II. Une instrumentalisation de l'artiste ?
En dehors de l'inscription du Parcours d'Art Contemporain dans
un contexte qui est celui d'une dynamique municipale en faveur de l'art
contemporain, il peut être intéressant de relever la
manière par laquelle la ville peut instrumentaliser l'artiste, «
ils [les maires] se sont saisis de la culture comme d'un levier
à (presque) tout faire des politiques locales, en matière de
cohésion sociale, de communication, mais surtout de développement
territorial et économique »244; pour citer notre
directeur de mémoire, Fabrice Raffin. « La
transversalité de la compétence culturelle »245
constitue d'ailleurs une partie du Projet Culture et Patrimoine 2014-2020
d'Amiens Métropole. Précisons que la culture ne peut se
réduire à l'art et que, si je passe de la culture à
l'artiste, ce n'est que par extension et par rapport à mon point de
départ qui est le rapport entre l'artiste et la ville.
Le plasticien, en intervenant dans le Parcours d'Art
Contemporain, participe à l'attractivité urbaine, à la
communication externe de la ville. Pour Amiens Métropole,
l'événement s'inscrit dans l'envie de se montrer au niveau
national dans le domaine des arts visuels; c'est d'ailleurs une des
propositions présentées dans le Projet Culture et Patrimoine
2014-2020246. Nous pouvons peut-être supposer que,
à partir d'un événement centré sur l'art
contemporain, la ville tente d'attirer une certaine population susceptible de
s'intéresser à sa vie culturelle. Avec l'aide de Laurent
Babé, situons les publics de l'art contemporain247.
D'après une enquête menée sur des déclarations en
2008, parmi les personnes allant dans les musées d'art moderne ou
contemporain, 27% appartiennent à la catégorie
socioprofessionnelle « Cadres et professions intellectuelles
supérieures » alors que ces derniers ne représentent
que 9% de la population française en 2008248. De la
même manière, « on a davantage fréquenté
une galerie dans sa vie quand on relève des CSP cadres et professions
intellectuelles supérieures, professions intermédiaires,
artisans/chefs d'entreprise ou encore étudiants, et si l'on habite dans
des villes de plus de 100 000 habitants et en
242 Demilly, J. (2020, 26 octobre). « Pascal Neveux :
«Faire du Frac une pépinière d'artistes» ». Le
Courrier Picard, 42.
243 Ibid.
244 Raffin, F. (2020, 8 juin). Politiques culturelles :
comment les maires reprennent la main. The Conversation.
245 Amiens Métropole. (2014). Projet Culture et
Patrimoine 2014-2020, p. 35.
246 Ibid, p. 21.
247 Babé, L. (2012, octobre). Les publics de l'art
contemporain - Première approche : Exploitation de la base
d'enquête du DEPS « Les pratiques culturelles des Français
à l'ère du numérique - Année 2008 »
(No 6-02). Repères DGCA.
248 Ibid, p. 5.
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région parisienne. »249
L'événement visant à l'attractivité de la ville,
nous avons là un aperçu des populations qui pourraient venir
investir la ville d'Amiens à l'occasion du Parcours d'Art Contemporain;
en considérant que tel est son intention, ce que je ne peux affirmer.
En revanche, ce que je peux affirmer, c'est que la culture
s'insère dans la politique de la Ville. Dans un premier temps, nous
pouvons le lire sur le Projet Culture et Patrimoine 2014-2020 d'Amiens
Métropole; « La culture, une composante importante de la
politique de la Ville »250. Ensuite, mon terrain
d'enquête m'a montré cette articulation. Dans le cadre du Parcours
d'Art Contemporain, les plasticiens sont liés à des structures
avec lesquelles ils travaillent et/ou dans lesquelles ils exposeront. Ces
structures culturelles, réparties sur le territoire d'Amiens
Métropole, permettent aux artistes d'intervenir dans diverses parties de
la ville (« C'est plutôt de cette manière là que
les artistes du Parcours vont intégrer cette politique de la Ville, des
questions plus sociales, c'est par le biais de ces structures
intermédiaires. »251). Ainsi, à travers ces
structures, si cela ne provient pas de la propre démarche des artistes,
ces derniers vont être inclus au sein de projets sociaux ou
socio-culturels; et, pour citer un exemple, rencontrer des associations
locales. De là à considérer l'artiste comme un travailleur
social ? Si les proximités sont réelles entre l'art et le travail
social252, il n'y a qu'un pas que je ne suis pas en capacité
de franchir à partir de ce que j'ai pu voir durant mon enquête de
terrain. Cependant, au cours de ce mémoire, j'ai pu parler de l'artiste
comme d'un acteur de la démocratisation culturelle; je
développerai ce point dans la partie suivante.
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