" Une ville champignon"
Roubaix, autrefois village puis bourg, a connu son essor
grâce à l'industrie textile. La morphologie urbaine de Roubaix et
son essor à un rythme effréné peut se lire et s'expliquer
à travers son évolution historique. Il convient donc de rappeler
son histoire.
L'industrie textile se développe à Roubaix et
à Tourcoing dès l'Ancien Régime. Le 1er novembre 1469, une
charte de Charles le Téméraire autorise le seigneur de Roubaix
à "licitement draper et faire draps de toutes laines" . Roubaix n'est
à l'époque qu'un simple village de sept cent personnes qui va
connaître une véritable expansion grâce à l'industrie
textile. Au début du XVIIIème siècle, c'est un bourg
central entouré de onze hameaux qui comptera 4700 habitants.
Cette population va doubler et sera de 8300 personnes
début XIXème siècle, c'est d'ailleurs à cette
époque que Roubaix sera qualifiée de « ville». Elle
devient alors une véritable "ville-champignon" qui, à partir de
la seconde moitié du XIXème siècle, compte pas moins de 50
000 habitants.
La Révolution Industrielle surgit à Roubaix en
1820. L'introduction de machines mécaniques à tisser et à
filer, bouscule l'artisanat et appelle de plus en plus de bras dans les usines
textiles édifiées à la hâte. C'est une ville mono
industrielle qui prospère grâce au travail du coton et de la
laine. Pour faire fonctionner ces usines, il est nécessaire de faire
venir la main d'Suvre des bourgs ruraux voisins, puis de la région
wallonne frontalière peu industrialisée à l'époque.
L'immigration bénéficie à l'industrialisation de Roubaix
dès ses prémisses. Les ouvriers les plus proches font le trajet
quotidiennement, les autres s'installent à Roubaix. D'abord seuls dans
des " garnis ", chambres meublées le plus souvent situées
au-dessus des " cafés dîneurs", qui fournissent les repas aux
locataires. Peu à peu, ces travailleurs y font progressivement venir
leur famille dont les femmes et les enfants alimenteront à leur tour la
main d'Suvre de cette industrie florissante.
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Cette immigration conduit rapidement à une pénurie
de logement. Il faut alors construire à la hâte des logements pour
ces nouveaux arrivants. Les propriétaires de terrains, parfois aussi
patrons des usines, construisent au plus près des lieux de travail et en
condensant au maximum les habitations pour perdre le moins possible d'espace.
La qualité des constructions est médiocre, souvent sans fondation
et bâties de briques mono - cuites et de torchis. Les courées
viennent de naître et deviennent vite le mode de logement
prédominant dans"la ville au mille cheminées ". Elles permettent
de loger ces nouvelles familles ouvrières qui comptent souvent,
malgré la forte mortalité infantile, un grand nombre d'enfants.
Ces constructions de piètre qualité et bâties sans ordre
n'y règle entraînent le développement d'un tissu urbain
anarchique et rapidement de l'insalubrité.
Roubaix, la ville aux mille cheminées,
1850
http://www.arts-spectacles.com
Roubaix, la ville aux mille cheminées,
1911
Archives Médiathèque Roubaix
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Les premiers dysfonctionnements des courées
Les courées sont construites aussi par les bourgeois dans
l'espace interne des îlots laissé libre de construction. La maison
bourgeoise traditionnelle est en effet en front de rue, sur une parcelle
étroite et allongée se terminant par un jardin ou un espace
cultivé. Les jardins étaient desservis par de petits chemins qui
en permettaient l'accès à partir des rues principales. Les
constructeurs des logements ouvriers vont en faire un type d'urbanisme
spécifique, sans morphologie urbaine préexistante. Ces
courées deviennent la règle. Ce mode d'urbanisation obéit
à un ordre, celui de l'usine : proximité immédiate,
contrôle de la main d'Suvre et temps de transport supprimé. De
nombreux propriétaires possédaient aussi des débits de
boissons, gérés par des cabaretiers souvent responsable aussi de
la perception des loyers. Le nombre de ces cafés est important et
génère un alcoolisme surtout chez les hommes mais pouvant aussi
toucher les femmes avec des conséquences graves sur les familles.
La division spatiale des zones en différents types
d'habitats tend à faire encadrer la classe ouvrière par la petite
bourgeoisie. Les difficultés quotidiennes partagées par
l'ensemble des occupants des courées créent rapidement une
solidarité et une cohésion sociale entre ces habitants. Cet
habitat présente donc des avantages certains mais sa conception sommaire
et rapide va rapidement laisser apparaître des dysfonctionnements.
Un mode d'habitat favorisant la solidarité
et la cohésion sociale, Fives
http://achft.ville-fachesthumesnil.org/bull_73_06.php
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Dès 1886, un arrêté municipal à
Tourcoing stigmatise ces "foyers d'infection" que sont les courées
où les familles ouvrières logent dans " des constructions
où les simples notions d'hygiène sont méconnues, sans air,
au milieu d'une malpropreté repoussante et presque impossible à
éviter à cause des dispositions spéciales des
espèces de cités où elles s'entassent". En 1912, il existe
près de 1 300 courées à Roubaix qui abritent 48% de la
population totale de la ville. Cette forme d'habitat symbolisera
l'insalubrité dans la métropole lilloise.
Le peu d'espace dédié à ce type de
construction spécifique ne permet en effet que la création de
petites pièces. L'aération et la luminosité de ce type
d'habitat sont réduites au minimum, l'absence de fondation ainsi que
l'utilisation de la brique sans couche d'étanchéité
favorisent les remontées telluriques. L'humidité y est donc
monnaie courante. L'eau courante dans les maisons reste exceptionnelle, elle
est fournie par un point d'eau collectif, un puit ou une citerne avec une pompe
puis plus tard un robinet à l'entrée de la courée. Les
eaux usées s'écoulent quant à elles vers les égouts
de la rue par une rigole creusée à ciel ouvert dans le passage
entre les maisons.
Héritage d'une rigole creusée dans
la cour, ancien égout à ciel ouvert
Service Communal
d'Hygiène et de Santé, Roubaix
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Les latrines se trouvent en général dans la cour et
se déversent dans une fosse d'aisance (sorte de citerne en
maçonnerie enterrée qu'un vidangeur vient vider
régulièrement), elles sont communes à de nombreuses
maisons et donc à des dizaines de personne.
Héritage de WC commun, externe au
logement
Service Communal d'Hygiène et de Santé,
Roubaix
Les nuisibles (rats, cafards, puces et punaises) "cohabitent"
avec les habitants. Le passage entre les maisons est généralement
encombrée par les débarras des différentes familles et
notamment les réserves de charbon appelés " cotche " dans le
patois local.
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Des espaces étroits, bien souvent
encombrés
Service Communal d'Hygiène et de Santé,
Roubaix
La courée est également un lieu de surpeuplement
entraînant généralement des épidémies
dangereuses. La promiscuité est en effet un facteur d'aggravation de
maladies. La tuberculose sera l'une des principales causes de la
mortalité des plus jeunes dans les courées au cours du
XIXème siècle.
Sur un plan organisationnel, on constate que les courées
sont construites sans logique urbanistique et laisse place un véritable
chaos urbain.
Une organisation de la ville répondant aux
logiques industrielles et laissant place à un chaos urbain
Archives
Médiathèque Roubaix
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Les premières réponses municipales aux
problèmes d'insalubrité
La municipalité de l'époque cherchera à
corriger ces dysfonctionnements urbanistiques. Bien qu'un alignement des rues
soit mis en place dès 1819 avec un premier plan d'urbanisme, sur ordre
du préfet et que la délimitation de la ville soit fixée
cette même année, le développement urbain de la ville s'est
fait au bon vouloir des spéculateurs privés et donc sans
règles établies pendant plusieurs années. Les
premières lignes de chemin de fer vont apparaître et la
construction du canal est décidée au nord de la ville pour
favoriser les échanges commerciaux et notamment l'arrivée des
matières premières au centre de la ville. La maison de
maître, l'habitat spécifique de la haute bourgeoisie industrielle,
au départ intégrée à la vie industrielle va
à la fin du XIXème siècle, se déplacer au sud-ouest
de la ville, à proximité du parc de Barbieux, créant ainsi
l'unique quartier de standing. Les usines se développent en
périphérie essentiellement entre le canal et la voie
ferrée. Des boulevards et des places sont aménagés
restructurant la ville. En 1905, la première loi de santé
publique avait imposé aux villes de plus de 20 000 habitants la
création du permis de construire.
La construction de logements ouvriers va en revanche
s'arrêter à partir de 1914, La première Guerre Mondiale
mettant un frein à l'expansion industrielle et à l'explosion
démographique. Le 14 mai 1919 est votée la loi Cornudet, qui
oblige toutes les communes de plus de 10 000 habitants à établir
un "plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension". Ces
réglementations serviront à guider les réalisations
publiques des villes et à contrôler une urbanisation
jusqu'à alors anarchique.
Il devient indispensable pour la ville de mettre en place un
projet de construction de logements neufs face à une pénurie de
logements : l'office public des Habitations Bon Marché (HBM) est
créé le 26 octobre 1920. Ce seront donc 197 maisons et 584
appartements qui seront construits en périphérie de Roubaix entre
1923 et 1932. Ces logements sont très confortables pour l'époque
avec un accès à l'eau courante dans l'habitation,
l'électricité ainsi qu'une meilleure isolation. Cette
création municipale de logements neufs salubres favorisant de bonnes
conditions de vie est avant tout un enjeu politique empreint de la mouvance
hygiéniste dans un contexte social particulièrement
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tendu afin de " calmer les petites mains". L'histoire
roubaisienne étant, rappelons le, traversée par des nombreuses
grèves. C'est la création du " Nouveaux Roubaix ".
Nouveau Roubaix, HBM
http://cueep102.univ-lille1.fr/atemem/nvrbx/tag/hbm/
Pour remédier aux problèmes de santé qui
touchent les ouvriers, une série de services municipaux appuyée
par le mouvement hygiéniste et les avancées sociales sont
également créés tel que les cantines, le centres
aéré, la piscine et les bains publics. De nombreuses
écoles sont également construites afin de scolariser les enfants
ouvriers. " L'école de Plein Air " destinée aux enfants à
la santé fragile est située dans la "campagne roubaisienne "
à l'endroit de l'actuel Vélodrome.
D'un point de vue de l'assainissement, la municipalité
entame un programme de raccordement des habitations à l'eau potable, de
pavages de certaines voiries et de réfection de certaines poches
d'habitat insalubre.
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Piscine de Roubaix : les bains publics
Archives
Médiathèque Roubaix
En 1922, la municipalité charge
l'architecte Albert Baert (qui a déjà fait ses preuves avec les
Bains Dunkerquois) de construire la plus belle piscine de France. L'ambitieux
projet aboutit en 1932, traversant toutes les difficultés
financières. C'est le triomphe de l'architecture hygiéniste ("un
esprit sain dans un corps sain") .Une réussite qui fait de ce
bâtiment à la fois une piscine sportive et un établissement
public de bains douches - un actif centre de vie et un lieu de rencontre
ludique.
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Les logements sociaux: l'essentiel de la construction de la
ville
C'est en 1945, à la fin de la deuxième Guerre
Mondiale que des cités jardins en lotissement destinées à
une population d'employés plus aisés, se greffent au sud-ouest de
Roubaix mais c'est surtout à partir de 1943 avec la création du
CIL que se développe un nouveau type d'habitat: le logement social
collectif. Cette construction de logements est destinée aux
employés des entreprises qui cotisent au 1 % patronal. En
parallèle, un autre organisme, né à Lyon, se
développe à Roubaix. Il s'agit du PACT (Programme d'Actions
contre les Taudis), qui permet de restaurer et d'entretenir des maisons
délabrées. Cet entretien du bâti s'accompagnement
également d'un accompagnement social pour les personnes les plus
défavorisées. Progressivement, le PACT fusionnant avec le CAH
(Commission pour l'Amélioration de l'Habitat) deviendra un bailleur
permettant de loger des ménages en grande précarité.
Désormais, comme dans la plupart des villes
ouvrières, les logements sociaux représentent l'essentiel de la
construction de la ville. Ils se situent en général au sud est
sur des terrains encore libres de constructions. Les premiers sont des HLM
assez intégrés à la réalité urbaine. A
partir de 1960, la période de construction des grands ensembles
collectifs permettent le développement de la ZUP des Trois Ponts
à Roubaix afin de reloger les habitants du premier épisode de
Résorption d'Habitat Insalubre. En effet, près de 1 800 logements
ont été détruits sur Roubaix. A partir des années
1960 - 1970, d'importantes opérations d'urbanismes ont été
lancé comme les " Longues Haies " ou " l'Alma Gare ". L'opération
Alma Gare commencée dès 1973 ou encore l'avenue des Nations
Unies, axe reliant les centres de Roubaix et Tourcoing permettront la
création de logements récents et le positionnement
d'activités industrielles.
La morphologie urbaine des années 1980 -1990 est issue
de ces phases d'évolution du logement et la ville se trouve ainsi
divisée en trois zones:
- Au Sud / Sud-est, les grands ensembles des années
1960-1970
- Au Sud-ouest, l'habitat de standing et les lotissements
construits à partir de 1945
- Au Centre et au Nord, l'habitat ancien ainsi que de plus
récentes constructions de logements sociaux.
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Le tissu urbain ne converge pas vers un centre bien que la
Grande Place soit un repère important. Il s'agit plutôt d'une
structure par quartiers qui reste fortement marquée s'expliquant
historiquement par la formation de ces quartiers autour des usines.
Roubaix est encore largement dominée par l'habitat du
XIXème siècle et les problèmes liés à un
parc de logements anciens dégradés. Des îlots de
pauvreté se développent dans ces espaces. On y retrouve une forte
concentration de population fragile par leurs situations précaires. Au
départ, ces îlots de pauvreté se développent autour
de la gare, puis une extension de ce phénomène gagnera les
secteurs ouest et nord de Roubaix.
Le déclin industriel a provoqué une crise
sociale aigue. Une grande partie de la population s'est trouvée
désolvabilisée et faute de moyens pécuniers, n'a plus
entretenu correctement les logements qui se sont dégradés. La
dégradation des immeubles, par abandon de tout investissement sont
favorables aux squats de ces espaces et à la fuite des classes moyennes
vers les proches communes périphériques.
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Le contexte économique et social roubaisien
De nombreuses études montrent que " les courées
apparaissent comme le refuge d'une population particulièrement
démunies". On se trouve en présence de couches sociales
populaires peu intégrées à la vie sociale de la
cité et discriminées par leur lieu de vie. D'une part, nombre
d'habitants des courées restent en dehors du champ de la production: ce
sont les vieux, les jeunes, une bonne partie des femmes. D'autre part, les
travailleurs actifs appartiennent aux catégories sociales les plus
exploitées et les plus mal défendues de la classe
ouvrière. Il s'agit de populations précaires
généralement aux caractéristiques similaires :
- Un pourcentage très important d'immigrés: 30%
de la population totale des courées dont 16% de Nord-Africains.
- Une population très jeune: en 1971, 51% de la
population des courées était née après 1946, alors
que la moyenne nationale de l'époque était de 41%.
- Mais avec un nombre important de personnes
âgées : plus de 20% de cette population ayant 65 ans et plus, ce
qui est supérieur à la moyenne nationale: 13% en 1968.
- Un nombre important de personnes vivant seules: 28% du
total, correspondant aussi bien à des personnes âgées
qu'à des travailleurs immigrés célibataires.
- Peu d'actifs. En 1971, on trouvait seulement 60% des chefs
de famille ayant un emploi à temps complet ou partiel, les autres
étant au chômage, à la retraite, en congé de longue
maladie ou sans emploi connu... Pour les actifs, il s'agit essentiellement de
travailleurs occupants des emplois non qualifiés ou
déqualifiés.
Les caractéristiques de cette population, très
précaire, amènent donc trois conséquences
immédiates qui ont pesé dans le déroulement des actions
menées contre les formes prises par la résorption des
courées.
La première est que les habitants des courées
sont inégalement concernés par la lutte pour la conservation de
leur habitat. Pour tous les sans-travail, la perte de leur logement
représente une catastrophe et un avenir incertain: envoi en foyers ou en
hospices des personnes âgées, incertitude totale pour les
chômeurs de retrouver un logement... Pour
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ceux qui travaillent, si le départ de leur logement
pose à tous de graves problèmes, leurs revenus leur permettent
toutefois de se reloger ailleurs.
La deuxième conséquence est que les
organisations représentatives de la classe ouvrière n'ont
quasiment jamais été partie prenante dans ces actions. Il y a des
difficultés à toucher la base ouvrière roubaisienne,
à mobiliser sur le thème des courées, et à en faire
un objectif de classe.
Roubaix connaît des difficultés
récurrentes depuis le début du déclin de l'industrie
textile et une grande partie de la population vit dans la
précarité. La ville enregistre ainsi tous les symptômes de
la crise: déclin du tissu économique et social, importance des
phénomènes de pauvreté et de chômage, déclin
démographique, dégradation de l'environnement urbanistique,
existence de clivage sociaux très marqués.
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Les caractéristiques de l'insalubrité
"post-industriel"
Le tissu urbain ancien de l'agglomération roubaisienne
façonné il y a plus de cent ans en fonction de l'organisation
sociale et économique de la production textile, cumule à la fin
de la Révolution Industrielle et avant la mise en place des
opérations de Résorption de l'Habitat Insalubre plusieurs
facteurs propices au développement de l'insalubrité. Ces facteurs
sont notamment liés à l'obsolescence de l'organisation hyperdense
de l'habitat individuel. La densité des îlots, construits à
la fois en périphérie des villes le long des rues et dans leur
centre avec les courées, sans espace extérieur privatif, avec
souvent de très faible marge de recul entre chaque habitation
entraîne souvent un faible éclairement du logement et une
promiscuité et un manque d'intimité visuelle et sonore. Les
nombreuses servitudes et dépendances entre immeubles sont sources de
graves problèmes de gestion dès que ne fonctionne plus la
solidarité, élément essentiel entre propriétaires
ou locataires des différentes unités intégrées.
Cette rupture des solidarités peut apparaître à la suite
soit du désinvestissement du propriétaire bailleur, soit de
l'éclatement de la propriété foncière, de la
vacance voire de l'abandon d'un ou plusieurs lots, soit même de la
disparition de la mémoire et des traditions de convivialité
liées à ce mode d'habitat. On y rencontre alors des
problèmes d'hygiène élémentaires: fosses d'aisance
collectives dégradées, toilettes non entretenues, canalisations
d'évacuation d'eau bouchées, écrasées, enfouies
sous des constructions annexes, odeurs nauséabondes, débordements
de matières fécales... La propagation en chaîne de
l'humidité et des champignons dans les constructions sont un autre
élément d'insalubrité fréquemment rencontrés
dans cet habitat.
L'insécurité vis à vis des cambriolages
liés à la facilité de circuler d'un immeuble à
l'autre par les chéneaux, de rentrer par les fenêtres
arrières ou les vasistas est un véritable problème pour
les occupants et cela notamment due à l'organisation hyperdense du
bâti.
On constate que l'insalubrité se développe
rapidement dans ce tissu hyperdense dès lors que disparaît une
autorité ou une entente collective, capable d'assurer l'entretien des
servitudes et du gros Suvre d'un point de vue d'ensemble, ainsi que le
contrôle social des espaces collectifs. C'est par îlot entier et
non par courée que se joue la capacité à résister
à l'insalubrité.
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Les facteurs de l'insalubrité sont également
liés à la situation des quartiers. Ceux-ci sont en effet
saturés à l'origine d'usines, d'habitations ouvrières et
parfois aussi d'habitations plus bourgeoises, ils cumulent l'ensemble des
handicaps, et associent de nombreux besoins d'intervention:
- dédensification et amélioration de l'habitat
- résorption ou conversion des friches industrielles
- réfection de voiries, de réseaux
- création d'espaces publics, d'espaces verts et
d'équipements
La tendance à l'insalubrité d'un quartier
dépend également de la place du quartier sur le marché
foncier, et donc de sa situation dans l'agglomération et de son image
dans la représentation collective de la ville.
L'habitat est l'élément le plus fragile d'un
quartier. Il est à la fois fondateur et victime de l'image d'un quartier
et à l'opinion collective que les habitants, propriétaires et
investisseurs potentiels peuvent avoir de la tendance du quartier à
s'améliorer ou à se dégrader. Dans ces circonstances, la
lutte contre l'insalubrité dans l'habitat, est d'autant plus
délicate que certaines procédures contribuent pendant un temps
à affaiblir le quartier et à le mettre encore plus en danger.
La paupérisation de la population ouvrière de
Roubaix est un facteur déterminant de l'insalubrité. Pendant
longtemps cette population fut au service de la mono industrie textile. Le
faible niveau de formation et le peu d'aptitudes à la reconversion des
salariés ayant perdu leur emploi, se cumulent aux énormes
difficultés existant pour l'emploi des jeunes. Ces difficultés
sont accrues pour les jeunes dont les familles n'ont connu que les travaux les
moins qualifiés du textile. Ce dernier aspect se répercute sur
les capacités et dispositions à investir dans l'entretien de
l'habitat. Il y a une forte tendance à l'insalubrité dans
l'habitat individuel des grandes familles ouvrières dont les
pères, anciens ouvriers d'usines, sont aujourd'hui sans emploi, ou en
retraite, et les enfants jeunes adultes, nombreux sans emploi stable, en
surpeuplement dans le logement, n'ont pas la possibilité d'accès
à un habitat autonome, n'y la capacité à
réhabiliter ou adapter l'immeuble familial.
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Les difficultés économiques croissantes des
ménages se répercutent sur l'attitude des propriétaires
bailleurs des immeubles anciens, vis à vis de la conservation du
patrimoine :
- Grandes difficultés à obtenir l'investissement
de bailleurs privés (ou publics) dans l'amélioration de
l'habitat.
- Mise en vente progressive du patrimoine locatif
- Apparition d'un nouveau marché locatif avec des
immeubles sur rue achetés à bas prix puis mis en location
à loyer élevé sans investissement ni entretien, à
des locataires disposant de ressources réelles mais précaires et
exclus du patrimoine HLM. Certains locataires s'installent pour des raisons
économiques dans des conditions de sur occupation. Ce
phénomène est d'ailleurs favorisé par la division
illégale d'immeubles, à l'origine mono familiaux, est
loués en appartements de petite taille afin d'en accroître la
rentabilité. Le développement de telles situations est
également propice à la création de nouveaux foyers
d'insalubrité.