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L'artiste et la ville en Hauts-de-France. Le cas du parcours d'art contemporain d'Amiens métropole.


par Julien Cossart
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 Culture, Patrimoine et Innovations Numériques 2020
  

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3. La ville par opposition à la nature

Au cours de mes entretiens, j'ai aussi été témoin d'un propos sur la ville dans lequel cette dernière s'opposerait, en quelque sorte, à la nature. C'est une vision que j'ai entendu, dans un premier temps, au cours de mon entretien avec Nicolas Tourte. Si les oeuvres qu'il présentera au cours du Parcours d'Art Contemporain ne traitent pas directement de ce propos, la conception qu'il a de la ville relève d'une recherche d'harmonie avec une nature qui serait peu présente. L'artiste nous a ainsi présenté une conception organique de la ville, dans laquelle les artères seraient les principaux axes de la ville et les poumons seraient ses parcs (« Je trouve que, les villes, c'est de plus en plus horrible. J'aurais tendance à donner une vision très pessimiste de la ville, même si, à un moment donné, on peut s'y amuser, etc. Par exemple, une rue sans arbres, ça me déprime. Pour reprendre un terme de biologie, il y a pas d'osmose en fait, ça manque de symbiose. Et, moi, la ville, je la conçois comme ça. Je pense que, si il y a un avenir pour l'humanité, c'est dans le développement d'une symbiose avec la nature au sein de la ville; ce qui paraît pas encore compris. »218).

217 Entretien avec Franck Kemkeng Noah

218 Entretien avec Nicolas Tourte

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Le travail de Daniela Lorini s'inscrit aussi dans ce propos sur la ville. La ville serait une construction de l'Homme sur un espace naturel, un espace naturel que l'Homme détruirait en même temps qu'il construit la ville (« Malheureusement, les êtres humains ... Quand on arrive à un endroit, on détruit tout. Quand tu construis une ville, tu détruis presque tout ce qui était avant. »219). Daniela Lorini a ainsi réalisé son post-master sur l'environnement et les thématiques récurrentes de son travail sont en lien avec cela; l'utilisation des ressources naturelles, la perte de la biodiversité. Dans sa propre démarche artistique, l'artiste m'expliquait utiliser des matériaux qui ont le moins d'impacts sur la nature, des matériaux qu'elle peut réutiliser, recycler.

L'oeuvre que Daniela Lorini exposera dans le cadre du Parcours d'Art Contemporain, Le chant des vers, est une installation plastique et sonore. L'intérêt de la plasticienne porte sur le monde souterrain des Hauts-de-France, de sa biodiversité, des êtres qui vivent dans ce sol. Durant 6 mois, avec l'aide de scientifiques et d'étudiants de l'Université de Lille, Daniela Lorini a recueilli, à partir de leur sol, les sons de 5 sites situés dans les Hauts-de-France : une ancienne usine de métallurgie, un champ d'agriculture biologique, un champ d'agriculture conventionnelle, une prairie et une prairie située à côté d'une autoroute. Cette recherche, par éco-acoustique, lui a permis de saisir les conséquences des activités humaines sur la biodiversité du sol; notamment de la pollution sonore liée à la circulation. Certains des sons présents dans l'oeuvre ont ainsi dû être produits en laboratoire.

Le chant des vers racontée par Daniela Lorini

« L'oeuvre, c'est une sorte d'escargot, de 3 mètres de diamètre sur 3 mètres d'hauteur, où ils ont posé 24 haut-parleurs et vibrateurs. Et, à l'intérieur de l'oeuvre, il y a ... Ils ont accroché 5 troncs d'arbres, que j'ai récupéré, j'ai pas tué un seul arbre, j'ai récupéré les troncs et j'ai fait un trou dans chaque tronc; et, le tronc, c'est le canal qui nous communique à l'extérieur. Le cylindre de 3 mètres, c'est l'espace intérieur, dans le sol, et, quand on rentre dans le cylindre, on voit qu'ils sont accrochés, les troncs, que ça forme les canals que font les vers de terre; donc ça sous-entend que le ver de terre fait le canal et il nous communique avec l'extérieur. »220

L'installation de Daniela Lorini est alors le résultat d'une recherche cherchant à démontrer l'impact de l'Homme sur son environnement à partir de la comparaison de 5 sites et des sons qu'elle a pu en entendre. Pour reprendre les mots de la plasticienne, à partir d'une immersion dans le monde

219 Entretien avec Daniela Lorini

220 Ibid.

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souterrain, l'oeuvre est une manière de montrer comment l'être humain transforme son milieu naturel; en relevant notamment l'impact de l'industrie et l'importance des espaces naturels pour préserver la faune du sol. Nous pouvons remarquer que l'installation ne permet pas, en soi, de saisir cette recherche, ce travail de sensibilisation. C'est pour cela que, à l'occasion du Parcours d'Art Contemporain, Daniela Lorini expliquera le processus de recherche durant des conférences et visites qui auront lieu autour de l'installation; qui sera elle-même exposée à l'Ecole Supérieure d'Art et de Design d'Amiens.

Si Le chant des vers essaie de sensibiliser le spectateur à l'impact de l'Homme sur son environnement, Marion Richomme, de la même manière que Nicolas Tourte dont je parlais au début de cette sous-partie, essaie, par la sculpture en céramique, de représenter la ville en croisant ce qui relèverait de l'activité naturelle et de l'activité humaine. Elle me donnait pour source d'inspiration le cas d'Angkor, au Cambodge; où architecture et éléments naturels sont étroitement liés. Ainsi, durant l'événement, la plasticienne exposera 2 colonnes au Centre Social et Culturel d'Etouvie. Ces colonnes seront une fusion entre des colonnes antiques, telles que nous pouvons nous les représenter, et des formes naturelles, telles que des arbres.

L'oeuvre racontée par Marion Richomme

« Je vais présenter 2 colonnes au CSC Etouvie, 2 colonnes qui font 2 mètres 50 de haut et qui sont à mi-chemin entre des formes naturelles, issues du vivant, parce qu'une grosse partie de mon travail touche à ça, aux motifs issus de la nature que je peux utiliser, me réapproprier et transformer; en jouant sur l'ambiguïté entre motifs artificiels et motifs naturels. A la fois ça peut ressembler à des arbres ou des motifs de stalagmites ou des choses comme ça, qui rappellent le vivant, et, en même temps, on est dans une forme très architecturale de la colonne antique avec des fioritures, presque de l'ordre de la moulure quoi. Je joue sur cette ambiguïté là parce que, en fait, tout mon travail c'est pas de reproduire quelque chose qui existe déjà dans la nature, en disant "C'est ça et c'est pas autre chose.", mais plutôt d'aller vers des mélanges de plusieurs choses qui restent un peu non identifiables au final; on dit "Ah ça me rappelle quelque chose mais je sais pas exactement quoi; ça me fait penser à ça mais c'est pas tout à fait ça.", tu vois. » 221

Outre cette recherche d'harmonie entre une architecture, provenant de l'Homme, et une nature, la sculpture de Marion Richomme établit un lien avec son propre espace d'exposition et, par

221 Entretien avec Marion Richomme

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extension, avec la ville d'Amiens. En effet, les colonnes, qui seront exposées au Centre Social et Culturel d'Etouvie, seront une référence, un renvoi, à La porte bleue de Didier Marcel. La porte bleue est une oeuvre, des colonnes aussi, située sur le parterre devant le CSC Etouvie. Les colonnes de Marion Richomme répondent donc, en quelque sorte, à la ville d'Amiens; elles établissent un rapport à la ville, l'utilise comme déclenchement d'une démarche artistique.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery