2- Le droit parlementaire camerounais
Le droit parlementaire est bel et bien le champ scientifique
de cette étude. Il s'agit du droit parlementaire camerounais comme le
révèle l'intitulé du sujet. Cependant, il se pose les
problèmes relatifs à l'existence d'un droit parlementaire
purement camerounais et à la limitation au droit parlementaire tout
court et par référence au droit français. De telles
préoccupations peuvent à première vue paraître
incongrus si l'on s'en tient à l'adage latin « ubi societas,
ibi jus » qui signifie « là où il y a une
société, il y a droit » et dont une précision doit
être faite en vertu de laquelle « à chaque
société, son droit ». Mais pourtant, cet adage a
curieusement déclenché une virulente querelle doctrinale entre
les partisans du
24 FRISON (D.), Histoire constitutionnelle de la
Grande-Bretagne, éd. Ellipses, Paris, 1997, pp. 12-13.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
mimétisme du droit africain postcolonial en
général et camerounais en particulier d'une part, et les
défenseurs de son originalité d'autre part.
Selon la thèse du mimétisme, qu'il s'agisse du
mimétisme intégral ou du sélectivisme,
les ordres juridiques africains postcoloniaux ne se démarquent
presque jamais de l'ordre juridique français. Ainsi, tout en s'inspirant
quelques fois du droit français, les droits africains en
général et camerounais en particulier sont parfois amenés
à le contextualiser. Il s'agit là d'une « acclimatation
tropicale » pour reprendre les termes du professeur Maurice
KAMTO25. Dès lors la question qui se pose est de savoir si le
droit Français, dans ses sources formelles et de fond, est applicable en
Afrique26. La notion d'applicabilité se place ainsi au coeur
du débat27. L'applicabilité « exprime
l'état de ce qui peut et doit être appliqué
28». C'est donc à cet effet que dans la
thèse de l'originalité des droits africains défendue par
le professeur Magloire ONDOA, ce dernier affirme qu'un ordre juridique existe
si et seulement s'il est autonome ; s'il n'est pas autonome, il n'existe pas
car c'est à travers son autonomie qu'il est original.
De manière sagace, l'éminent auteur affirme
« qu'en effet, sur le plan strictement formel l'autonomie des
systèmes juridiques africains par rapport à celui de la France
interdit que les sources du droit édictées ici soient directement
applicables là-bas. En outre et sur le plan matériel,
l'originalité des questions juridiques auxquelles chacun des
systèmes est confronté, le conduit afin de se mettre en harmonie
avec son histoire et son contexte, à construire ses solutions sur des
fondements théoriques propres, et incompatibles avec ceux de l'autre
»29. L'éminent auteur conclut donc à «
l'inapplicabilité directe des sources formelles30» et
à « l'incompatibilité des fondements
théoriques»31 du droit Français. Somme toute,
pour l'auteur, le droit africain en général et camerounais en
particulier est original vis-à-vis du droit Français. Ainsi,
lorsqu'on parle du droit parlementaire camerounais, il s'agit de l'ensemble des
règles juridiques applicables aux assemblées parlementaires,
issues des sources formelles et matérielles propres au Cameroun.
25 KAMTO (M.), « La fonction administrative
contentieuse de la cour suprême du Cameroun », in CONAC
(G.), DE GAUDUSSON (J.-D.) (dir.), Les cours suprêmes en
Afrique, Vol 3, Economica, Paris, 1988, p.3.
26 ONDOA (M.), « Le droit administratif
français en Afrique francophone : contribution à l'étude
de la réception des droits étrangers en droit interne »,
RJPIC, 2002, pp.287-323.
27 Ibid.
28 Ibid.
29 Ibid.
30 Ibid.
31 Ibid.
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
Du point de vue de l'histoire politique et constitutionnelle,
le parlement est la plus vieille des institutions politiques du
Cameroun32, depuis l'époque de l'ARCAM (1946) jusqu'à
l'ALCAM (1957) en passant par l'ATCAM (1952). Sous l'indépendance
proclamée le 1er janvier 1960, la constitution du 4 mars 1960
va instituer un parlement monocaméral, constitué d'une
Assemblée Nationale qui fonctionnera jusqu'à l'adoption de la
Constitution de la République Fédérale du Cameroun du
1er septembre 1961. Sous la République
Fédérale, le parlement sera protéiforme, constitué
d'une Assemblée nationale fédérale au niveau
fédéral et de deux Assemblées législatives dans les
Etats fédérés du Cameroun occidental et oriental. La
situation va changer sous la Constitution de la République Unie du
Cameroun du 2 juin 1972 dans laquelle le parlement redeviendra
monocaméral composé d'une Assemblée nationale. Cette
Constitution sera révisée par la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996, dans laquelle il sera institué un parlement
bicaméral composé d'une Assemblée Nationale et d'un Senat.
C'est donc les règles d'organisation et de fonctionnement qui ont
structuré cette institution depuis 1946 qui constituent le droit
parlementaire camerounais. Bien évidemment, notre étude portant
sur le droit parlementaire camerounais a pour point de départ la
constitution du 18 janvier 1996, tel que précisé plus haut.
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