Section 4 : Optimisation de la trésorerie et
réduction des coûts
L'optimisation de la trésorerie est l'objectif du
trésorier, dans la mesure où l'objectif prioritaire d'un service
de trésorerie consiste à minimiser les frais financiers et
à maximiser les produits financiers. Certaines entreprises
considèrent le service de trésorerie comme un centre de profits
qui doit contribuer à augmenter la rentabilité globale de
l'entreprise, c'est-à-dire essentiellement la rentabilité
financière. La performance de la gestion de trésorerie et par
conséquent celle du trésorier reposent donc nécessairement
sur une optimisation des flux. Fondamentalement, cette optimisation
s'opère déjà en amont de la trésorerie, avec le
souci permanent de gérer au mieux les différentes variables
constitutives du besoin en fonds de roulement de l'entreprise, à savoir
les stocks, les créances clients et les crédits fournisseurs.
Même si certains trésoriers se posent la question de savoir
à qui appartient le besoin en fonds de roulement dans la mesure
où la politique des achats et des ventes, et la gestion des stocks sont
réalisées par d'autres responsables dans l'entreprise, ils
doivent les sensibiliser aux conséquences de leurs décisions en
matière de crédits et de délais accordés, par
exemple, sur la trésorerie de l'entreprise.
Néanmoins, l'optimisation doit également se
réaliser en aval, dans la mesure où l'objectif idéal
à atteindre en gestion de trésorerie est la trésorerie
zéro (minimisation des frais financiers). L'organisation de la gestion
des comptes en banque, le choix des modes de paiement, l'arbitrage entre les
modes de financement et de placement doivent donc faire l'objet d'une attention
particulière de la part du trésorier et constituer les moyens
traditionnels de l'optimisation de la trésorerie d'une entreprise.
Nous citons les auteurs Francisco Salas-Molina, David
Pla-Santamaria et Juan A. Rodriguez-Aguilar (2016), qui affirment que
l'objectif principal de la gestion de la trésorerie d'une entreprise est
l'optimisation des coûts des politiques de trésorerie à
court terme. Dans la littérature existante, le point a été
mis sur l'importance de la réduction des coûts et plusieurs
chercheurs ont suggéré de nombreux modèles
différents d'optimisation de la trésorerie. Toutefois, ces
politiques de gestion de la trésorerie présentent souvent des
risques que les gestionnaires de trésorerie doivent identifier et
contrôler. Ils doivent également adopter les meilleures politiques
en termes de coûts et de risques, en prenant en considération leur
niveau de tolérance aux risques.
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La gestion des flux de trésorerie concerne les
investissements à court terme ainsi que l'utilisation efficace de la
trésorerie. Dans ce contexte, la prise de décision de la part des
gestionnaires de trésorerie se concentre sur le maintien de
l'équilibre entre ce que l'entreprise détient en espèces
et ce qui a été placé à court terme (tels que les
comptes de dépôt ou les bons du Trésor), et ceci a pour
effet d'augmenter ou diminuer le niveau de trésorerie. Le
problème de gestion de trésorerie d'entreprise (Corporate Cash
Management Problem : CMP) traite généralement deux types
d'actifs, à savoir le solde de trésorerie et les actifs à
court terme, tels que les titres négociables.
Le contrôle des soldes de trésorerie implique
généralement l'utilisation d'un ensemble de bornes ou de limites
de contrôle qui, une fois atteintes, déclenchent une transaction
(c'est-à-dire un mouvement de trésorerie) pour rétablir
l'équilibre à un niveau cible préalablement fixé
par l'entreprise. Ces transactions planifiées sur un horizon temporel
futur donné constituent la politique de gestion de la
trésorerie.
Plusieurs modèles de gestion de la trésorerie
ont été proposés pour contrôler les soldes de
trésorerie de manière efficace. Il existe dans la
littérature une revue complète de ces modèles, des
premières propositions aux contributions les plus récentes. On
cite notamment Gregory (1976), Srinivasan et Kim (1986) et da Costa Moraes et
al. (2015). Le CMP a d'abord été proposé par Baumol (1952)
et plus tard, Miller et Orr (1966) ont affirmé que les changements de
solde de trésorerie des entreprises sont totalement
aléatoires.
De nombreux autres modèles ont été
développés par la suite, chacun se concentrant sur une dimension
précise du problème. A titre d'exemple, Girgis (1968) a
travaillé sur les flux continuels nets de trésorerie, qui
engendrent à la fois des coûts de transaction fixes et
linéaires. Eppen et Fama (1969) quant à eux, se sont
concentrés sur les flux de trésorerie avec seulement des
coûts de transaction variables.
L'utilisation des prévisions dans la gestion de la
trésorerie des entreprises a été introduite pour la
première fois par Stone (1972) comme étant un moyen de lisser les
flux de trésorerie. Plus récemment, Gormley et Meade (2007) ont
souligné l'importance d'établir des prévisions de flux de
trésorerie dans le cadre du problème de gestion de la
trésorerie.
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Cependant, l'accent n'a été mis que sur la
réduction des coûts. Etant donné que le CMP peut
également être considéré comme un problème de
prise de décision séquentielle prenant en compte les soldes de
trésorerie et les transactions effectuées par l'entreprise, cela
conduit à une approche plus dynamique de programmation, initialement
proposée par Eppen et Fama (1969), Neave (1970), Penttinen (1991), Chen
et Simchi-Levi (2009) et enfin Melo et Bilich (2013). Pour résoudre le
CMP, d'autres stratégies de gestion de la trésorerie ont
été avancées, telles que les techniques de contrôle
des impulsions (impulse control techniques) de Baccarine (2009), ainsi que les
modèles évolutifs élaborés par da Costa Moraes et
Nagano (2014).
Notons que les caractéristiques des flux de
trésorerie (soldes de trésorerie) sont une dimension importante
du CMP. En ce sens, les représentations des flux de trésorerie
utilisées dans la littérature vont des plus déterministes
(Baumol, 1952) aux plus incertaines (Miller et Orr, 1966). La distribution
gaussienne de probabilité des flux de trésorerie est la plus
utilisée dans la littérature, sous la forme d'un Processus de
Wiener (Baccarine 2009 ; Constantinides et Richard 1978 ; Premachandra, 2004).
Cependant, Penttinen (1991) envisage une distribution exponentielle double.
D'un point de vue pratique, plusieurs problèmes se
posent lorsqu'il s'agit des véritables problèmes de gestion du
cash. D'abord, les données relatives aux flux de trésorerie
réels peuvent ne pas correspondre à une distribution de
probabilité qui est théorique. Cette situation oblige les
gestionnaires de trésorerie à trouver des moyens alternatifs pour
sélectionner les meilleurs politiques de gestion de la trésorerie
(par exemple, en utilisant la technique de la simulation). Ensuite, l'accent
est généralement mis sur un seul objectif, à savoir le
coût. Mais selon Zopounidis (1999), la gestion de la trésorerie et
la prise de décisions organisationnelles sont deux concepts qui ne sont
pas nécessairement corrélés dans la littérature
financière.
Cependant, l'analyse des risques liés aux politiques de
gestion de trésorerie est nécessaire si l'entreprise veut
éviter le découvert. Ce type d'analyse est largement
utilisé dans la sélection de portefeuilles, lorsque les
investisseurs attendent des rendements élevés avec de faibles
variations (fluctuations). On cite ici Markowitz (1952), Ballestero et Romero
(1998), Ballestero et Pla Santamaria (2004), Steuer et al. (2007), etc.
Le niveau de tolérance aux risques est également
un élément important que les dirigeants doivent
considérer. Dans ce sens, Ballestero (1998) propose plusieurs techniques
pour
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maximiser l'utilité (c'est-à-dire arriver
à une utilité optimale) en tenant compte du niveau de
tolérance aux risques des gestionnaires. Cependant, la conception de
modèles de gestion de la trésorerie qui analysent à la
fois les coûts et les risques et qui prennent en considération le
niveau de tolérance aux risques des gestionnaires de trésorerie,
reste encore un point plutôt inexploré. Donc il est primordial
d'effectuer une analyse des coûts et des risques, en minimisant ces deux
contraintes à l'aide de politiques de gestion efficaces et pertinentes
afin de gérer la trésorerie de façon optimale. D'où
la nécessité de prendre en compte l'appétence aux risques
des gestionnaires, ainsi que les différentes distributions de
probabilité des flux de trésorerie.
Le principal objectif de la gestion de la trésorerie
est de maintenir le montant de liquidités disponibles dans la
trésorerie au niveau le plus faible possible, tout en continuant
d'opérer efficacement. Les entreprises peuvent placer des
liquidités inutilisées à court terme, comme le
suggèrent Ross et al. (2002). Alors le problème de la gestion de
la trésorerie peut être considéré comme étant
un compromis entre les coûts de la détention et ceux de la
transaction. Les coûts de détention correspondent
généralement à des coûts d'opportunité,
puisque la trésorerie inutilisée (oisive) pourrait être
allouée à des investissements alternatifs. Disposer de trop de
liquidités est donc inefficace, mais en détenir trop peu pourrait
entraîner des coûts élevés engendrés par une
trésorerie insuffisante. Pour ce qui est des coûts de transaction,
ils sont associés aux mouvements de trésorerie, depuis / vers un
compte de trésorerie vers / depuis tout autre actif à court terme
disponible (par exemple, les bons du Trésor ou les titres
négociables).
En résumé, si une entreprise veut maintenir le
solde de trésorerie à un niveau trop bas, le coût de
détention sera réduit mais l'insuffisance de trésorerie va
la forcer à vendre les titres négociables disponibles, ce qui va
augmenter les coûts de transaction. En revanche, si le solde est trop
élevé, de faibles coûts de négociation seront
générés en raison des flux de trésorerie
imprévus, mais l'entreprise supportera des frais de détention
élevés car aucun intérêt n'est perçu sur le
cash. Ainsi, il existe un solde de trésorerie cible que l'entreprise
doit déterminer.
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En résumé, la fonction de gestionnaire
de trésorerie ou de cash manager est souvent considérée
comme le centre financier névralgique de l'entreprise ou du groupe, dans
la mesure où elle reçoit des flux d'information de toutes les
autres fonctions de l'entreprise et qu'elle émet à son tour des
flux monétaires et financiers générateurs de gains ou
d'économies parfois substantiels.
Récemment, l'évolution de la fonction a
été tellement importante qu'on en vient même à
parler d'ingénierie de la trésorerie quand il s'agit de mettre en
place des systèmes centralisés de gestion de trésorerie
dans les sociétés ou les groupes de sociétés. Cette
affirmation est renforcée par la nécessaire autonomie
financière qu'exige un mode de développement par croissance
externe.
Au terme de ce chapitre, nous avons vu que la mission
essentielle du trésorier est d'assurer la liquidité à
l'entreprise et aborder les aspects concernant la trésorerie et
l'équilibre financier ; cela revient à dire que le
trésorier doit assurer entre autres l'équilibre financier par la
maîtrise des flux financiers pour garantir la solvabilité de
l'entreprise.
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Hypothèses de travail
Après avoir détaillé la partie
théorique de notre mémoire, nous passons à présent
à l'émission de nos hypothèses de recherche, que nous
allons confirmer ou réfuter sur la base des résultats des
questionnaires administrés. Nos hypothèses sont au nombre de
quatre, comme suit :
1. La taille :
La taille des entreprises est un indice utilisé pour
déterminer le poids de ces dernières sur le marché ou le
secteur d'activité. Cependant, cet indice ne peut pas être
utilisé comme facteur pour juger la performance de la gestion de
trésorerie, d'une entité à une autre. Celle-ci
dépend de la qualité du responsable qui la gère, la
manière dont il la gère ainsi que la détention d'une bonne
stratégie dans le même but.
H1 : La taille des entreprises est indépendante de
la gestion de trésorerie.
2. Les opportunités de croissance :
Les dirigeants d'entreprises ayant le moins
d'opportunités d'investissement vont accumuler le plus de cash pour
bénéficier des avantages du pouvoir discrétionnaire (T. T.
Opler et al, 1999). Cela signifie que l'existence d'opportunités de
croissance pousse les entreprises à faire plus d'effort pour saisir ces
d'opportunités.
H2 : Les opportunités de croissance sont
positivement corrélées avec la gestion de
trésorerie.
3. La dette :
Le dirigeant est contraint de faire face aux remboursements
réguliers et d'être plus performant. M.A. Ferreira et A. Vilela
(2004) ont trouvé que la firme qui compte plus sur les prêts
bancaires, en tant que source majeure de financement, subit plus des
coûts d'agence et d'asymétrie d'information associés
à l'utilisation de la liquidité pour le financement de ses
activités. De plus, les PME évitent toujours d'effectuer des
emprunts car elles ne sont pas capables de subir les coûts d'agence
liés à ces derniers, et ceci rentre dans le cadre d'une bonne
gestion de leur trésorerie.
H3 : La contraction des emprunts bancaires est
négativement corrélée avec la gestion de
trésorerie.
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4. La probabilité de détresse
financière :
Selon M. Jensen (1986), la présence de probabilité
de détresse financière au sein de l'entreprise réduit le
coût d'agence. En effet, cette probabilité va pousser les
dirigeants à être plus disciplinés et à adopter les
meilleures pratiques de gestion de la trésorerie.
H4 : La probabilité de détresse
financière est positivement corrélée avec la gestion de
trésorerie.
![](Pratiques-de-la-gestion-de-trsorerie-par-les-PME-au-Maroc13.png)
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