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L'artiste et la ville en Hauts-de-France. Le cas du parcours d'art contemporain d'Amiens métropole.


par Julien Cossart
Université de Picardie Jules Verne - Master 2 Culture, Patrimoine et Innovations Numériques 2020
  

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III. Faire de l'art ensemble

Je traiterai, dans cette partie, du Parcours d'Art Contemporain et, principalement, des oeuvres qui relèvent de l'art en commun, de l'idée de faire de l'art ensemble, artistes et habitants. D'ailleurs, j'avais conclu mon précédent chapitre sur l'artiste qui intervient dans l'espace public. Force est de constater que le Parcours d'Art Contemporain s'inscrit lui aussi dans cette demande auprès des artistes pour intervenir sur les « territoires », auprès des habitants.

1. Des interventions en lien avec le Parcours d'Art Contemporain

Les interventions des artistes au sein du milieu scolaire est ce qui est revenu couramment dans les entretiens; des interventions de l'école élémentaire à l'Université. Pour commencer, Aude Berton, dans le cadre d'un Contrat Local d'Education Artistique, va intervenir au sein d'une école élémentaire pour travailler sur le thème des bidonvilles brésiliens, les favelas; utilisant l'habitat comme un module architectural constituant un ensemble (« Je vais les faire travailler autour des favelas; on va faire une construction en terre, en grand format, et les enfants vont venir agglutiner leurs petites structures, dans cet état d'esprit des constructions anarchiques qu'on trouve dans ces lieux. C'est un travail qui cuira pas et qui restera en terre crue; et puis ça va se constituer au fur et à mesure. »187). Aude Berton s'intéresse aux favelas car ce sont des territoires qui ont été investis par des individus qui n'« avaient pas le choix, ils avaient rien d'autre, il fallait bien se loger, et ce sont des espaces anarchiques, des constructions anarchiques, ça répond pas à un plan urbanistique très défini. »188 Elle relève alors, avec le cas des favelas, la capacité de l'homme à devenir le constructeur de son propre habitat, avec divers matériaux et sans autorisation de construction, mais aussi la promiscuité présente dans cet habitat où vit toute une famille. Si la réalisation d'une oeuvre par les élèves est une manière de faire de l'art ensemble, elle peut aussi être précédée d'une visite au musée, comme dans le cas de Louis Clais qui va proposer un atelier d'écriture ou encore de dessin collectif (« Ce qu'on m'a demandé de faire là, par contre, c'est d'intervenir en milieu scolaire. Les enfants vont venir voir l'exposition au musée, voire le musée aussi, le découvrir pour la première fois pour certains. On va faire des activités ensemble et ça sera une manière de leur donner mon point de vue sur l'art et puis, pour eux, de découvrir des choses et d'expérimenter, et sous plein de formes. »189).

187 Entretien avec Aude Berton

188 Ibid.

189 Entretien avec Louis Clais

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Marion Richomme, quant à elle, m'expliquait que son oeuvre n'avait pas de démarche participative mais qu'elle-même interviendra, à l'occasion d'un atelier durant le Parcours d'Art Contemporain, dans une classe de 5e au collège Rosa Parks d'Etouvie. Au cours de la première semaine de l'événement, l'artiste créera, avec cette classe, une sculpture collective monumentale constituée d'une tonne de terre. Le « faire ensemble » a été relevé par Marion Richomme comme une manière de retrouver un lien, un lien qui n'existerait plus (« On a perdu le lien avec les gens, on se parle pas. A travers des écrans, tout ce rapport là aux réseaux sociaux qui fait que, finalement, le "faire ensemble" a un peu disparu. »190). Il est ainsi question du rôle de l'artiste, comme je l'expliquais au cours du premier chapitre, et j'ai donc demandé à Marion Richomme si ce dernier, le rôle du plasticien, est la reconstruction d'un lien social; d'autant que, cette année, la crise sanitaire a été un moment particulier durant lequel, avec le confinement, des personnes se sont retrouvées isolées (« Je pense qu'on a ce rôle. Je pense que c'est primordial, encore plus actuellement, encore plus en période de crise sanitaire; où, les gens, on leur demande d'être confinés, de se regrouper que sur eux-mêmes et de pas avoir de contact avec l'extérieur. On l'a vu dans les ateliers qu'on a fait; les gens ils redevenaient enfants, ils s'éclataient. Pendant trois quarts d'heure, ils ont juste mis les mains, comme des gosses, dans la terre, à jouer, à faire ... Et voilà, et c'était un moment hyper fort en fait. »191). Pour terminer sur une autre intervention au collège, Aude Berton travaillera aussi sur des dessins architecturaux avec une classe de 3e.

L'ouverture, au cours de cette rentrée scolaire 2020, d'une Classe Préparatoire à l'Enseignement Supérieur - Classe d'Approfondissement en Arts Plastiques au lycée Louis Thuillier d'Amiens a aussi été une opportunité pour intervenir en milieu scolaire. Ainsi, Nicolas Tourte va travailler avec cette classe pour préparer une oeuvre qui sera exposée à la Maison de l'Architecture durant le Parcours d'Art Contemporain; une oeuvre nommée Provision en attendant sa réalisation (« A chaque fois j'essaie que ça soit pas vraiment un atelier de pratique qui soit de l'ordre de l'occupationnel, c'est-à-dire que j'ai pas envie de donner du travail, de faire un dessin ou de faire quelque chose en rapport avec ma pratique. Je préfère que les étudiants soient vraiment investis dans la construction de la pièce et puis transformer un petit peu ce qui aurait été un atelier en une unité de production, que tout le monde ait sa tâche et puis que chacun puisse participer à l'élaboration de la pièce; je trouve ça beaucoup plus enrichissant que de faire des choses qui n'ont pas beaucoup de sens, pour moi ni, quelque part, pour eux. »192). Aude Berton interviendra aussi au sein de cette classe; non pour construire une oeuvre mais pour apprendre aux élèves à réaliser des expositions.

190 Entretien avec Marion Richomme

191 Ibid.

192 Entretien avec Nicolas Tourte

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Mais l'intervention en milieu scolaire n'inclut pas nécessairement une activité artistique au sein même d'un établissement. « L'important c'est aussi de s'approprier la ville par la création, c'est l'idée de base. »193 Et, pour s'approprier la ville, il peut être intéressant d'investir ses rues. Gabriel Folli établira alors divers parcours dans divers quartiers d'Amiens, avec la classe du lycée Louis Thuillier dont je parlais précédemment, mais aussi avec des étudiants de l'UFR des Arts de l'Université de Picardie Jules Verne. A travers ces parcours, il sera question de faire des croquis de la ville, de la prendre en photo, de ramasser des choses; l'intérêt étant, à partir de ces éléments, de travailler sur des oeuvres en apportant chacun son rapport à la ville (« Ce sera un travail qui sera plutôt sur l'architecture, sur le patrimoine, sur l'histoire, sur ce qu'il se passe aussi à Amiens, sur le vécu de chacun aussi, sur ses références personnelles, sur sa propre culture. J'avais envie que ça mélange tout ça tu vois; que ça soit un travail sur le territoire, l'architecture, mais aussi que ça aille aussi plus loin quoi, tu vois. »194). Le plasticien, Gabriel Folli, m'expliquait aussi qu'être artiste a ses contraintes, comme nous l'avons vu au cours du premier chapitre, et que ces rencontres, entre des étudiants en art et lui, peuvent permettre de penser la suite des études, la transition, de se confronter au monde de l'art.

De manière similaire, au cours de cet été 2020, donc en amont du Parcours d'Art Contemporain mais en lien avec celui-ci, Violette Mortier a été sollicité par Amiens Métropole pour un atelier d'initiation à la photographie. Ce qui revient dans cet atelier, comme pour celui de Gabriel Folli, c'est de parcourir des chemins qui peuvent paraître quotidiens (« L'idée c'était vraiment de les pousser, de leur côté, si ils en ont envie, à redécouvrir leur chemin quotidien avec l'appareil photographique et de se dire « En fait, oui. Je le vois tout les jours mais c'est la première fois que je le vois comme ça. ». En fait, c'est des ressources inépuisables, parce que, même si tu l'as déjà photographié, et c'est ça la question que je posais aussi, c'est « Comment photographier quelque chose qu'on a déjà vu cent fois, mille fois, qui a bercé vraiment notre enfance ? », « Comment tu photographies quelque chose que tu connais par coeur ? ». En fait, c'est hallucinant, et vraiment c'est un exercice hyper intéressant, c'est que c'est inépuisable. Tu continues forcément à redécouvrir des choses; pourtant c'est quelque chose de très formel le territoire, les bâtiments, le paysage. »195). L'interaction entre identité et territoire, la manière par laquelle l'un peut transmettre l'autre, sont les 2 thèmes qu'abordent Violette Mortier dans ses oeuvres; et notamment dans ce qu'elle présentera pour le Parcours d'Art Contemporain. Encore une fois, la question du rôle du plasticien a été mentionné au cours de l'entretien avec Violette Mortier, son atelier comme son oeuvre reposant sur la participation des habitants. Elle me confiait alors tendre vers une vision de

193 Entretien avec Gabriel Folli

194 Ibid.

195 Entretien avec Violette Mortier

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l'art accessible, avec un caractère social; au contraire d'une vision de l'art contemporain élitiste, inaccessible (« J'aime bien le participatif, j'aime bien le partage. Je pars du principe que mon statut d'artiste, à partir du moment où on me donne l'opportunité de créer et d'investir un lieu, c'est un peu mon devoir d'aussi faire participer d'autres personnes, qui soient dans le milieu artistique ou pas, mais qu'il y ait ce sentiment de partage. Je trouve que c'est hyper important parce que l'art c'est ça aussi, on crée pour soi et pour les autres, pour dire des choses. On a un peu un devoir, aussi, de diffusion. »196)

Avant d'en venir, précisément, au projet artistique de Violette Mortier, je mentionnerai l'atelier de Franck Kemkeng Noah. Dans la continuité des ateliers qu'il animait au Cameroun, le plasticien participera à des ateliers, au sein de l'association Emmaüs, pour réaliser des oeuvres à partir d'objets récupérés.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote