II. Les artistes et la ville d'Amiens
Avant même d'évoquer le Parcours d'Art
Contemporain, il ma paru pertinent, avec une telle thématique, de
questionner les artistes sur leur propre rapport à la ville d'Amiens;
présupposant que tous connaissaient la ville.
En effet, beaucoup des plasticiens rencontrés sont
nés, habitent ou travaillent à Amiens; voire les trois dans le
cas de Aude Berton, travaillant même pour Amiens Métropole. Ainsi,
certains des artistes liés à la ville ont pu me montrer leur
attachement à cette dernière. D'une part, Amiens a
été une ville d'accueil pour Franck Kemkeng Noah, en arrivant du
Cameroun (« Amiens c'est la ville qui m'a accueilli lorsque je suis
arrivé en France. [...] C'est vraiment la ville que je connais
le mieux en France et où je me sens bien. »180).
D'autres plasticiens sont nés à Amiens mais ont continué
leurs études artistiques ailleurs avant de revenir, comme Violette
Mortier qui est partie à Bruxelles (« Ça a
été une nécessité de partir après mes
études, vraiment juste après le bac, parce que, à 17 ans,
j'ai passé le concours pour La Cambre, j'ai tout fait pour l'avoir. Je
voulais vraiment partir d'Amiens; et, au final, d'être partie, ça
m'a permis de redécouvrir la ville et d'avoir un nouveau regard,
vraiment, et de le percevoir de manière vraiment très
différente. »181), ou encore
176 Ségaud, M. (2010). Anthropologie de l'espace.
Habiter, fonder, distribuer, transformer. Armand Colin, p. 7.p. 142.
177 Ibid, p. 158.
178 Ibid, p. 125.
179 Ibid, p. 18.
180 Entretien avec Franck Kemkeng Noah
181 Entretien avec Violette Mortier
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comme Louis Clais qui est parti en Ile-de-France mais qui a
pu, à sa sortie d'études, exposer à Amiens («
J'avais participé au Festi Nimp en 2011- 2012, c'était
à l'Accueil Froid, c'était Claire Gapenne qui avait
organisé ça. Festi Nimp c'est le concours du plus n'importe quoi.
J'avais pas gagné mais j'avais fait une expo à ce moment
là, dans ce cadre là. »182). Cependant, si
la proximité de l'artiste et de la ville peut être un atout dans
le cadre de ce Parcours d'Art Contemporain, Amiens a souvent été
valorisée par les artistes davantage pour sa position relative à
d'autres villes, comme Paris, Lille, Londres ou encore Bruxelles (« Je
ne sais pas trop. C'est une bonne base pour aller ailleurs. Ce n'est pas du
tout pour dire que ce n'est pas bien. Quand on est bien quelque part, on peut
partir et revenir, ça donne une confiance. »183),
que pour son activité artistique, ne permettant pas aux plasticiens de
travailler avec un monde de l'art autre que celui institutionnel («
Après, à Amiens, si tu veux, c'est aussi ... Il y a pas
vraiment de mouvement, tu vois, tu peux pas vraiment travailler avec des
galeries ou des critiques d'art ou des commissaires d'expo.
»184).
D'un autre côté, la proximité d'Amiens
avec Lille, où habite Nicolas Tourte, est une des raisons pour
lesquelles ce dernier a postulé à l'appel à candidature du
Parcours d'Art Contemporain. Pour les artistes moins liés à la
ville, Amiens peut avoir un sens dans leur démarche artistique quand ces
mêmes plasticiens utilisent la ville, une ville, pour créer une
oeuvre. C'est notamment le cas de Rémi Fouquet avec son projet
artistique et participatif D'ici on voit..., un travail
commencé en 2018 qui s'inscrit dans la thématique du Parcours
d'Art Contemporain. L'artiste découvre ainsi la ville à partir
des habitants d'Amiens (« Au départ, je l'ai en tant qu'artiste
qui postule à un projet; et puis, aujourd'hui, c'est des rencontres,
c'est énormément de rencontres avec les habitants, avec des
structures, avec des associations. Et, moi, je suis là en tant
qu'artiste. On me fait découvrir finalement Amiens au travers des
habitants et c'est ça qui m'intéresse.
»185). Un élément a cependant
été relevé au cours de quelques entretiens. La
thématique étant, en partie, le territoire, de quel territoire
était-il question ? Amiens ? La Somme ? L'ex-Picardie ? Les
Hauts-de-France ? Car c'est les Hauts-de-France dont il est question dans
l'oeuvre de Daniela Lorini, l'artiste partant, pour la construction de son
oeuvre, de son histoire industrielle (« Cette oeuvre s'inscrit
vraiment dans le territoire des Hauts-de-France parce que je me suis
intéressée à la biodiversité du sol, parce que j'ai
appris que c'est une région qui a beaucoup souffert pour la mine,
l'agro-industrie, l'industrie textile; donc c'est une région très
polluée, où le sol est très pollué. Je voulais
aussi faire une sorte de comparaison des endroits qui étaient
très pollués avec des autres endroits qui ont pas autant de
pollution, qui sont au moins boisés, où on peut voir qu'il y a
biodiversité. »186).
182 Entretien avec Louis Clais
183 Entretien avec Katerini Antonakaki
184 Entretien avec Gabriel Folli
185 Entretien avec Rémi Fouquet
186 Entretien avec Daniela Lorini
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