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L'artiste et la ville en Hauts-de-France. Le cas du parcours d'art contemporain d'Amiens métropole.


par Julien Cossart
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 Culture, Patrimoine et Innovations Numériques 2020
  

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IV. Représenter la ville

Si la totalité des artistes du Parcours d'Art Contemporain, ou au moins les 10 artistes que j'ai rencontré sur les 12 au total, interviendront auprès des publics au cours de l'événement, une importante partie des oeuvres qui seront exposées n'inclut pas de démarche participative. Néanmoins, elles portent un propos sur la ville; c'est ce que nous allons voir dans cette partie.

1. La ville à l'échelle de l'habitat

Au début de ce chapitre, je parlais de l'habitat, qui peut être une première échelle pour penser notre rapport à l'espace. C'est aussi à cette échelle que Katerini Antonakaki a pensé les oeuvres qu'elle exposera au cours du Parcours d'Art Contemporain (« La ville .. C'est plutôt encore l'unité de la maison. Donc, la maison, c'est dans la ville, mais tout les projets sont plus ... Évidemment, ça renvoie à la ville une maison; mais la préoccupation part de la maison. »208). Avant même la ville, la maison est un premier « contenant », un espace dans lequel nous vivons et que nous investissons.

Katerini Antonakaki a des parents architectes et me confiait, en conséquence, avoir une certaine vision du maniement de l'espace du quotidien; ne serait-ce que penser au courant d'air dans la maison, à la circulation pour que les personnes puissent se rencontrer. Par la suite, la scénographe s'est rendue compte de l'omniprésence de l'espace, de la maison principalement, dans ses travaux. Ses oeuvres s'intéressent ainsi à l'interaction entre la maison et son habitant; comme son travail en février 2020 sur la thématique « Habiter un corps, un espace, un monde ». L'association La Main d'Oeuvres, par l'intermédiaire de Katerini Antonakaki, traite alors de l'Homme de son quotidien (« Et à La Main d'Oeuvres, c'était affirmé dans tout mes projets, la question de l'habitat, de la maison, du quotidien, une espèce de philosophie de la place de l'Homme dans son environnement du quotidien. »209).

207 Heinich, N. (2014). Le paradigme de l'art contemporain. Structures d'une révolution artistique. Gallimard, p. 96.

208 Entretien avec Katerini Antonakaki

209 Ibid.

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Pour en venir à ses oeuvres du Parcours d'Art Contemporain, Katerini Antonakaki en présentera 3; toutes étant des oeuvres plastiques. La première, Instants Minuscules, sera composée d'une maison, dessinée, ainsi que de 26 scènes de vie suspendues et d'autant de textes en lien avec ces scènes de vie. Instants Minuscules sera exposée à la Bibliothèque d'Amiens. La seconde, Moving House, sera une maquette de maison cinétique, mouvante, dans laquelle aucun individu ne sera présent. Cependant, dans les pièces de la maison, des éléments de la maquette seront en mouvement, attisant la curiosité du spectateur qui est invité à se projeter dans l'oeuvre. Moving House sera exposée à la Maison de l'Architecture et sera, à travers la vitrine de la Maison de l'Architecture, visible de l'extérieur. La dernière oeuvre, Forêt de Murmures, sera une installation, une petite maison à traverser, où images et sons renverront, d'une certaine manière, à la vie quotidienne. Forêt de Murmures sera exposée au Centre Culturel Léo Lagrange.

Les oeuvres racontées par Katerini Antonakaki

« Donc, à la Bibliothèque d'Amiens, il y aura une partie qui s'appelle Instants Minuscules; ce sont des oeuvres créées avec du papier, du fil de fer, des plaques d'alu, des dessins, des collages. Donc ça se présente sur un motif qui est une petite maison, comme un enfant qui dessinerait une maison, avec des déclinaisons de situations suspendues, des choses qui peuvent inviter le spectateur, celui qui regarde, à se mettre dedans, comme une oeuvre, comme un tableau. Donc il y en a vingt-six, c'est comme les lettres de l'alphabet, c'est un sous-titre, "L'abécédaire d'espaces", au pluriel. Chaque petite maison, situation, scène, est accompagnée par un petit texte en trois lignes qui est en rapport avec la scène. Donc ça sera présenté, c'est 9 bandes de 70 centimètres sur 14 qui sont présentées et, dessus, il y a toutes ces maisons. Donc, ça, c'est le premier volet. Le deuxième c'est à la Maison de l'Architecture. C'est une maquette cinétique où il y aura une maison, construite en maquette donc, je ne sais pas, d'1 mètre 20 à peu près. Elle sera présentée en vitrine de la Maison de l'Architecture, on pourra regarder de dehors. C'est une maison où il se passe des choses un peu bizarres, parce qu'elle est vide, il n'y a personne qui y habite, mais les choses bougent, c'est un hommage à l'absence. Ça s'appelle Moving House. Du coup, dans chaque pièce, il y a un petit événement, avec des mécanismes, ça bouge en boucle. Donc, là-dedans, le spectateur est invité à regarder un peu et mettre dedans des émotions, des choses que, lui, il a éprouvé, surtout en ce moment, avec l'appréhension et l'apprivoisement de la maison, on y est resté beaucoup de temps. Puis, le troisième volet, c'est au Centre Culturel Léo Lagrange et c'est une serre à images, ou à sons; ça s'appelle Forêt de Murmures. C'est une installation interactive où on traversera une

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petite structure de maison et on pourra regarder, entendre les sons du quotidien, mais qui sont un peu transgressés, un peu poétiques. C'est requestionner le sens de l'habitat; habiter, habitat, habit. »210

Dans le travail de Katerini Antonakaki, la démarche artistique part de l'habitat. Au cours de notre entretien, la question a alors été posée de savoir en quoi ces oeuvres pouvaient être liées avec la ville d'Amiens; l'artiste m'expliquant, par exemple, que les 26 scènes suspendues dans Instants Minuscules seraient inspirées de sa propre vie. Cependant, l'installation Forêt de Murmures sera une manière d'inclure des éléments de la ville; mais, comme pour l'oeuvre de Louis Clais, cela sera implicite. Ainsi, les sons qui seront émis par l'installation proviendront donc d'Amiens (« Oui, ça, par contre, ça sera des enregistrements de la ville; d'ici, de la nature, de la ville. Maintenant, est-ce qu'on les reconnaîtra ? Je ne sais pas. J'essaie plutôt de partir de quelque chose de précis et d'aller vers quelque chose de plus universel que le contraire. Du coup, Amiens sera très présente comme ville, mais on ne la reconnaîtra pas. »211).

Des rencontres sont aussi prévues; au moment de notre entretien, Katerini Antonakaki évoquait des ateliers avec une association ainsi qu'avec des adhérents du Centre Culturel Léo Lagrange. Par ailleurs, l'installation Forêt de Murmures sera liée à un spectacle et, durant le Parcours d'Art Contemporain, les visiteurs auront l'occasion d'assister aux répétitions de ce spectacle, de voir un « work in progress » pour reprendre le terme utilisé par Katerini Antonakaki en entretien.

C'est aussi sur la question de l'habitat que reposent les oeuvres de Aude Berton; dont j'avais parlé à l'occasion de son travail sur les favelas. Une partie des oeuvres qu'elle exposera au cours de l'événement, à la Maison de l'Architecture, seront des sculptures réalisées en plâtre; ou des séries de sculptures, car c'est la reproduction de sculptures à partir d'un moule qui intéresse la plasticienne. Les sculptures sont ainsi reproduites à des tailles variées (« Moi, ce qui m'intéresse, dans ma recherche, c'est l'idée du moule, le moule comme pièce matrice, qui va permettre de reproduire à échelles multiples la pièce. L'idée c'est, à partir de moules en carton, de couler le plâtre dedans; alors ça prend des formes pas forcément aléatoires puisque, quand je dispose mes cartons, je fais des petits modules que j'assemble. Et puis, ensuite, l'idée c'est de venir retirer une fois que le plâtre a pris. Et, ensuite, je viens retirer le carton là où j'ai envie de le retirer. Donc on est dans des petites constructions architecturales. »212).

210 Entretien avec Katerini Antonakaki

211 Ibid.

212 Entretien avec Aude Berton

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La plasticienne revient alors à une conception de l'architecture en modules; et, si les favelas étaient considérées comme un ensemble de constructions, c'est l'échelle de la pièce qui est compris par l'utilisation du terme de module dans ce cas. Pour cela, Aude Berton a pris l'exemple des Amiénoises. En effet, ces maisons standardisées sont souvent revues et, me disait-elle, de nouvelles pièces peuvent être installées. Que ce soit dans le cas des favelas ou des Amiénoises, l'artiste s'intéresse à la construction, à la capacité de l'Homme à se construire un chez-soi (« Moi, ce que j'aime bien, c'est cette idée de la construction. En fait on est tous capable de se construire un abri, de se construire son chez-soi, sa maison. Si vous vous trouvez dans n'importe quel endroit, dans la forêt ou ... voilà, et que vous savez que vous allez y rester un certain temps, il vous faut un toit, quelque chose pour vous protéger, vous trouverez toujours le moyen de trouver un espèce d'abri en fait; et c'est cette idée là, de l'Homme ... On a tous cette faculté de constructeur en fait. »213).

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon