B- LE CONTROLE DE CONSTITUTIONALITE DES LOIS
Le contrôle de constitutionalité est un incident
de procédure législative qui peut intervenir après
l'adoption de la loi. Ce contrôle a vu le jour aux Etats-Unis
d'Amérique en 1803 dans l'affaire MABURY vs MADISON dans le
cadre d'un contrôle a posteriori. Plus tard, il a fait l'objet
d'une réception en Europe, lorsqu'en 1920 Hans KELSEN a
théorisé le modèle autrichien, puis européen de
justice constitutionnelle qui exige un contrôle a priori. C'est
de ce dernier model que le Cameroun c'est inspiré ; et, sans vouloir
faire des développements approfondis, il faut préciser que ce
contrôle apparait comme une technique d'évaluation de la
volonté générale (1) et une affirmation implicite de la
constitution comme expression de la volonté générale
(2).
1- Une technique d'évaluation de la
volonté générale
« La loi est l'expression de la volonté
générale »140 est le dogme qui a sous-tendu
la construction du droit français de la première jusqu'à
la quatrième République. Il s'agissait à cette
époque du légicentrisme. Suivant cette conception, la loi serait
infaillible car traduisant la volonté du peuple directement ou à
travers des représentants élus. On comprend donc les
réticences qui ont été manifesté à
l'égard d'un contrôle de constitutionnalité des lois bien
que ce contrôle avait été consacré dans les
différentes constitutions françaises. C'est en 1958 que le
contrôle de constitutionnalité prendra son envol en France avec la
création d'un Conseil Constitutionnel, institution chargée
d'évaluer la volonté générale par rapport au texte
constitutionnel. Dans une décision fondamentale, elle a affirmé
que désormais « la loi est l'expression de la volonté
général mais dans le respect de la constitution
»141. Dès lors, nous somme passé de la
légalité à la juridicité.
140 Art 6 de la déclaration des droits de l'homme et de
citoyen du 26 août 1789.
141 CC, 16 juillet 1971, Liberté d'association
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LA SECONDE LECTURE EN DROIT PARLEMENTAIRE CAMEROUNAIS
Au Cameroun, l'évaluation de la volonté
générale a été confiée comme en France au
Conseil Constitutionnel, juridiction autonome et distincte de l'ordre
judiciaire. Ce contrôle apparait comme un incident de procédure
législative dans la mesure où un texte adopté par les
assemblées peut se voir annuler et ne jamais intégrer l'ordre
juridique. Initialement réfutée, c'est sous la Constitution du 18
janvier 1996 qu'elle a été affirmée sous le titre VII qui
aménage son organisation, ses compétences et son fonctionnement.
Parmi ses compétences, la plus importante est le contrôle de
constitutionnalité à travers laquelle elle est chargée
d'évaluer la volonté générale. Malheureusement, la
juridiction constitutionnelle n'est pas encore effective car ses fonctions sont
assurées par la Cour Suprême ; néanmoins, le contrôle
de constitutionalité des lois consacré dans la constitution
sous-entend que la véritable volonté générale
serait logée dans la constitution.
2- Une affirmation implicite de la constitution comme
expression de la volonté générale
« La loi est l'expression de la volonté
général mais dans le respect de la constitution
»142. Par cette affirmation, il apparait que le
contrôle de constitutionnalité est mis en oeuvre pour conformer la
loi à la constitution ; si une loi est non conforme à la
constitution, elle sera annulée et ne verra jamais le jour. De la sorte,
cet incident de procédure législative peut intervenir à
tout moment sur demande des autorités habilitées à cet
effet parmi lesquels les parlementaires eux-mêmes, bien qu'ayant
participé à la confection de cette loi. En clair, avec le
contrôle de constitutionnalité des lois « la
volonté générale n'est plus logée dans la loi qui
peut mal faire comme elle peut être mal faite, elle l'est
désormais dans la Constitution (...) »143 .
Par ailleurs, il faut souligner qu'à la suite d'un
contrôle de constitutionnalité des lois le Président de la
République peut promulguer la loi si la ou les dispositions
annulées sont détachables ; mais il peut aussi demander une
seconde lecture144 de cette loi dont les conséquences
incidentes seront la suspension de la procédure législative et le
réexamen de la loi.
142 CC, 16 juillet 1971, Liberté d'association
143 KEUTCHA TCHAPNGA (C.), Précis de contentieux
administratif au Cameroun : Aspects de l'évolution récente,
éd L'Harmattan, 2013, p. 207
144 Art 26 de la Loi n° 2004/004 du 21 Avril 2004 Portant
organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel
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