B. Le renforcement de la sécurité des
biens et des personnes
La sécurité des biens et des personnes est
également une composante notoire dans la coopération entre le
Cameroun et le Tchad dans le domaine sécuritaire. En effet, tel
susmentionné, ce sont les deux États de l'Afrique Centrale qui
sont le plus touchés par le phénomène du terrorisme de la
secte Boko Haram. L'extension du phénomène terroriste a
81 Lire utilement l'accord de coopération
tripartite relatif à la lutte anti braconnage transfrontalière.
Aux termes de l'article 1 de cet accord, son objet est de développer une
stratégie conjointe de lutte contre le braconnage transfrontalier et de
mettre en place un dispositif opérationnel approprié pour le
renforcement de la collaboration transfrontalière, l'amélioration
de la coordination des interventions, la mobilisation des ressources
nécessaires et l'implication des principales parties prenantes.
82 Article 5 (1).
83 Article 5 (2).
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conduit les États a adopté des
législations nationales pour lutter efficacement contre le terrorisme et
des juridictions particulières pour en connaître84.
Mais, en raison de l'ampleur de ce phénomène et des
conséquences ravageuses dont ce dernier est à l'origine, ces deux
États ont comme dans plusieurs domaines conclus des accords leur
permettant de lutter efficacement contre le terrorisme au niveau de leurs
frontières85. Malgré que la question du terrorisme
soit d'actualité depuis des décennies86, cette notion
ne connaît pas, au jour d'aujourd'hui, de définition
universellement reconnue et mondialement acceptée87. Si la
pomme de discorde se trouve au niveau de la qualification même de l'acte
terroriste, la difficulté se trouve en réalité à
deux échelles : celle de l'approche de définition et celle des
intérêts en présence. Dans le premier cas, la
difficulté dans la définition du terrorisme découle du
fait qu'il existe deux approches différentes de définition du
terrorisme : l'approche de l'énumération synthétique et
l'approche de la formulation analytique.
La première procède à la
définition du terrorisme par l'énumération des actes
pouvant tomber sous le coup de cette infraction. Précise, plus ou moins
facile à interpréter et limitant la marge de manoeuvre des
pouvoirs publics et du juge, cette approche est cependant critiquée pour
ses nombreuses lacunes. En effet, mis à part la longueur de
l'énumération qui rend la définition lourde, il faut noter
le fait que, toute énumération étant limitative, cette
approche est forcément parcellaire car susceptible d'omissions et
d'oublis 88 . La seconde définit le terrorisme sous l'angle
de ses buts et de ses effets sans qualifier l'acte terroriste lui-même.
La seconde échelle de difficultés dans la définition de la
notion de terrorisme provient des
84 Au Cameroun, la juridiction compétente en
cas de commission d'actes terroristes est le tribunal militaire.
85 Lire utilement l'accord du 23 octobre 2007 entre
le Cameroun et le Gouvernement de la République du Cameroun et le
Gouvernement de la République du Tchad relatif à la
création d'une commission permanente pour la sécurité.
86 La première tentative internationale de
légiférer sur la question du terrorisme remonte en effet à
la Convention pour la prévention et la répression du terrorisme
adoptée par la Société des Nations (SDN) le 16 novembre
1937. La Convention n'entrera jamais en vigueur en raison de nombreuses
divergences que le texte suscitera entre les vingt-quatre États
signataires.
87 Un collège d'auteurs reconnaît
d'ailleurs, à ce sujet, que « la définition juridique du
terrorisme n'existe pas et la qualification terroriste déclenche la mise
en oeuvre d'une législation d'exception dont l'étendue est aussi
floue que la notion qui la fonde ». (dir.), Dictionnaire des droits de
l'homme, Paris, Presses universitaires de France, 2008, p. 729). Lire
aussi avec intérêt TERCINET (J) définition du terrorisme au
niveau universel », in la : Arlésienne une sur remarques
Brèves « , La sécurité internationale entre
rupture et continuité. Mélanges en l'honneur du professeur
Jean-François Ghilhaudis, Bruxelles, Bruylant, 2007, 638 p.
88 FRAYSSE-DRUESNE, « La Convention
européenne pour la répression du terrorisme », Revue
générale de droit international public, 1978, p. 990.
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antagonismes des parties en présence. En effet, comme
le dit Marco SASSOLI, « les États tentent d'inclure
dans cette définition les activités de leurs ennemis et d'y
exclure leurs propres activités et celles de leurs
alliés89». La Convention de l'Union
africaine contre le terrorisme a elle opté pour la méthode de la
formulation analytique en mettant l'accent, dans la définition du
terrorisme davantage sur le but et les effets du terrorisme que sur la
qualification des actes eux-mêmes90. C'est également
cette méthode qu'a été choisie par le législateur
CEMAC dans son dispositif de lutte contre le terrorisme91.
C'est donc dans une logique de « l'union fait la
force92» que le besoin, pour ces États, de se regrouper,
s'est fait ressentir avec beaucoup d'acuité afin de lutter contre leurs
prétention hégémoniques 93 . La
coopération sécuritaire des biens et des personnes est davantage
renforcée entre le Cameroun et le Tchad, par la possibilité du
droit de poursuite qui est offert à chacun de ces États. Ce
dernier consiste pour les forces armées de chacun desdits États,
de poursuivre les terroristes au cas où ces derniers se seraient
illégalement réfugiés sur le territoire de l'un d'entre
eux. Elle se matérialise également par le blocus de la
circulation et du commerce illégaux des armes aux frontières de
ces États, et l'empêchement de les faire pénétrer
sur leurs territoires respectifs. La coopération sécuritaire se
matérialise aussi en cas de guerre civile au sein d'un de ces
États ou encore lorsqu'un État est assailli par des rebelles,
89 M. SASSOLI, « La définition du
terrorisme et le droit international humanitaire », Revue
québécoise de droit international, 2007, pp. 29-48,
notamment p. 32.
90 Article 1(3) de la Convention de l'Union
africaine contre le terrorisme. Il est à noter que cette option a
également été, récemment, choisie par le Cameroun
qui, sans doute en raison de la menace Boko Haram qui se fait de plus en plus
pressante depuis quelques mois, a adopté la loi n° 2014/028 du 23
décembre 2014 portant répression des acte de terrorisme.
N'échappant pas à la règle, cette loi a été
l'objet de nombreuses critiques en
marge grande trop la de et mêmes, terroristes actes des
qualification de l'absence de raison de manoeuvre laissée aux
pouvoirs publics et au juge.
91 En effet, la lutte contre le terrorisme en zone
CEMAC est assurée par le règlement n° 01/03/ CEMAC-UMAC du 4
avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment des
capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale et par la
Convention entre les États membres du Comité des chefs de police
de l'Afrique centrale (CCPAC) en matière de lutte contre le terrorisme
qui a été adoptée par la CEMAC par le règlement
n° 08/05-UEAC-057-CM-13 du 5 février 2005.
92 K. NKRUMAH, parlait de « Africa must
unite » in L'Afrique doit s'unir, coll. Textes politiques,
Paris, Éditions Présence africaine, 2001, 256 pages. Il convient
de signaler que cet appel a été lancé dès 1963 avec
la parution de la première édition du livre en anglais.
93 J. FIPA NGUEPDJO, le rôle des
juridictions supranationales de la CEMAC et de l'OHADA dans
l'intégration des droits communautaires par les Etats membres,
thèse de doctorat, Université PANTHEON-ASSAS, 4 juillet
2011, p. 1.
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il peut bénéficier de l'assistance
sécuritaire de son alter égo, qui peut lui envoyer des renforts
militaires.
La coopération diplomatique entre le Cameroun et le
Tchad connaît indubitablement un renforcement sans cesse croissant. La
matérialisation première de ce renforcement se traduit dans le
cadre sécuritaire qui loin de se limiter à la
sécurité militaire, en raison de l'extension considérable
du phénomène terroriste, se traduit également par la
sécurité environnementale, qui exige une protection de
l'environnement contre diverses agressions dont elle est en permanence victime.
Le renforcement de la coopération entre ces deux États de
l'Afrique centrale au plan diplomatique est davantage manifesté, dans le
domaine judiciaire.
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