2.2 Cri d'alarme contre l'arbitraire, la corruption et
l'impunité
Le dictionnaire Français Hachette, 2000, définit
respectivement les concepts « arbitraire et impunité » comme
étant toute action qui dépend uniquement du caprice d'un homme ;
absence de punition. Dans la réalité de la gestion de la chose
publique, l'État haïtien repose essentiellement sur le droit du
plus fort que sur les exigences de la loi. C'est d'ailleurs l'une des
acceptions même du concept « arbitraire ». Le Pouvoir
Exécutif, par exemple, relégué en arrière plan
à la faveur de la personne du Chef de l'État. Celui-ci est le
symbolisme d'une dictature personnelle, en faisant tout dépendre de son
bon vouloir et de ses caprices. Le type d'État qui découle d'une
telle
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configuration du Pouvoir exécutif est d'une grande
fragilité, assure Leslie Péan (2013, p. 22). Or, en Haïti,
on vit continuellement l'expérience d'un absolutisme sans bornes dans la
façon de procéder des autorités Étatiques.
Par l'analyse des principaux résultats de la recherche,
il a été remarqué qu'en Haïti, il y a un grand
déficit de transparence et d'obligation de rendre compte. Cet
état de fait est tout à fait prouvé quand nous
considérons la réalité de la passation des marchés
publics en Haïti et la gestion des deniers publics. En effet, Haïti
fait partie des pays les plus corrompus de la planète. Les formes de
corruptions les plus fréquentes en Haïti demeurent : les
pots-de-vin, le népotisme, le favoritisme, le détournement des
fonds et biens publics, dilapidation de fonds publics, abus de pouvoir etc.
Pour pallier à ces problèmes, nous pensons qu'il serait opportun
d'accentuer les efforts au niveau de la transparence et de l'obligation de
rendre compte. Mais comment ?
Deux types de combats doivent être impérativement
menés : restreindre le pouvoir des autorités de l'État et
réduire l'influence étrangère.
Il est de tradition en Haïti que les autorités de
l'État, en particulier le Président de la République et
les Parlementaires, jouissent « d'un pouvoir sans contrôle et sans
limites. Autorités Étatiques signifient donc dans la plupart du
temps, sources d'avantages et de privilèges à ses partisans. Nous
le voyons jours et nuits, occuper ou avoir des proches qui occupent de hautes
fonctions dans l'administration publique est synonyme de tirer profit,
d'enrichissement personnel ». Voilà ce qui alimente
généralement le manque de transparence dans la gestion des
ressources et mais également le respect des normes établies.
Ceci étant dit, il faut rendre les organes qui sont
chargés de contrôler les dépenses publiques autonomes. Pour
reprendre les préoccupations de Magaly Brodeur (2012, p. 51), il faut
absolument combattre le manque de transparence, la centralisation des
décisions, le non-respect des règles ; lesquelles constituent des
pratiques contraires aux principes de bonne gouvernance et qui contribuent au
maintien et au renforcement de la corruption et donc du refus de rendre
compte.
Finalement nous pensons qu'il faut réduire l'influence
étrangère en Haïti. En effet, dans un système de
corruption, il n'y a pas que l'agent corrompu. Il y a aussi la présence
d'un agent corrupteur, l'un alimentant l'autre. Ainsi, malgré que la
communauté internationale tienne toujours un discours relativement
critique vis-à-vis de la corruption, les Organisations
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internationales et les ONG participent à
l'institutionnalisation du problème. Quant leur influence n'est pas
réduite elles reviendront pour intervenir dans un problème dont
ils sont responsables. Magaly Brodeur (p. 52) rapporte des données d'une
enquête qui rend compte du niveau d'influence de l'international dans la
corruption en Haïti :
Dans le cadre de l'enquête diagnostique sur la
gouvernance et la corruption en Haïti réalisée en 2007, 41 %
des ONG ont affirmé payer (c'est-à-dire « toujours »,
« presque toujours » et « parfois ») des pots-de-vin afin
d'obtenir des contrats publics ; et lorsque l'on a demandé aux ONG et
aux OI d'estimer la fréquence à laquelle elles payaient des
pots-de-vin pour obtenir des services publics, les résultats
étaient sans équivoque (téléphone : 17 %,
électricité : 16 %, paiement d'impôts : 16 %, service des
douanes : 15 %, eau : 11 %, enregistrement des contrats : 11 %, services
postaux : 6 %, etc.) [BRIDES et al., 2007].
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