Conclusion du chapitre III
L'état des lieux de la coopération entre le
Cameroun et le Tchad, deux grands États de la Communauté
économique et monétaire de l'Afrique Centrale, sur les plans
diplomatique et économique rend un bilan fort élogieux. En effet,
sur chacun de ces domaines respectifs, l'on peut remarquer une évolution
de cette coopération dans un sens jugé favorable.
Ainsi, sur le plan économique, la coopération
Camerouno-tchadienne se caractérise par sa diversité ; cette
dernière est basée prioritairement sur la construction des
infrastructures notamment de communication, de
télécommunications, culturelles et techniques. En outre, ladite
coopération est fondamentalement axée sur les échanges
commerciaux.
Sur le plan diplomatique, cette coopération est
davantage renforcée ; ce renforcement est perceptible sur le plan de la
sécurité, que ce soit de l'environnement ou des biens et des
personnes. Elle est encore plus renforcée au plan judiciaire, dont la
matérialisation profonde est l'extradition. Mais le rendu de
l'état des lieux de la coopération entre le Tchad et le Cameroun
doit permettre d'en tirer des leçons, dans l'optique d'une consolidation
de cette coopération.
116 Article 44 (1)
117 Article 44 (2)
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CHAPITRE IV : LES LEÇONS DE LA
COOPERATION DIPLOMATICO-ECONOMIQUE ENTRE LE CAMEROUN ET LE TCHAD
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Au regard de la pérennité de la
coopération entre ces deux géants de la CEMAC, ce dernier
mérite d'être évaluée en toute objectivité.
L'évaluation de la coopération entre le Tchad et le Cameroun
permet d'en dégager des leçons pratiques,
précisément deux en ressortent ; il s'agit non seulement du
renforcement de l'intégration sous-régionale (section I), mais
également de la garantie de la paix et de la stabilité politique
entre le Tchad et le Cameroun (section II).
Section I : le renforcement de l'intégration
sous-régionale
La collaboration dans le cadre de l'intégration suppose
un certain partage de souveraineté par la mise en commun de
procédures institutionnelles établies. Si le concept
d'intégration sous-régionale revêt un biais à
prédominance économique, il ne se limite pas pour autant à
cette dimension118. L'intégration est le «
processus par lequel les acteurs politiques des différents
champs nationaux sont persuadés de tourner leur fidélité,
leurs espérances et leurs activités vers un nouveau grand centre,
dont les institutions disposent ou exigent de disposer d'une juridiction sur
les États nationaux
préexistants119».
En effet, l'intégration sous-régionale peut
engager tous les domaines d'intervention du secteur public, y compris la
gestion de l'environnement économique, mais également la
sécurité collective, les droits humains, l'éducation, la
santé, la recherche et la technologie, ou la gestion des ressources
naturelles120. L'intégration dans la sous-région est
prônée par le traité instituant la CEMAC121 ;
sur la base de ce fondement normatif, les États-membres de ladite
communauté intégrative sont donc invités à
coopérer dans l'optique de promouvoir leur développement
respectif. Ainsi, le Tchad et le Cameroun, qui sont deux maillons forts de
l'Afrique centrale, dans l'optique de renforcer l'intégration
sous-régionale, ont décidé d'appliquer de manière
pérenne la libre circulation des marchandises (paragraphe I). En outre,
ces deux États ont également convenu de l'application
désormais de la libre circulation des personnes, des services et
capitaux (paragraphe II).
118 R. LAVERGNE, intégration et coopération
régionales en Afrique de l'Ouest, éd. Karthala, CRDI,
p.13
119 E. HAAS, the uniting in Europe, Stanford University
Press, 1958, p. 16.
120 Ibid.
121 Voir dans ce sens le préambule du traité
révisé de la CEMAC du 25 juin 2008.
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Paragraphe I : l'application pérennisée de la
libre circulation des marchandises
Traditionnellement, la libre circulation des marchandises
repose principalement sur la suppression entre les États-membres des
droits de douane ou taxes d'effet équivalent, ainsi que des restrictions
quantitatives122 ou des mesures d'effet
équivalent123, qu'il s'agisse des produits originaires de
l'un des États membres ou des marchandises originaires d'un État
tiers dès l'instant qu'elles sont régulièrement
introduites et mises en libre pratique dans le territoire
communautaire124. Dans le cadre de la coopération entre le
Tchad et le Cameroun, la libre circulation des marchandises est
appliquée de manière pérenne selon des modalités
duales. Il s'agit donc d'une part de la suppression relative des
barrières tarifaires (A) et d'autre part de la prohibition effective des
barrières non tarifaires (B).
A. La suppression relative des barrières
tarifaires
La coopération entre le Cameroun et le Tchad, deux
membres importants de la CEMAC, est fondée sur la règle selon
laquelle il est interdit sinon directement, du moins pendant une période
transitoire d'entraver d'une manière ou d'une autre la libre circulation
des marchandises125 notamment toutes les forme de charges
pécuniaires qui frappent les marchandises passant par les
frontières internes. L'observation d'une telle règle dans leurs
rapports par ces deux États résulte de l'application de la
législation CEMAC en la matière ; en effet, celle-ci reprend
à son compte la règle dite du stanstill126
qui pose le principe de l'interdiction faite aux États membres
d'introduire « entre eux tout nouveau droit de douane,
122 Ou «contingentements« d'après la
terminologie empruntée au GATT-OMC et de la CEE
123 En effet selon l'article 14 (b) de la convention
régissant l'UEAC, les Etats membres s'abstiennent désormais
« d'introduire entre eux de nouvelles restrictions quantitatives
à l'exportation ou à l'importation ou mesure d'effet
équivalent (...), ainsi que de rendre plus restrictifs les
contingentements et normes d'effet équivalent existant ».
124 E. GNIMPIEBA TONNANG, Droit matériel et
intégration sous-régionale en Afrique Centrale : contribution
à l'étude du droit communautaire de la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale, thèse de
doctorat, Université de Nice, mars 2004, p. 60.
125 L'objectif visé par la mise en place d'une
législation et d'une réglementation douanière commune
était d'appliquer, dans tous les Etats membres, un corpus normatif
commun, et l'action menée dans ce domaine s'est
concrétisée à travers l'élaboration et
l'utilisation communes dans les Etats membres de trois instruments douaniers
majeurs dont un tarif des douanes commun, un code des douanes unifié, et
la consécration d'une réglementation douanière commune,
regroupant tous les textes destinés à faciliter l'application de
la législation douanière et à empêcher des
distorsions d'origine étatique ou extérieur.
126 Le traité instituant l'UDEAC consacrait
déjà ce principe destiné à éviter que les
Etats membres ne renforcent les barrières érigées au
commerce interétatique, ou a fortiori, n'en créent de
nouvelles.
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à l'importation et à l'exportation, toute
taxe d'effet équivalent, et d'augmenter ce qu'ils appliquent dans leurs
relations commerciales mutuelles127». La mise en place
d'une politique visant la disparition progressive des obstacles de nature
tarifaire entre ces États vise donc à favoriser la construction
progressive d'un espace commun garantissant l'épanouissement des
activités économiques et commerciales donc la suppression de tout
prélèvement douanier sur les marchandises originaires de chacun
de ces États128. Néanmoins, même si on ne peut
pas efficacement avoir une idée de l'impact de cette politique à
cause du calendrier mis en place pour la destruction totale des
frontières commerciales129 d'une part, et d'autre part, par
le manque de données fiables sur les échanges130, on
peut risquer d'affirmer, du moins en invoquant les instruments juridiques
nouveaux élaborés par le législateur communautaire, les
travaux de modernisation des rapports entre les États de la
sous-région, en ce qui concerne notamment les aspects douaniers et
fiscaux de l'intégration économique, que la lutte contre la libre
circulation des marchandises au niveau de l'Afrique centrale de manière
générique, et de manière spécifique entre le Tchad
et le Cameroun, connaît une ère nouvelle131. Il faut
tout de même relever que même si des dispositions conventionnelles
pertinentes procèdent à la répartition équitable
des droits de douane entre les États notamment en faisant d'une part
obligation aux bureaux des douanes communs de tenir une comptabilité
distincte pour le compte de chaque État, d'adresser mensuellement un
double de cette comptabilité aux administrations douanières
nationales bénéficiaires pour lesquelles des liquidations avaient
été effectuées, et enfin de procéder, par des
opérations de trésor à trésor au transfert des
recettes correspondantes132.
127 Article 14 (a) de la Convention régissant l'UEAC.
128 E. GNIPIEMBA TONNANG, droit matériel et
intégration sous-régionale...., op cit, p. 59.
129 Articles 13 à 21 de la Convention régissant
l'UEAC.
130 La complexité qui caractérise
l'évaluation du poids des échanges entre les pays membres de
l'UDEAC trouve son origine dans le caractère désuet des
instruments statistiques et comptables dont disposent les experts dans la
sous-région ; ni la réforme des politiques statistiques et
comptables en Afrique Centrale initiée par le Secrétariat
Général, ni les nouvelles politiques d'harmonisation statistique
et comptable sous-régionale mise en place depuis plusieurs années
sous les auspices d'AFRISTAT n'ont pas (pour les premières) ou en tout
cas peu (pour les secondes) permis de disposer d'un outil fiable
d'évaluation des mouvements commerciaux entre les pays membres.
131 E. GNIPIEMBA TONNANG, droit matériel et
intégration sous-régionale...., op cit, p. 60.
132 Ibid. p. 66.
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Les Gouvernements du Tchad et du Cameroun, en tant
qu'États de la CEMAC, ont donc procédé, bien que de
manière relative, à la suppression de leurs barrières
tarifaires ; les barrières non tarifaires, quant à elles, sont
prohibées de manière effective.
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