L'origine du plomb dans l'habitat
L'histoire du plomb remonte à des temps très
anciens. Il était employé lors de l'âge du Bronze avec
l'antimoine et l'arsenic. Il est d'ailleurs mentionné pour la toute
première fois dans l'Exode. L'Exode, Chapitre 15 :
"Tu as soufflé de ton haleine: la mer les a couverts; ils se
sont enfoncés comme du plomb dans l'eau profonde".
Les Egyptiens, Grecs ou Romains savaient l'extraire ou
l'utiliser. Les Romains utilisaient l'utilisaient pour adoucir le vin qu'ils
fabriquaient, car l'une des caractéristiques du plomb est sa douceur au
goût. Dès le Moyen Age, des renseignements existent
déjà sur l'intoxication par le plomb. Il y était
utilisé pour la fabrication de coupes et de vases pour boire le vin. Des
traces d'intoxication au plomb ont même été
retrouvées sur les squelettes de l'époque. C'est surtout lors de
la Révolution Industrielle que le plomb fut largement utilisé.
C'est un métal très malléable. Les alchimistes
l'associaient à la planète Saturne d'où le nom de
saturnisme pour l'intoxication au plomb. Sa toxicité reconnue n'a pour
autant pas empêchée ses multiples usages.
Il a commencé à être interdit en Suisse
dès 1914 pour la confection des tuyaux d'eau potable. Ce sera bien plus
tardif dans d'autres pays. En France, par exemple, la présence de plomb
n'a été reconnue comme un problème de santé
publique qu'à partir des années 1960 mais son utilisation s'est
perpétuée sur plusieurs années. Jusqu'à peu de
temps, le saturnisme était surtout considéré comme une
maladie professionnelle atteignant des ouvriers en contact avec ce
métal. Le premier cas de saturnisme infantile par ingestion de peinture
a été reconnu en 1891 en Australie. On y avait l'habitude de
traiter le bois des vérandas au moyen de peinture à forte teneur
en plomb car elles avaient la particularité de résister
très bien à la chaleur. En France, jusqu'en 1949, la
céruse (hydroxy carbonate de plomb) était utilisée dans la
fabrication des peintures et des enduits apposés en parties
45
basses des murs, sur les boiseries et dans les cages
d'escalier. Les peintures utilisées comme antirouille présentent
également un risque. Jusque dans les années 1980, le minium de
plomb était utilisé en couche d'impression pour les
éléments métalliques puis recouvert.
Aujourd'hui, même si ces peintures au plomb ne sont
plus visibles, car le plus souvent recouvertes, elles peuvent se
dégrader avec le temps, l'humidité ou à l'occasion de
travaux. Les écailles et les poussières ainsi
libérées peuvent alors être une source d'intoxication.
L'ingestion d'écailles et l'inhalation de poussières, à la
maison, restent les principales voies d'exposition pour l'enfant et la femme
enceinte. Bien que l'utilisation de peintures au plomb soit maintenant
interdite, il est encore présent dans l'habitat ancien
dégradé. Le plomb était utilisé dans
l'étanchéité des toitures, des gouttières ou
chéneaux et autour des châssis de fenêtres.
La couleur verte des peintures
écaillées induit généralement la présence de
plomb
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de
Roubaix
Le plomb peut également être présent dans
les canalisations d'adduction d'eau potable. Celui-ci pourra alors être
solubilisé par l'eau de distribution en fonction de ses
caractéristiques. Dans le département des Bouches-du-Rhône
par exemple, entre 50 et 75% de la population est alimentée par une eau
ayant un potentiel de dissolution du plomb élevé
46
ou très élevé. Grâce à
l'évolution de la réglementation et des pratiques
professionnelles, le plomb a cessé d'être employé dans les
années 1950 pour les réseaux intérieurs de distribution.
En revanche, le plomb a été utilisé pour les branchements
publics jusque dans les années 1960. Le plomb d'origine hydrique a un
impact sur la plombémie moyenne de la population mais est rarement la
cause principale d'une plombémie élevée. Les sols
situés à proximité d'un site pollué peuvent
également être contaminés et donc intoxicants.
47
De l'imprégnation à l'intoxication
De manière générale, on parle
d'imprégnation au plomb lorsque le résultat de la
plombémie se situe entre 30 et 100ug/L et d'intoxication au plomb
à partir de 100ug/L. L'intoxication au plomb peut être aigue en
cas d'ingestion massive. Cependant, la majorité des cas de saturnisme,
surtout chez les enfants, est due à une intoxication chronique. Les
effets du plomb peuvent être réversibles (anémie, troubles
digestifs) ou irréversibles (neurotoxicité). Ils se
déterminent en fonction de l'âge, de la population touchée,
et de l'importance de l'intoxication, mais on considère qu'ils
apparaissent sans seuil.
Dans la loi, le seuil est fixé à 100ug/L, mais
sur le territoire de Lille Métropole Communauté Urbaine et plus
particulièrement à Roubaix, la maladie est avérée
à partir de 70ug/L et une prise en charge est mise en place dès
50ug/L. En cas de suspicion, des plombémies sont
régulièrement demandées aux médecins de famille par
les Inspecteurs de Salubrité du Service Communal d'Hygiène et de
Santé de la Ville de Roubaix.
Ce sont généralement les enfants de moins de
six ans qui sont les plus vulnérables et cela pour plusieurs raisons :
Ils ont généralement tendance à porter à la bouche
leurs mains sales ou leurs jouets, ce qui permet l'ingestion d'écailles
ou de poussière de plomb. Ce comportement est d'autant plus
présent chez les enfants que le plomb a la particularité d'avoir
un " bon goût » semblable à celui d'une friandise.
Chez les femmes enceintes, on constate que le plomb a la
capacité de franchir la barrière placentaire: il est donc
foetotoxique. Si la femme enceinte a été, ou est encore,
exposée au plomb, elle expose également son enfant. Certaines
études montrent alors des risques élevés de retard de
croissance intra-utérin, d'accouchement prématuré et
d'avortement. Un retard cognitif peut également être perceptible
dès la petite enfance, celui-ci subsiste par la suite. L'intoxication au
plomb a des effets sur le système nerveux central. En effet, les
molécules de plomb se fixent sur les synapses, qui sont les connexions
entre neurones. Elles freinent ainsi le flux électrique de l'influx
nerveux. Cette intoxication provoque un retard de développement
psychomoteur et intellectuel ainsi qu'un déficit des fonctions
cognitives. Il existe une corrélation inverse, sans seuil, entre la
plombémie et le QI. Une élévation de 100ug/L de la
plombémie entraîne une baisse de 1 à 5 points de quotient
intellectuel. Les
48
troubles mentaux induits par le plomb sont durables. En effet,
les individus intoxiqués pendant leur petite enfance conservent un
déficit cognitif tout au long de leur vie. A partir d'une
plombémie supérieure à 100ug/L, des atteintes
rénales ont été mises en évidence. En cas
d'exposition prolongée à un niveau correspondant à une
plombémie supérieure à 600ug/L, une insuffisance
rénale chronique est possible. Le plomb, de par son action inhibitrice
sur la synthèse de l'hémoglobine, entraîne également
une diminution du taux d'hémoglobine. Le saturnisme peut donc être
associé à une anémie, décelable pour des niveaux
d'exposition supérieurs à 400ug/L.
Les signes d'une intoxication au plomb sont cependant peu
spécifiques et difficilement repérables, insidieux, inconstants
et banaux tel que des signes de pâleur et de fatigue liés à
l'anémie, des troubles du comportement, des troubles du sommeil, des
difficultés d'apprentissage, un mauvais développement
psychomoteur et des troubles digestifs. Il est difficile d'établir un
lien entre l'apparition de ces symptômes et l'intoxication au plomb.
Dans la majorité des cas, parce que le taux de plomb
dans l'organisme est relativement faible, aucun traitement médical n'est
indiqué. Mais il est fondamental de stopper l'exposition au plomb. Il
s'agit surtout de déceler les sources de l'exposition et de stopper
alors l'intoxication en rendant le plomb inaccessible et en appliquant les
pratiques quotidiennes hygiéno-diététiques
recommandées par les Inspecteur de Salubrité lors des visites de
logement (se laver régulièrement les mains, surveiller
l'état des peintures, laver fréquemment les jouets des enfants,
leur couper les ongles courts...). Le traitement par chélation doit
être discuté, il vise à limiter les complications graves,
restaurer les fonctions enzymatiques et éviter le stockage osseux. Ce
traitement n'est cependant pas anodin et est rarement prescrit. C'est en effet
un traitement très lourd qui peut se prendre de manière orale
dans les intoxications moyennes ou par perfusion dans les cas les plus
graves.
La littérature met bien en évidence la
difficulté de faire prendre conscience aux familles l'importance de ce
risque. L'ouvrage "l'Inhabitable"de Joy Sorman et de
Eric Lapierre par le truchement de témoignages dresse un tableau
saisissant de l'habitat indigne parisien. Le risque saturnin y est alors bien
retranscrit. Le témoignage d'une infirmière de la SIEMP
(Société Immobilière d'Economie Mixte de la ville de
Paris) met en évidence la difficulté d'informer les familles sur
ce risque surtout lorsque celles-ci sont d'origine étrangère
malgré la présence d'une traductrice: " Ce matin, Annie est
accompagnée d'une traductrice chinoise.
49
Elle veut convaincre les parents des dangers du saturnisme.
Il y a des cachets à prendre pour casser le plomb dans le
sang, cela peut se résorber avec le temps mais le seul traitement
efficace c'est de sortir l'enfant du lieu affirme-t-elle. Les
parents sont sceptiques, parce que les symptômes restent
indétectables. Retards de développement et effets neurologiques
sévères ne sont constatés qu'à forte dose. Si on
consulte la littérature médicale sur le sujet on apprend que le
saturnisme est une drôle de maladie qui provoque tout et son contraire:
constipation ou diarrhée, agitation ou apathie. Maladie quasi invisible,
l'invisibilité est toujours le revers de l'insalubrité."
Cette invisibilité ou encore les multiples
symptômes la rendent difficilement détectables ou
compréhensibles pour les familles.
" La veille, Annie est intervenue dans un immeuble insalubre
du quartier de la Goutte d'Or, habité par des familles africaines:
là-bas aussi y'a du plomb dans les peintures et le problème,
c'est que les enfants vivent par terre, mangent par terre sur des nattes, comme
ils avaient l'habitude de le faire dans leur pays avant de venir en France.
Alors forcément ils s'en mettent plein la bouche de cette
poussière. Et puis les mères n'arrêtent pas de balayer,
ça soulève encore plus de poussière. J'essaye de les
convertir à la serpillière mouillée, mais y'a rien
à faire, elles veulent rien entendre!"
Cet autre témoignage montre la difficulté de
lutter contre ce risque car il nécessite souvent un changement des modes
de vie des ménages parfois même de leurs coutumes, qu'ils ne sont
pas toujours prêt à effectuer, et cela parce qu'ils ne prennent
pas conscience de l'ampleur du risque.
50
L'amiante, un matériau à risque
Même s'il est moins présent sur la commune de
Roubaix, essentiellement touchée par le risque saturnin sur un habitat
dégradé datant d'avant 1948, l'amiante représente
également un matériau à risque, utilisé
essentiellement dans la construction des grands ensembles entre 1950 et
1980.
Dans la commune de Vieux Condé par exemple,
cité Solitude Hermitage, l'immeuble de logements collectifs construit en
1954 et plus couramment appelé le "building" par ses habitants a
été détruit l'année dernière et ses familles
relogées dans le cadre d'une opération de rénovation
urbaine à cause notamment d'une présence trop importante
d'amiante dans le bâtiment. C'est lors de mon précédent
stage pour un bureau d'études que j'ai pu intervenir auprès de
ces familles.
Le "Building", cité Solitude Hermitage,
Vieux Condé
Mémoire Master 1 : " La place du social
dans les projets de rénovation urbaine "
Emeline
TASSAN
L'amiante est un problème sanitaire bien
présent dans nos sociétés. Il s'agit d'une roche fibreuse
longtemps utilisée dans de nombreux domaines de la construction pour ses
propriétés: solidité, résistance aux hautes
températures, aux bactéries et à la plupart des agents
chimiques, isolation thermique et phonique. Lors de travaux ou avec le temps
et
51
d'éventuelles dégradations, de chocs, de
vibrations, des fibres microscopiques se libèrent et sont
néfastes pour la santé des occupants des logements.
Les études et les travaux scientifiques ont
établi que l'inhalation de fibres d'amiante présente un risque
pour la santé des occupants. Elle peut provoquer des difficultés
ou des insuffisances respiratoires. Elle peut induire également un
risque de cancer du poumon, de la plèvre et du péritoine.
Aujourd'hui, son utilisation est interdite et depuis le 31 décembre
1999, la réglementation oblige tous les bâtiments collectifs
à avoir fait l'objet d'un diagnostic de la présence d'amiante.
Les propriétaires de ces bâtiments ont l'obligation de
repérer les situations d'usures anormale de l'ensemble des
matériaux contenant de l'amiante en tenant le "carnet de santé
amiante" du bâtiment qui doit être à la disposition des
occupants de l'immeuble, des services de santé et le communiquer
à toute personne effectuant des travaux dans l'immeuble.
Si les matériaux contiennent de l'amiante mais ne sont
pas dégradés, il faut procéder tous les trois ans à
un contrôle de leur état de conservation. Si les matériaux
sont en revanche dégradés, des analyses d'air sont alors
effectuées, des travaux appropriés doivent être alors
engagés. Il existe donc deux types de travaux pour remédier au
risque amiante: encapsulage (revêtement, imprégnation ou
encoffrement) et retrait. Des contrôles doivent être par la suite
régulièrement effectués.