2. Dessiner la ville
Suite à l'habitat, je peux en venir à la ville
telle qu'elle peut être représentée par les artistes.
Ainsi, au cours du Parcours d'Art Contemporain, Aude Berton exposera une
série de 3 dessins muraux qu'elle a réalisé durant le
premier confinement; ces dessins portant sur des architectures. Gabriel Folli
part aussi de la ville pour réaliser certaines de ses oeuvres. A
l'occasion du Parcours d'Art Contemporain, il créera d'ailleurs des
oeuvres avec des étudiants à partir d'observations, de croquis;
laissant aussi entrevoir la possibilité d'une exposition en
extérieur (« L'intérêt ce sera de faire attention,
d'observer, de prendre le temps tu vois, d'observer l'architecture, même
de se poser dans un parc avec les gens par exemple, de faire du croquis, de la
végétation, l'architecture, et pourquoi pas même travailler
directement dans la rue tu vois, pas que en atelier en intérieur par
exemple. Donc on peut utiliser la ville pour vraiment créer dans la
ville, ça peut être aussi des oeuvres qui soient exposées
dans la rue tu vois. »214). Observer, se poser, prendre le
temps, réaliser des croquis. Gabriel Folli essaie, de cette
manière, de porter une nouvelle vision de la ville pour ses habitants;
n'étant pas dans le cadre habituel de la vie quotidienne mais dans un
temps de création artistique. Dans sa démarche artistique,
Gabriel Folli prend la ville en photo, la redessine, mêle d'anciennes
représentations de la ville à de nouvelles (« C'est
remettre à jour aussi des lieux auxquels on prête plus attention,
ou des gens, ou des événements. Et puis on est tellement dans un
flot d'images aussi donc le travail sur l'image il est intéressant parce
que la question c'est « Qu'est-ce qu'on fait de l'image ? ». C'est un
travail aussi qui mêle les temporalités parce que
213 Entretien avec Aude Berton
214 Entretien avec Gabriel Folli
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c'est un travail sur un présent, le passé,
l'avenir; ça mêle tout ça quoi. »215).
La ville, souvent caractérisée par son activité, est
alors, en étant représentée de cette manière, mise
à l'arrêt. Pourtant, s'arrêter sur cette dernière
peut permettre de la comparer à elle-même dans ses
évolutions, ses mouvements, en-dehors de l'impression de n'être
qu'un espace dans lequel s'inscrit la vie quotidienne. Une partie des oeuvres
de Gabriel Folli seront exposées à la Maison de la Culture,
où sera aussi exposée une fresque réalisée avec des
étudiants, d'autres le seront à l'Imprimerie et l'artiste
participera aussi à une exposition collective à la Maison de
l'Architecture.
Quant à Franck Kemkeng Noah, sa manière de
représenter la ville provient de son parcours. En effet, au cours de
notre entretien, durant lequel il a pu me montrer quelques unes de ses oeuvres,
l'artiste m'expliquait avoir eu du mal à « construire » son
travail, à lui donner une orientation. Ce sont alors des rencontres qui
lui ont permis de donner un sens à ses oeuvres. Dans un premier temps,
à l'UFR des Arts de l'Université de Picardie Jules Verne, il a
rencontré sa directrice de mémoire. Cette dernière lui a
ainsi conseillé, au-delà de croiser les diverses pratiques qu'il
avait, c'est-à-dire la mode, la peinture et la sculpture, de fusionner
la culture traditionnelle africaine et la culture européenne. Dans la
continuité de cette recherche d'hybridité, Franck Kemkeng Noah,
au cours d'un stage à la Maison de la Culture d'Amiens, va rencontrer
Fabiana De Moraes, chargée de projets Patrimoine et Arts Visuels
d'Amiens Métropole donc, qui va l'amener à construire son travail
autour du Manifeste anthropophage, écrit par Oswald de Andrade
en 1928, et à se poser des questions sur son origine et sa
manière de la représenter; d'une part, en France, d'une autre,
dans ses oeuvres (« Elle va me dire « Toi, en tant qu'africain,
comment est-ce que tu te représentes aujourd'hui en France ? Comment
est-ce que, toi, tu mets ta culture en valeur dans cet environnement-ci ?
» »216). Dans les oeuvres que l'artiste m'a
montré, des peintures sur tapis, je remarquais alors des personnages
représentés dans des tenues de danses traditionnelles africaines,
avec des couleurs vives, et, autour d'eux, des éléments
architecturaux représentés en noir et blanc. C'est de cette
manière que Franck Kemkeng Noah représente la fusion entre
l'Afrique, à travers ses danses traditionnelles camerounaises, et
l'Europe, à travers son architecture. Les oeuvres qu'il exposera au
cours du Parcours d'Art Contemporain, à l'Auberge de Jeunesse ainsi
qu'à l'Espace Culturel Nymphéa de Camon, s'inscriront dans ce
travail.
Les oeuvres racontées par Franck Kemkeng Noah
« Pour le Parcours d'Art Contemporain, je vais
présenter 3 oeuvres. Il y en a d'abord 2, qui sont
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215 Entretien avec Gabriel Folli
216 Entretien avec Franck Kemkeng Noah
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sûres, mais j'ai envie de faire une
troisième. Les 2 c'est des peintures sur tapis, où une ça
serait la cathédrale, parce que c'est un truc qui est vraiment un peu
symbolique de la ville d'Amiens, et la tour Perret. Voilà les 2 que je
vais peindre, qui seront exposées à Camon pendant la
période du Parcours d'Art Contemporain. Et là, sur la
cathédrale, je vais peindre justement une danse qui est, un peu, chez
nous ... Chez nous, en fait, la culture est liée à la religion,
aux croyances; donc je vais essayer de créer cette fusion là
entre une croyance traditionnelle africaine et une croyance propre à
l'Occident. C'est ça que je vais créer, au niveau de la
cathédrale, et, au niveau de la tour Perret, je vais peindre une danse
festive, parce que c'est un monument à côté de la gare,
tout le monde y passe, c'est un peu comme un carrefour, un lieu de passage, les
routes ... »217
Dans les peintures sur tapis de l'artiste, la ville est donc
représentée par l'intermédiaire de ses monuments, des
monuments qui permettent de l'identifier. Mais la ville, et notamment Amiens
dans le parcours de Franck Kemkeng Noah, est encore en interaction avec
l'individu qui l'habite, elle est un espace où s'inscrit une personne
qui peut venir d'ailleurs avec sa propre culture, ses propres
références. De manière similaire à la
démarche de Violette Mortier, les oeuvres de l'artiste posent la
question de l'identité.
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