1.3. Défis de la gratuité de
l'enseignement en RDC
En République Démocratique du Congo, plus
particulièrement dans la ville province de Kinshasa, la gratuité
de l'enseignement fait face aux multiples défis et les causes sont
lointaines. Les problèmes seraient d'ordre politique, économique,
institutionnel et managérial. Malgré les efforts
déployés par le ministère de l'Éducation, la
gratuité a beaucoup d'obstacles à surmonter, à savoir des
bâtiments délabrés, le manque de matériel
didactique, d'équipement et de personnel de qualité.
Voici la vue préliminaire des défis en phares
dont fait face la de l'éducation pour tous en RDC :
1. Faible budget de l'Etat et celui alloué au secteur
éducatif.
2. La modicité de l'enveloppe salariale des enseignants
face à la détérioration des conditions sociales à
Kinshasa.
3. L'insuffisancedes infrastructures et capacités
d'accueil des établissements qui n'augmentent pas proportionnellement
à l'accroissement du nombre d'élèves.
5. Déficience des méthodes stratégiques
mises à la disposition des enseignants pour adapter l'enseignement aux
circonstances actuelles.
6. Les barrières d'ordres organisationnel et
managérial dues àl'improvisation de la gratuité et
à l'absence d'un plan d'opérationnalisation.
Dans le Programme de Renforcement des capacités
d'accueil du système élaboré en mars 2010, les experts du
ministère de l'enseignement primaire, secondaire et professionnel
reconnaissaient déjà la difficulté d'appliquer la
gratuité à l'état actuel des capacités d'accueil.
D'ailleurs le chef de l'Etat a reconnu ce défi, et il a même
promis, dans son programme de cent jours, la construction et la
réhabilitation de 150 écoles et poursuivre l'investissement
jusqu'à 10.000 salles de classes. En réponse à l'afflux
prévu dans le système comme répercussions de la
gratuité, le gouvernement entendait élargir la capacité
d'accueil par la construction et la réhabilitation de salles de classe
et leur équipement en mobiliers scolaires.
Il est important d'examiner les origines de la crise de
l'école congolaise source des défis.
1.4. Etat des lieux de l'école congolaise
1.4.1. Genèse de la crise et survie de
l'école congolaise
1.4.1.1. Aperçu général
Réussir à atteindre les objectifs de
développement du Millénaire qui visent à instaurer
l'éducation primaire universelle partout dans le monde et en Afrique en
particulier, nécessite une attention spéciale sur la
République Démocratique du Congo, qui est l'un des cinq pays au
monde regorgeant le plus d'enfants non scolarisés. Des décennies
de conflits violents, de grandes migrations de populations et de privations
économiques prolongées ont entraîné un déclin
net du système éducatif en RDC. L'instabilité que
connaît ce pays depuis plusieurs décennies n'est pas à
démontrer ; un investissement public quasi-nul ; la
dépense courante réelle par élève serait
passée de 109 $ en 1980 à 4 $ en 2002.
Dans leur ouvrage, la survie de l'école primaire
congolaise:héritage colonial, hybridité et résilience,
Marc Poncelet, Géraldine André, Tom De Herdt(2010,
pp.23-41),démontrent quela République Démocratique du
Congo connaît une crise exceptionnellement profonde dont les racines sont
lointaines et les dimensions multiples.
Dès la première moitié de la
décennie 1980, s'affiche la faillite du modèle économique
«zaïrianisé»construit sur la rente minière et
l'endettement. S'ensuit la montée d'une informalisation
générale de l'économie que traduisent les
phénomènes de contraction drastique du salariat urbain, de
pauvreté croissante et de rupture du contrôle économique.
Le pays est placé sous ajustement structurel dès 1982 avant que
l'économie soit définitivement désarticulée par les
pillages populaires et les « expulsions ethniques » de la
première moitié des années 1990.
Le dernier moment de cette conjonction tragique est
contemporain, depuis le nouveau millénaire, d'une
pacification/transition démocratique sous tutelle internationale. Dans
le secteur éducatif, la crise s'est manifestée dès le
début des années 1980. Jusqu'à cette époque,
l'État post-colonial avait poursuivi et amplifié l'investissement
scolaire colonial tardif mais très significatif des années
1955-1960, le budget du MEPSP (Ministère de l'enseignement primaire,
secondaire et professionnel) représentait près de 25 % des
dépenses publiques globales.
Dans le cadre du programme d'ajustement structurel
(1982-1987), imposé par les institutions financières
internationales au Zaïre, le budget de l'État consacré
à l' éducation a connu une chute historique, passant de 159 $ en
1982 à 23 $ par élève en 1987 : le salaire réel des
enseignants est passé de 68 $ à 27 $ et leur nombre a
été comprimé fortement pendant la même
période.
En fait, le nombre d'enseignants payés par
l'État a diminué de manière systématique à
partir de 1982, passant de 64 % (1982) à 31 % en 2006, atteignant un
minimum vers 2001. C'est en effet au tournant du millénaire que le
système scolaire a touché le fond : le poids du budget de
l'éducation qui avait diminué de 25 % à 7 % dans les
années 1980 est réduit à 2-3 % à la fin des
années 1990; le salaire moyen descend à 12,90 $ en 2002.De
l'investissement de 159 $ par élève en 1982, il ne reste que 7 $
en 2006. La capacité effective du MINEPSP à intervenir dans le
secteur éducatif est donc quasi-nulle et on note une disparition presque
totale des dépenses en capital et des dépenses non-salariales.
Pourtant, l'école et plus généralement le
champ scolaire ont survécu au coeur de la société et d'un
État souvent décrit comme «failli». Les effectifs de
l'éducation primaire ne se sont pas effondrés ; les chiffres
absolus en primaire ont au contraire doublé de 1987 à 2006,
passant approximativement de 4 millions à 8 millions.
La force et la constance de la demande de scolarisation
visibles dont la capacité des parents à payer sont d'autant plus
remarquables que les conditions matérielles et pédagogiques sont
très dégradées et corrompues. La performance
éducative est hautement mise en question. En contraste avec le sentiment
général d'abandon qui prévaut dans la
société, on observe la création incessante de nouvelles
écoles (pas seulement des écoles privées), le
développement de l'appareil administratif scolaire et la permanence d'un
débat public relatif à l'école. A noter, la RDC sort d'une
longue crise économique et politique qui a eu de graves
conséquences sur le système éducatif. Plus de trois
décennies de déclin économique, de chaos politique et de
guerre ont créé des conditions extrêmement difficiles pour
l'éducation au Congo.
Avec un PIB par habitant d'environ 100 $ en 2002, la RDC fait
partie des pays les plus pauvres du monde. En plus des effets
généraux de l'instabilité politique, du chaos
économique et de la guerre, le système éducatif a subi des
atteintes directes. Deux épisodes majeurs de pillage par des soldats, en
1991 et 1993, ont entraîné des destructions considérables
d'immeubles et d'équipements, dont de nombreuses écoles ne se
sont pas remises. Le mauvais entretien des infrastructures routières a
conduit à l'abandon des nombreuses écoles dans les zones rurales
de l'intérieur. Selon la Banque centrale du Congo (BCC), la situation a
continué à se dégrader au cours de l'année 2017,
avec une dépréciation mensuelle du franc congolais de 3,4 % entre
janvier et juillet, et un taux d'inflation atteignant 52,2 % sur les dix
premiers mois de l'année. Ce qui justifie le maigre budget
décroissant de 7 Milliards de dollars en 2017 et 5 Milliards de dollars
en 2018.
Le secteur de l'éducation, à l'instar d'autres
secteurs sociaux en République Démocratique du Congo (RDC), fait
face à des défis majeurs compte tenu de la forte croissance
démographique - une population de plus de 90 millions, croissant
à 3,1 % par an, dont près de 70% vivant en milieu rural, un
climat politique fragile en raison de la récurrence des conflits
ethniques et une instabilité macroéconomique due à un
manque de mécanisme de résistance aux chocs financiers. Les
compétences et la motivation des enseignants se sont
détériorées à tous les niveaux d'études, et
leurs faibles et incertaines rémunérations en sont l'une des
causes principales.
Par ailleurs, il y plus de 30 ans, le système
éducatif de la RDC était en avance sur celui de nombreux pays
subsahariens, en matière de taux brut de scolarisation primaire. Mais
présentement, il est à la traîne de la plupart d'entre eux.
La RDC avait un système universitaire qui attirait les étudiants
d'Afrique francophone; mais aujourd'hui, les universités ont des
programmes, des cursus dépassés et des infrastructures en ruine.
Toutefois, le système éducatif de la RDC a montré une
résilience remarquable en dépit des crises récentes, et
même continue à se développer à tous les niveaux.
Le système d'administration scolaire a survécu aux perturbations
et dans la même perspective, la gestion locale a été
solidement prise en main par les parents et les enseignants au niveau de chaque
école. Les autorités congolaises et les bailleurs de fonds ont
tous admis que la renaissance du secteur éducatif était
essentielle au développement de la RDC.
Très loin de la prééminence qu'il avait
dans les dépenses totales de l'Etat, il y a environ deux
décennies, le secteur de l'éducation compte moins de 6% de la
dépense publique totale en termes de taux d'exécution. L'un
aspects essentiels du système éducatif congolais est le manque
presque total des ressources et des financements gouvernementaux pour tous les
niveaux d'éducation, y compris le primaire. Toutes les institutions
d'enseignement, qu'elles soient publiques ou privées, sont
financées presque entièrement par les ménages.
En 2016, la RDC a consacré à l'éducation
15,29% des dépenses publiques; mais en général la
structure du budget 2016 ressort que 10,28 % sont affectés à
d'autres affaires concernant l'enseignement" et moins de 5% seulement sont
affectés à l'enseignement proprement dit, primaire, secondaire,
technique, professionnel et universitaire.Il est vrai que la
fréquentation scolaire au primaire a progressé, mais on note
cependant des disparités importantes.Malgré les efforts fournis
par le Gouvernement de la RDC avec l'appui de ses partenaires techniques et
financiers, la scolarisation primaire universelle n'a pu encore se
réaliser. Outre, les bouleversements de 30 dernières
années, le système éducatif de la RDC a continué
à se développer, quoique lentement.
Cependant, cette tendance, surprenantedans un contexte de plus
de trois décennies dedéclin économique et de près
deux décennies deconflit, ne montre pas jusqu'ici de progrès
décisifvers la scolarisation primaire universelle.Les modalités
uniques du financement privé adoptées en RDC ont eu des
conséquences à la fois sur la scolarisation et la qualité
de l'éducation, que sur les motivations des enseignants et des
administrateurs.
|