.10-40), NGONGO DISASHI met en relief trois faits attestant le
désengagement de l'Etat à l'Education: « le mutisme
juridique, les critiques acerbes envers le système scolaire et les actes
concrets de désengagement. »Considérons les deux
derniers faits.
· Les critiques acerbes.
C'est pendant cette période qu'apparut un discours
extrêmement Critique à l'égard du système
éducatif. Les discours présidentiels, les décisions du
comité central du M.P.R (mouvement populaire de la révolution) et
les analyses des responsables de l'Education Nationale prirent tous un ton
sévère envers l'enseignement.
On lui reprochait, entre autres le manque d'adéquation
avec le développement et les besoins nouveaux de la
société; son caractère budgétivore; ses
résultats peu satisfaisants; sa tendance promotionnelle plutôt que
professionnelle; le déséquilibre entre l'enseignement
général et professionnel; l'anarchie et la tricherie à
tous les niveaux; les effectifs pléthoriques; le chômage des
diplômés; la culture des antivaleurs; etc. Toutes ces critiques
étaient certes fondées et méritaient que l'on y
trouvât des solutions appropriées.
· Les actes concrets de désengagement
Il est bon de relever ici quelques actes et décisions
qui caractérisèrent le désengagement. Certains d'entre eux
apparurent au début comme non structurés ou incohérents,
mais à l'analyse, ils débouchèrent au même
résultat.
1. Le désengagement financier
Il se manifesta clairement par la réduction du budget
alloué à l'éducation et fut ramené aux seules
dépenses de rémunération, lesquelles tout en restant les
plus modiques, représentaient au moins 80% de l'ensemble du budget. Les
dotations naguère consacrées à l'investissement, à
la réfection ou entretien des infrastructures furent progressivement
amenuisées, puis supprimées. Les bourses d'études pour
étudiants, la prise en charge de leur logement, restauration, transport,
etc. furent également supprimées.
2. La gestion directe des écoles par
l'Etat
L'Etat décida aussi de gérer lui-même
directement toutes les écoles relevant de l'enseignement national. Cette
mesure avait été considérée comme un acte
d'engagement. Mais en réalité, c'était le contraire.
L'Etat se croyait exploité par les gestionnaires des écoles des
réseaux conventionnés. Il voulut donc gérer seul ces
réseaux afin de réduire l'impact budgétaire notamment en
assainissant les effectifs et en fermant les écoles
déclarées non viables.
3. L'institution des comités des parents
dans les écoles
Jusqu'en 1978, le rôle des parents dans
l'éducation consistait à choisir le type d'éducation
convenable à leurs enfants, à leur octroyer les fournitures
scolaires et à payer les menus frais d'écolage. Depuis le
début des années 1990, s'est institutionnalisé un
système palliatif mais durable, mobile et complexe dont le coût
largement consacré aux rémunérations des enseignants est
supporté de manière considérable par les parents. La
création dans chaque école d'un comité de parents fut
décidée pour les impliquer aux nombreux problèmes que
soulevait la scolarisation de leurs enfants. Ils devraient ainsi prendre
conscience d'énormes difficultés et sacrifices consentis par
l'Etat et accepter de lui alléger la tâche en participant aux
frais de fonctionnement, de construction, de réfection ou d'entretien
des écoles, bref, à tous les frais, même ceux relatifs aux
rémunérations des enseignants. Ces comités devenaient
ainsi un bon débarras pour l'Etat.
4. L'encouragement de la création des
écoles privées
Délaissant son secteur dans la misère, l'Etat se
mit à encourager ou simplement à laisser se développer le
réseau de l'enseignement privé dans lequel il ne prend part
à aucune charge. Au contraire, toutes les tracasseries administratives
deviennent des prétextes pour alourdir les taxes et divers frais. Ainsi,
l'agrément d'une nouvelle école fut une véritable aubaine
pour gagner de l'argent. Le secteur devint ainsi un sauf-conduit pour l'Etat,
le désengagement de ses responsabilités.
5. La loi de l'enseignement
(1986)
La loi-cadre n°86/005 a été
promulguée le 22 septembre 1986 comme portant régime
général applicable à l'enseignement national. Elle fut
l'aboutissement logique du processus de désengagement de l'Etat.
Attentant depuis longtemps, cette loi-cadre a mutilé tous les principes
prônant l'éducation pour tous. Peu après, il survintune
baisse sensible du secteur de 1992 à 1993 due bien sûr aux
mutineries et aux pillages de triste mémoire.
En définitive, pour ce qui est de l'accroissement des
effectifs des élèves en RDC, la population congolaise est jeune
et elle rajeunit d'année en année. Les effets cumulés de
cette jeunesse de plus en plus nombreuse, de plus en plus inactives, et de
moins en moins scolarisée risquent, si on n'y prend pas garde, de
provoquer une implosion populaire.
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