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L'artiste et la ville en Hauts-de-France. Le cas du parcours d'art contemporain d'Amiens métropole.


par Julien Cossart
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 Culture, Patrimoine et Innovations Numériques 2020
  

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III. Problématisation

48 Heinich, N. (2014). Le paradigme de l'art contemporain. Structures d'une révolution artistique. Gallimard, p. 94.

49 Ibid, p. 96.

50 Ibid, p. 60.

51 Ibid, p. 37.

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Suite à cette première approche de ma thématique par l'intermédiaire de la sociologie de l'art, nous pouvons peut-être réaliser une autre approche centrée sur la ville.

Depuis les années 1970, en France, les politiques culturelles ont connu d'importantes mutations. Dans un premier temps, nous avons assisté à une déconcentration, c'est-à-dire à l'intervention de l'Etat sur les territoires, via le Ministère de la Culture, avec les Directions Régionales des Affaires Culturelles. Suite à cette déconcentration de la culture en France, les collectivités territoriales ont aussi pris du « pouvoir culturel », une certaine autonomie dans leur prise de position culturelle au détriment de l'Etat et du Ministère de la Culture; ce que nous appelons la décentralisation, que nous pouvons illustrer avec la création des Fonds Régionaux d'Art Contemporain dans les années 1980. « Il s'agissait de proposer aux régions, nouvelles venues en tant que collectivités territoriales, d'être un niveau d'accompagnement des politiques de l'État, en abondant les dotations ministérielles dans des domaines spécifiques. »52 Les FRAC sont maintenant principalement financés par les régions. La décentralisation de la culture en France a pour intérêt de rapprocher le politique de la population, de s'inscrire sur un territoire, de faciliter les relations entre la collectivité, les acteurs culturels, les artistes et les habitants. Les politiques culturelles sont ainsi davantage territorialisées; elles ne se construisent pas selon un modèle de l'Etat mais selon un territoire53. Avec ce processus de territorialisation, la ville me paraît être une échelle pertinente pour étudier les politiques culturelles.

Dans mon cas, c'est Amiens Métropole qui m'intéresse. Amiens est la seconde ville des Hauts-de-France, après Lille, et sa métropole, qui est précisément une communauté d'agglomération, réunit 39 communes, soit près de 180.000 habitants sur près de 350 km2. La ville, comme entité, est souvent pensée, par opposition à la campagne, au milieu rural, comme un lieu où il y a tout le temps de l'activité, où il se passe des choses, des événements. L'événement est marquant, c'est ce dont nous nous souvenons. « Faire date, quel qu'en soit le moyen, c'est bien de cela qu'il s'agit. »54 Les politiques culturelles l'ont bien compris : Art & Jardins, le Festival International du Film d'Amiens, le Rendez-vous de la bande dessinée d'Amiens, La Rue est à Amiens, etc. Ce sont les événements qui animent la vie culturelle de la ville. Cependant, le Parcours d'Art Contemporain, si il est à mettre en lien avec certaines de ses directives, n'était pas prévu dans le projet culturel d'Amiens Métropole55. Il vient pourtant répondre à un manque, un manque d'art contemporain dans la métropole d'Amiens; et « il est plus facile de se projeter réellement dans l'avenir quand un territoire est marqué par ses manques ou ses retards (au regard éventuellement

52 Barone, S. (2011). Les politiques régionales en France. La Découverte, p. 140.

53 Berutti, J., Hénart, L., & Robert, S. (2008). « Vers un nouveau contrat des politiques culturelles ? ». L'Observatoire, 34(2), 3-6, p. 3.

54 Goetschel, P. (2017). « La fabrique événementielle ». L'Observatoire, 50(2), 16-18, p. 17.

55 Amiens Métropole. (2014). Projet Culture et Patrimoine 2014-2020.

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de standards nationaux ou internationaux) que lorsqu'il est saturé d'institutions et de propositions régulièrement rénovées. »56 Ce « manque » reste à définir. Des structures accueillent de l'art contemporain à Amiens; nous pouvons citer le Safran, avec un espace dédié à l'art, le Carré noir, le FRAC Picardie, centré sur le dessin, le Musée de Picardie, sa collection restant « timide », ou encore la Maison de la Culture. En ce qui concerne les espaces marchands, aucune galerie à dimension contemporaine n'est réellement présente sur le territoire amiénois; citons l'Imprimerie qui expose quelques oeuvres picturales ou encore la mise à disposition d'un espace d'exposition pour les artistes de la part de l'Amiens Athletic Club. Face à ce constat, en 2018, une décision a été prise par la Direction de l'Action Culturelle et du Patrimoine d'Amiens Métropole, celle de développer la structuration des acteurs des arts visuels; une décision qui a notamment abouti à la création d'un nouveau poste, celui de chargé de projets Patrimoine et Arts Visuels. C'est donc avec Fabiana De Moraes, la chargée de projets Patrimoine et Arts Visuels, que nous avons pu revenir sur la place de l'art contemporain à Amiens. « Il y a pas beaucoup de place pour l'art contemporain à Amiens. Ce parcours d'art contemporain va naître aussi pour combler ce trou, cette lacune dans ce territoire. On a des lieux, bien sûr, qui exposent l'art contemporain, mais de manière pas articulée, pas coordonnée. »57 Ce parcours est aussi une manière de mettre en réseau les structures pouvant exposer de l'art contemporain sur le territoire. La création d'un tel événement va alors donner de la visibilité à l'art contemporain à Amiens. Je vais maintenant présenter ce Parcours d'Art Contemporain.

Après une première édition en 2018, elle-même sur la thématique «Art, territoires et mutations», la seconde édition du Parcours d'Art Contemporain, « Art, territoires : créer et habiter »58, devait se dérouler du 13 novembre au 16 décembre 2020 dans divers espaces, 18 pour être précis, de la métropole d'Amiens; citons-en quelques uns ici, de manière arbitraire : le Centre Social et Culturel Etouvie, la Maison de l'Architecture, le FRAC Picardie, le Musée de Picardie ou encore la Maison de la Culture. Durant ce mois, des ateliers et rencontres étaient aussi prévus; telles que des conférences-débats. La thématique de cette édition propose de penser la relation entre l'Homme et son environnement; l'appropriation, par la création, de l'espace; l'interaction entre l'art et la « communauté ». « Il y a un impératif, c'est que les artistes doivent se tourner vers les habitants et doivent proposer des démarches participatives, inviter les habitants à participer; soit à la réalisation, soit à un moment de médiation de l'oeuvre. Il faut que les habitants soient là au bout d'un moment. Il faut que les gens soient mobilisés autour d'un projet artistique. »59 La question de

56 Teillet, P. (2008). « Les projets culturels urbains au prisme de la métropolisation ». L'Observatoire, 34(2), 21-23, p. 22.

57 Entretien avec Fabiana De Moraes

58 Amiens Métropole. (2019). Appel à candidature.

59 Entretien avec Fabiana De Moraes

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la ville dans l'oeuvre d'art n'est pas nouvelle. « Dans les années soixante-dix, des expositions ont signalé l'ancrage des oeuvres exposées dans la culture locale urbaine, mettant en vue des oeuvres dont le propos était la ville elle-même. »60 De même, depuis le début des années 2000, les artistes interviennent dans la vie sociale de la ville, de ses habitants61. Dépassée est la conception de l'artiste créateur, qui ne vit que pour l'art, dans son atelier, seul. L'artiste doit maintenant prouver l'utilité de son travail; par exemple en intervenant en milieu scolaire. Chaque intervention de l'artiste est ainsi une manière de questionner son utilité sociale; « il ne s'agit plus, pour le praticien d'art, de viser la pérennité de sa personne artiste par la réalisation d'une potentielle oeuvre susceptible de se révéler par des publics futurs, mais de se construire socialement dans ce qu'il peut apporter aux autres par l'exercice de pratiques artistiques. »62

De la même manière que la politique culturelle d'Amiens Métropole, à travers le Parcours d'Art Contemporain, demande à l'artiste de questionner la relation de l'Homme à l'espace qui l'entoure, je questionnerai aussi l'artiste sur sa manière d'habiter la ville, d'investir ses espaces. Les questions que je poserai seront les suivantes : Quel propos l'artiste porte-t-il sur la ville ? Quelle conception de la ville révèle sa démarche artistique ?

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