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L'artiste et la ville en Hauts-de-France. Le cas du parcours d'art contemporain d'Amiens métropole.


par Julien Cossart
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 Culture, Patrimoine et Innovations Numériques 2020
  

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III. L'art contemporain pour tous ?

La culture et, par extension, l'artiste sont souvent utilisés comme une manière de créer du lien social; nous pouvons voir cela dans le Projet Culture et Patrimoine 2014-2020 d'Amiens Métropole, qui est composé d'une partie « La politique culturelle comme un élément de la cohésion sociale »253. Pour reprendre un article de Fabrice Raffin, nous pouvons commencer à déconstruire l'idée que la culture est la solution à tout les problèmes sociaux. A partir d'une pratique culturelle, c'est une appartenance sociale ou encore une identité qui s'expriment. La culture peut réunir autant qu'elle peut être une source d'opposition. « Dire ce que je suis, ce que je pense, à travers un objet esthétique quel qu'il soit, c'est générer potentiellement l'adhésion autant que le conflit, parfois la haine. Si lien social il y a, il peut être positif comme conflictuel, selon différentes intensités. »254

249 Babé, L. (2012, octobre). Les publics de l'art contemporain - Première approche : Exploitation de la base d'enquête du DEPS « Les pratiques culturelles des Français à l'ère du numérique - Année 2008 » (No 6-02). Repères DGCA, p. 2.

250 Amiens Métropole. (2014). Projet Culture et Patrimoine 2014-2020, p. 35.

251 Entretien avec Fabiana De Moraes

252 Bayer, V., & Doumergue, D. (2014). « Le travail social au risque de l'art ». Vie sociale, 5(1), 145-162.

253 Amiens Métropole. (2014). Projet Culture et Patrimoine 2014-2020, p. 35.

254 Raffin, F. (2020, 24 février). Débat : Trois idées (fausses) à l'origine des politiques culturelles françaises. The Conversation.

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Par ailleurs, dans ce même article, il est aussi question de la demande culturelle à laquelle tente de répondre les collectivités territoriales avec des événements dans l'espace public tels que le Parcours d'Art Contemporain. Cette demande culturelle provient-elle des habitants de la ville d'Amiens ? Mon entretien avec Fabiana De Moraes me permet de répondre que non. Dans un premier temps, la demande culturelle est celle des acteurs de l'art contemporain, dont les artistes (« C'était une initiative qui vient combler ce besoin, ce besoin qui est clair de la part des acteurs, pour essayer de dire aux artistes, aux acteurs culturels de manière générale, « On s'occupe de vous aussi. ». »255).

Mais ce qui m'intéresse ici, car cela me permettra d'expliquer en quoi l'artiste devient un acteur de la démocratisation culturelle, est de montrer les logiques qui définissent les politiques culturelles. Si la culture peut être utilisée à des fins de cohésion sociale, c'est que les politiques culturelles partent d'une définition de la culture dans laquelle ce qui est reconnu comme une oeuvre d'art devrait être universel. Partant de cette définition de la culture, qui se réduit alors à l'art « institutionnel », les politiques culturelles s'inscrivent dans une volonté de démocratisation culturelle, c'est-à-dire qu'elles tendent à étendre la culture à des populations qui n'auraient pas accès à cette dernière; et les artistes sont parmi les premiers intermédiaires de cette démocratisation intermédiaire.

Au cours de ce mémoire, j'ai relevé les interventions récurrentes des artistes dans l'espace public. Parmi ces interventions, une part conséquente se déroule en milieu scolaire. Pour donner un exemple illustrant assez bien la situation, Rémi Fouquet, un des plasticiens du Parcours d'Art Contemporain mais aussi professeur d'arts plastiques, m'expliquait la méconnaissance de ses élèves par rapport à l'art contemporain et l'importance de la médiation (« Il y a un rapport qui est particulier avec l'art contemporain; parce qu'il y a aussi de la méconnaissance. Je le vois par rapport à des élèves que je peux avoir, c'est « Quelqu'un qui fait de l'art contemporain, on comprend rien et puis ça vaut des millions ». On lutte comme on peut mais il y a un travail de médiation qui est à refaire derrière, ça c'est sûr. Pourtant, il y a quand même aujourd'hui des dispositifs, les CLEA, les résidences, etc, où on montre bien aux habitants, aux enfants, aux partenaires, que un artiste c'est pas que quelqu'un qui est représenté par une galerie à Paris ou à New York. »256). En effet, la médiation de l'art contemporain auprès du jeune public peut être considéré comme le premier vecteur d'une démocratisation culturelle; cela a d'ailleurs été le thème de la première rencontre professionnelle maintenue dans le cadre du Parcours d'Art Contemporain. Pour reprendre les mots de Nathalie Heinich, le jeune public peut apprécier l'art contemporain dans

255 Entretien avec Fabiana De Moraes

256 Entretien avec Rémi Fouquet

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la mesure où il est « vide » de toute acculturation257. Ainsi, c'est par l'intermédiaire des artistes mais aussi en ciblant le milieu scolaire que les politiques culturelles « instrumentalisent » l'artiste, qui devient donc un acteur de la démocratisation culturelle visée. « Je crois qu'un artiste en milieu scolaire, un artiste qui met des enfants face à des pots de peinture, c'est la meilleure manière de sensibiliser ces publics là. Et, un parcours d'art contemporain, ça va forcément mobiliser et créer plein de situations de contact de la population avec les arts. »258 me confiait Fabiana De Moraes.

Durant cet entretien avec Fabiana De Moraes, cette dernière m'expliquait aussi que, ce qu'il manque dans la ville d'Amiens, ce sont des structures qui accordent une médiation entre les oeuvres d'art et les publics, des structures qui confrontent ces publics à un discours leur permettant « le déchiffrage de contenus artistiques »259; autant d'éléments qui montrent que l'art contemporain, et l'événement qu'est le Parcours d'Art Contemporain, s'inscrit davantage dans une logique de démocratisation culturelle que dans une logique de démocratie culturelle. Bien que les habitants d'Amiens aient eu l'opportunité de participer à la réalisation de certaines oeuvres, nous sommes là encore dans « la conversion du grand nombre au culte et à la fréquentation de l'art savant, et solidairement le soutien au renouvellement de l'offre, [qui] consolide d'abord le pouvoir des professionnels de la création »260 et non dans « la déconstruction, l'abolition ou l'inversion des divisions hiérarchisantes sur lesquelles est fondée la domination de la culture savante »261 pour reprendre Pierre-Michel Menger.

Pour tenter une ouverture, il aurait été intéressant de recueillir l'avis des spectateurs sur les oeuvres d'art contemporain exposées au cours de l'événement. Cela aurait pu me permettre de compléter mon mémoire avec une autre entrée; après celle des plasticiens et, dans une moindre mesure, celle des politiques culturelles. Concernant cette proposition, j'avais prévu de questionner quelques spectateurs durant le Parcours d'Art Contemporain; de manière informelle car, de toute évidence, les délais ne m'auraient pas permis de réaliser une véritable enquête, même si les expositions du Parcours d'Art Contemporain avaient été maintenues.

Un dernier point de ce Parcours d'Art Contemporain est à relever, un point que je ne savais pas où positionner dans ce mémoire mais qui a pu me provoquer une certaine réflexion. Dans un premier temps, l'événement se présente comme un parcours; cependant, aucun tracé ne définit ce parcours qui, par ailleurs, n'est pas réalisable à pied en une après-midi au vu de la répartition des

257 Agora Des Savoirs. (2015, 12 mai). Agora des Savoirs - Nathalie Heinich - L'art contemporain : une révolution artistique ? [Vidéo]. YouTube.

258 Entretien avec Fabiana De Moraes

259 Ibid.

260 Menger, P. (2009). Le travail créateur. S'accomplir dans l'incertain. Gallimard, p. 896.

261 Ibid.

lieux d'exposition. La notion même de Parcours d'Art Contemporain est donc à remettre en question. Mais, ce qui est aussi à soulever, c'est que les oeuvres, pour une immense partie, seront exposées à l'intérieur de structures culturelles. Nous pouvons peut-être questionner l'accessibilité de ces oeuvres pour les publics, ou, pour être précis, les non-publics, qui n'entrent pas dans ces espaces. Il aurait été intéressant, ne serait-ce qu'en se promenant dans la ville, que les oeuvres soient davantage visibles par tous et non réservées, à quelques exceptions près, à des espaces consacrés à l'art (« J'aime bien, au contraire, qu'une pièce puisse exister ailleurs que dans un lieu d'art en fait. J'aurais peut-être tendance à dire que l'art il est peut-être partout sauf dans les musées quoi; si j'extrapolais un peu, ce qui n'est pas vrai. J'aime bien qu'une pièce puisse être, par exemple, dans un lieu qui n'est pas fait pour ça. »262).

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262 Entretien avec Nicolas Tourte

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein