Citation extrait de"l'Inhabitable" de Joy Sorman et Eric
Lapierre: " La famille Sun a déserté Canton pour
rallier Paris en 2005 avec ses deux enfants. Elle loge au
rez-de-chaussée dans 3 petites pièces en enfilade
séparées les unes des autres par des cloisons
contreplaqués et placoplâtre. Les murs sont pelés,
colonisés par les moisissures. J'accompagne Annie, l'infirmière
de la SIEMP, qui s'occupe des enfants. Ils souffrent du froid continuel et de
l'humidité. Ce matin nombre d'entre eux reniflent et toussent,
paupières brûlantes et gonflées par le pus. Un
garçon de 5 ou 6 ans est couché au fond de la pièce, il
respire bruyamment, est pris de convulsions: Annie diagnostique une crise
d'asthme. Elle passe en revue tous les gamins, comme un gradé ses
réservistes, relève en quelques minutes des problèmes
respiratoires et dermatologiques provoqués par les moisissures, consulte
les carnets de santé pour vérifier que les vaccins sont à
jour. Ils sont toujours malades ces gosses, toute l'année,
affirme-t-elle".
Un problème récurrent touchant les
ménages français
Le logement fait l'objet d'une enquête de l'INSEE tous
les 4 à 5 ans en France. Cette enquête a montré qu'en 2006,
20% des ménages de France métropolitaine signalaient des signes
d'humidité dans leur logement. Ce défaut, en recul de quatre
points par rapport à 2002, demeurait le plus observé dans les
logements. La prévalence des problèmes d'humidité dans
l'habitat s'explique avant tout par l'époque de la construction et
l'état des façades et des vitres qui multiplient par six le
risque par rapport aux logements récents et en bon état.
Près d'un tiers des logements construits avant 1948, et près de
la moitié de ceux dont la façade est en mauvais état,
présentaient des signes d'humidité selon l'enquête
réalisée par l'INSEE en 2006.
De tous les facteurs, la période de construction est
le plus pénalisant. La proportion de logements humides est croissante
avec l'âge du bâti. Ces logements ont en règle
générale une mauvaise isolation de la toiture ou de la
façade. Le risque est également plus élevé pour les
logements mal chauffés (équipements absents ou défectueux)
et ceux utilisant un système de chauffage supplémentaire ainsi
que les logements mal ventilés.
Le surpeuplement dans le logement est aussi une cause
d'humidité. Un logement fortement surpeuplé augmente le
phénomène de condensation par une production accrue de vapeur
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d'eau liée à la respiration des occupants et
à l'utilisation accrue d'eau chaude sanitaire qui dégage de la
vapeur d'eau dans l'atmosphère. L'inadéquation entre la
production de vapeur d'eau dans le logement et son évacuation vers
l'extérieur (peu d'ouverture vers l'extérieur, absence de
fenêtres, absence ou mauvaise ventilation du logement) entraîne une
humidité importante. Celle-ci peut également être
favorisée par des modes de vie spécifiques (les familles
d'origine africaines cuisinent par exemple essentiellement à la vapeur
et n'ont pas toujours de hotte). Ainsi, on constate qu'en 2006, moins d'un
cinquième des logements sous-occupés étaient humides
contre plus d'un tiers des logements surpeuplés.
Outre la taille du ménage et son adéquation
avec la taille du logement, l'humidité dépend aussi de la
présence plus ou moins longue des occupants dans les lieux. Les
ménages composés de personnes inactives, donc plus
présentes dans leur logement au quotidien, souffrent moins de
l'humidité que les ménages actifs dont le logement est
chauffé moins constamment. L'enquête montre également que
les propriétaires occupants souffrent en moyenne deux fois moins de
l'humidité que les locataires. Les propriétaires occupants font
en effet plus facilement de travaux dans leurs logements que les
propriétaires bailleurs puisqu'ils en jouiront directement.
L'humidité dans les logements est donc le
défaut principal de l'habitat dégradé. Les professionnels
de la santé s'accordent à dire que l'humidité excessive au
sein de l'habitat a un impact direct et indirect sur la santé de ses
occupants: direct par les pathologies respiratoires et indirectes par
l'apparition d'autres désordres dans le logement tels que les
moisissures, les acariens et autres nuisibles néfastes pour la
santé des occupants.
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L'humidité à l'origine de désordres dans
le logement
Un taux d'humidité trop élevé dans le
logement va provoquer plusieurs désordres au sein de celui-ci. Au
premier rang de ces désordres se trouvent le développement de
cryptogamiques qui peuvent prendre la forme de moisissures, de champignons
simples ou de champignons plus complexes et élaborés. On constate
que les moisissures se développent essentiellement dans les milieux mal
ventilés, manquant de luminosité et humides. On les retrouve sur
les murs et les plafonds notamment au niveau des angles, moins bien
ventilés, ou des ponts thermiques (zones moins bien isolées donc
plus froides et plus sujettes à condensation). Il existe plusieurs types
de moisissures, parmi les plus répandues se trouvent les moisissures
toxinogènes qui peuvent provoquer des allergies ou des problèmes
respiratoires et les moisissures infectieuses qui peuvent provoquer des
affections cutanées. Les moisissures vont également produire des
substances toxiques qui sont des polluants atmosphériques ayant des
conséquences sur la santé, notamment allergiques.
Moisissures qui se développent au niveau
des angles
http://www.lamy-expertise.fr
Des champignons plus élaborés peuvent
également apparaître dans le logement. On constate qu'une
quarantaine de champignons peuvent infester les bois d'une habitation. Ils
peuvent causer des dégâts importants notamment dans les charpentes
et les planchers. Ils se développent de manière
générale derrière les plinthes et sous les
revêtements. Il convient
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d'identifier le champignon infestant une habitation afin de
prendre les mesures efficaces pour l'éradiquer.
Plus l'humidité dans l'habitat sera importante et plus le
champignon en développement sera allergène :
- Ce sont d'abord les " aspergillus " qui vont
développer. On les reconnaît par leur couleur vert
foncé.
- Vient ensuite, le " pénicillium ", de couleur verte.
-Le " cladosporium ", de couleur noire verdâtre - Et enfin, le " phoma ",
de couleur noire.
Classification des champignons
www.anah.fr
Dans les cas les plus graves, l'humidité au sein du
logement, pourra favoriser l'apparition de mérules. Les mérules
sont les champignons les plus dangereux, car ils ont moins besoins d'eau que
les autres pour subsister. En effet, la " mérule pleureuse " fabrique
l'humidité dont elle a besoin en captant dans l'atmosphère la
vapeur d'eau et en créant, à l'extrémité
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de ses filaments de mycélium, l'humidité
nécessaire à leur développement sous forme de gouttes
d'eau. Par le biais de ces filaments de mycélium, les mérules
sont capables de transporter l'eau au travers des murs ce qui leur permet de se
développer de façon très rapide et importante. On a par
exemple pu observer le développement de mérule sur trois
étages en deux ans en partant de l'infestation d'un
élément de chien-assis.
La présence de certains acariens ou de certaines
variétés de blattes pourront également être
favorisée par la présence d'humidité. Les blattes
possèdent sur leurs pattes des poils qui sont de véritables
éléments allergènes et peuvent favoriser l'asthme chez les
plus jeunes.
Les conséquences sanitaires de
l'humidité
Un habitat humide peut très rapidement constituer un
risque grave pour la santé des personnes sensibles en favorisant des
pathologies respiratoires et des problèmes dermatologiques. Les
problèmes de santé liés à cet habitat
dégradé sont multiples puisqu'on y retrouve notamment les
allergies, l'asthme, les rhinites, les bronchites, les conjonctivites, des
problèmes dermatologiques, des sifflements ou un encombrement des
poumons ou d'autres symptômes ORL ou de type rhumatisme.
Campagne Fondation Abbé Pierre sur le
logement indigne
www.fondation-abbe-pierre.fr
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Prenons quelques exemples:
La rhinite peut être allergique ou chronique et
développe des congestions nasales, des problèmes d'irritation et
de toux. Contrairement à une idée reçue, la rhinite
allergique n'est pas seulement une gêne occasionnée par les
pollens. D'autres allergènes (acariens, moisissures, blattes...) peuvent
en être aussi à l'origine. Dans ce cas, la rhinite, est
provoquée par une très mauvaise isolation de l'habitat, un taux
d'humidité constant et élevé et la présence trop
importante d'acariens ou d'animaux.
L'asthme est une maladie relative à des
problèmes respiratoires. Cette maladie est souvent aggravée par
le manque d'entretien du logement (présence importante d'acariens,
poussières...). L'asthme est aujourd'hui un problème mondial, et
le nombre de personnes atteintes est en constante augmentation. D'après
un rapport de l'OMS, c'est la maladie chronique la plus fréquente chez
l'enfant. Dans le monde, 300 millions d'individus sont actuellement
touchés par cette maladie, et ce chiffre pourrait atteindre 400 millions
en 2025. C'est une maladie qui touche davantage les couches
défavorisées de la population avec des manifestations cliniques
souvent graves chez ces patients en raison d'un environnement propice au
développement de la maladie et au manque de prise en charge
suffisant.
On constate une certaine corrélation entre ces deux
pathologies puisque 20% des personnes souffrant de rhinite allergique font
également de l'asthme et 80% des asthmatiques ont aussi une rhinite.
Depuis plusieurs années, la compréhension du
phénomène asthmatique a évoluée et les traitements
disponibles ont beaucoup progressés. Malgré tout, 50% des
patients ne suivent pas correctement le traitement prescrit. Il faut donc
prendre en compte les aspects culturels, sociaux, psychologiques et
économiques de la maladie si l'on veut approcher au plus près les
réalités des personnes et optimiser l'ensemble de la prise en
charge de la maladie allergique en modifiant les comportements des
individus.
Depuis une vingtaine d'année, le lien entre la charge
en allergènes et en polluants domestiques de l'habitat et l'asthme ou la
rhinite a été démontré. Cependant,une
problématique existe toujours. La question est de savoir si l'habitat
insalubre est à l'origine de la maladie. Il est en effet établi
qu'un habitat insalubre aggrave les problèmes de santé et
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notamment l'asthme chez les enfants. Mais il est beaucoup plus
délicat de montrer que cet habitat est uniquement responsable de la
maladie. L'habitat est d'ailleurs rarement reconnu comme
l'élément déclencheur d'une maladie sauf dans les cas de
saturnisme, affection liée au plomb que nous avons traité
précédemment.