4 - L'accompagnement des propriétaires : un
travail technique
Concernant l'accompagnement du propriétaire, il existe
deux démarches de suivis :
- Soit le logement, est frappé d'un arrêté
et dans ce cas le propriétaire a l'obligation de réaliser les
travaux prescrits afin de remédier à l'insalubrité et / ou
péril du logement (volet coercitif Agence Régionale de la
Santé ). Cela concerne 46% des logements engagés dans la MOUS sur
le territoire de Lille Métropole.
- Soit, pour les autres situations, sans arrêté,
il est convenu par une médiation préalable dont la durée
est déterminée. L'objectif est de juger l'engagement du
propriétaire vers un projet qualitatif pour son logement, avant de
formaliser une procédure de police sanitaire dans les cas d'inaction. Ce
choix concerne exclusivement des logements repris par des investisseurs ou des
propriétaires occupants.
Les propriétaires bailleurs sont automatiquement soumis
à une procédure de police dans le cas où la location du
logement est avérée.
L'engagement dans une démarche de travaux est
jalonné par quatre étapes importantes:
- Montage du dossier technique (Déclaration d'Urbanisme,
devis...)
- Recherche de financements (demande de subvention,
prêt...)
-Réalisation des travaux
-Solde du dossier (travaux d'insalubrité, levée
d'insalubrité...)
Ces étapes ne sont cependant pas toujours faciles
à mettre en place. On constate en effet que sur les 183
propriétaires accompagnées dans la MOUS entre 2011 et 2012, 2/3
sont engagés dans une démarche de travaux. 1/3 des
propriétaires n'a pas encore basculé en phase active de
suppression de l'insalubrité. Dans ces cas précis, il convient
alors d'engager une médiation avec le propriétaire et un dialogue
afin d'intervenir sur d'autres thématiques comme la santé pouvant
bloquer la démarche de projet. Il peut alors également
s'avérer nécessaire en cas de problématique
financière d'envisager une revente du bien ou un glissement de bail.
130
L'accompagnement mis en Suvre est donc nécessaire afin
d'identifier le patrimoine du bailleur, ses possibilités
d'hébergement (si présence d'un locataire) et sa
stratégie. L'intervention visera au maximum le maintien des locataires
dans les lieux avec hébergement et retour à domicile.
Des exemples de cas concrets sur Roubaix et Tourcoing
engagés dans le cadre la MOUS LHI vont permettre de mettre en
évidence différents cas de figure d'accompagnement des
propriétaires.
131
Etude de cas
Projet de sortie d'indignité
Rue des Arts, Roubaix
A Roubaix, rue des Arts, un propriétaire a
acheté en 2010 un immeuble vacant en vue de sa location, il s'agit d'un
T4 de 84 m2. L'immeuble est situé à proximité
du métro, en plein centre-ville.
Suivi MOUS LHI
PACT
Le SCHS de la ville est intervenu au domicile dans le cadre de
son partenariat avec la CAF pour évaluer la décence du logement
avant sa mise en location. Un rapport du SCHS a mis en évidence un
constat d'insalubrité. Le partenariat avec la MOUS LHI a
été mis en place sans procédure ou échéance
d'hébergement ou de relogement, puisque le logement a été
acheté sans locataire et qu'il s'agit d'un nouveau propriétaire.
Le constat d'insalubrité met en évidence de multiples travaux
à réaliser. Ces travaux sont relativement classiques en
matière de procédures d'insalubrité.
Le logement n'est pas raccordé au réseau
d'assainissement public, le logement n'est pas suffisamment isolé au
niveau thermique et phonique, l'ensemble des menuiseries, couverture et
chéneaux sont en mauvais état et entraînent de nombreuses
infiltrations,
l'escalier ne dispose pas de rampes d'accès. Les
équipements sanitaires sont vétustes. L'électricité
n'est pas aux normes et le logement ne dispose pas de moyen de chauffage.
Photos du constat d'insalubrité du
logement
PACT
133
La médiation avec le propriétaire a permis
d'engager un réel projet de qualité pour la sortie
d'indignité de son immeuble. La visite du logement s'est faite en 2010,
les travaux ont commencé en 2011 avec les subventions ANAH et le constat
de fin de travaux a été fait en 2012. Le montant des travaux est
de 121 000 euros TTC. Les travaux furent subventionnés par l'ANAH
à hauteur de 72 000 euros, ce qui fut particulièrement
intéressant pour le propriétaire.
Photos de l'avancement des travaux
PACT
134
Ces projets de sortie d'indignité ne sont cependant pas
toujours faciles à mettre en place et le dialogue avec le
propriétaire peut être complexe à engager, voire même
inexistant. Il convient pour cela d'identifier différents « types
» de propriétaires.
Le propriétaire de l'immeuble de la rue des Arts
à Roubaix est un investisseur. Il achète de nombreux biens, qu'il
réhabilite afin de les mettre en location. Il connaît bien la
procédure engagée et les intérêts qu'il peut y
trouver (réhabilitation avec subventions ANAH, défiscalisation et
location à loyer maîtrisé pendant 9 ans). Il profite ainsi
de l'accompagnement du PACT pour réhabiliter son patrimoine et
créer de la mixité sociale.
Ce propriétaire connaît bien ce quartier, il y a
toujours vécu et y possède plusieurs maisons qu'il loue. Il
cherche d'ailleurs à l'améliorer, le dynamiser en jouant sur la
couleur des façades et en recherchant de la mixité sociale...
Après 9 ans d'obligation de pratiquer un loyer
maîtrisé très social dans le cadre des subventions ANAH, le
propriétaire pourra soit revendre son bien, soit fixer un loyer
libre.
La communication et la démarche de "faire" avec ces
propriétaires investisseurs est particulièrement aisée. Ce
n'est cependant pas le cas dans toutes les démarches. On retrouve en
effet des propriétaires bailleurs qui rentabilisent à moindre
coût. Ils sont alors qualifiés de bailleurs indélicats,
voire de marchands de sommeil. Un volet coercitif avec le Service Communal
d'Hygiène et de Santé et l'Agence Régional de la
Santé est généralement nécessaire dans ce genre de
situation.
135
Rue Vauban, Croix
A Croix, rue Vauban, un propriétaire occupant
possède deux maisons insalubres dans la même rue. Les maisons sont
situées en centre-ville. Il dit vivre dans un des logements avec sa
femme et son enfant et ne pas occuper l'autre. L'autre logement serait
uniquement un lieu de stockage d'objets divers (il n'y a pas de syndrome de
Diogène). L'agent social et la chargée d'opération
suspecte toutefois qu'il occupe les deux logements.
Le propriétaire n'a pas les moyens financiers
suffisants pour occuper et réhabiliter les deux logements. Il va donc
vendre l'un des deux à un investisseur (réhabilitation pour mise
en location).
Le propriétaire entame une démarche de
réhabilitation du second logement afin d'y vivre avec sa conjointe et
son enfant.
Le constat d'insalubrité préconise des travaux
de réhabilitation importants pour sortir le logement de son
indignité. Le propriétaire doit tout d'abord remédier
à la mise aux normes et en sécurité de son logement par
une installation électrique aux normes et reliée à la
terre. Il doit installer un système de chauffage adéquat avec
ventilation (le poêle à gaz utilisé avec absence de
ventilation haute et basse représente un danger pour les occupants). Le
logement ne dispose pas de sanitaires (WC extérieur au logement et pas
de salle de bain) n'y d'eau chaude. Le propriétaire doit donc y
remédier.
Les travaux concernent également l'ensemble des
menuiseries vétustes, la couverture provoquant des infiltrations au sein
du logement, la façade et l'assainissement. Il s'agit de travaux
importants pour un ménage précaire.
136
Photos du constat
d'insalubrité
PACT
137
Le dialogue est plus complexe avec ce propriétaire. Il
s'agit d'un propriétaire occupant son logement. Il refuse les
subventions ANAH qui le contraignent à recourir à des entreprises
qu'ils jugent trop coûteuses. Il a donc recours au travail au noir. Il y
a une véritable culture du "travail au black" à Roubaix. De
nombreux propriétaires occupants ou bailleurs y ont recours. Ils font
appellent à « des amis », de la famille, une connaissance pour
refaire leur électricité, système de chauffage...
Ce sont bien souvent des ouvriers non compétents qui
effectuent du " rafistolage " avec des matériaux cache-misère.
L'électricité ou le chauffage, ainsi bricolés, ne sont
souvent pas aux normes et peuvent représenter un danger pour les
occupants du logement.
Les travaux n'étant pas satisfaisants, le dossier n'est
toujours pas soldé.
138
Rue du Général Chanzy,
Roubaix
A Roubaix, rue du Général Chanzy (quartier Moulin),
un couple de propriétaires occupants avec trois enfants occupent une
maison familiale. Cette maison appartenait aux parents du propriétaire.
C'est donc un héritage auquel le ménage est
particulièrement attaché. Cependant, suite à une
première visite des lieux en 2012 par le Service Communal
d'Hygiène et de Santé, le logement a été reconnu en
état d'insalubrité. Les photos montrent par ailleurs la
présence de moisissures mais également de peintures
écaillées. Le Service Communal d'Hygiène et de
Santé a relevé la présence de plomb dans les peintures. Le
logement représente donc un danger pour la santé des occupants
notamment les trois enfants mineurs.
Photos du constat
d'Insalubrité
PACT
139
Le montant des travaux a été estimé à
82 000 euros couvert à hauteur de 55 400 euros par les subventions ANAH.
Les 27 000 euros restants, seraient donc à la charge du
propriétaire, or, c'est un ménage très précaire. Il
ne dispose pas des ressources suffisantes pour accomplir ces travaux et ne
souhaitent pas vendre la maison au vu de l'attachement familial qu'elle
représente.
Dans ce cas présent, afin que la famille préserve
son patrimoine, c'est le PACT qui va reprendre le bail de la maison et se
substituer au propriétaire afin d'accomplir les travaux. Le PACT devient
donc le nouveau propriétaire du logement pendant plusieurs années
et le ménage occupant le logement paye un loyer mensuel afin de
rembourser ses dettes et récupérer son bien. Dans le cas de la
rue du Général Chanzy, le loyer mensuel est fixé à
334 euros par mois. La famille redeviendra propriétaire du bien au bout
de 38 ans.
Ce compromis n'a pas été facile à mettre en
place avec la famille puisqu'en effet pour de nombreux ménages, ce
glissement de bail représente un réel échec. Ils ont le
sentiment de perdre leur maison.
Cela peut, de plus, être contraignant puisqu'en cas de
décès des parents, la maison ne revient pas aux enfants s'ils
sont mineurs. D'autres locataires seront choisis par le PACT en attendant leur
majorité. De plus, le PACT dispose d'un droit d'expulsion sur ces
ménages puisqu'ils ne sont plus propriétaires mais locataires de
leur logement.
Ce compromis peut donc effrayer de nombreux ménages. Un
dialogue constructif et une confiance forte est nécessaire afin de mener
à bien un projet de sortie d'indignité par ce
140
type de procédure. L'opérateur et plus
particulièrement l'agent social et le chargé de mission
accompagnent la famille dans cette démarche.
141
L'intervention sur les immeubles occupés par des
propriétaires est relativement complexe. Peu de procédures
d'insalubrité sont engagées, excepté pour des situations
de péril ou à risque élevé. Il est en effet
très rare que des propriétaires formulent une demande d'aide
à la sortie d'insalubrité, ils vont être orientés
suite à d'autres problématiques qui permettent de
découvrir la situation d'insalubrité ou lorsqu'un signalement est
fait par le voisinage ou une assistante sociale... Il s'agit en
général de situations très complexes dans lesquelles on
retrouve de véritables problématiques sociales,
financières, juridiques et sanitaires. Ainsi, en avril 2012, des
priorités d'intervention ont été définies afin
d'améliorer l'accompagnement de ces ménages.
En fonction du diagnostic établi, l'intervention pourra
soit concerner l'état du logement uniquement, soit l'état du
logement et une autre problématique pouvant être traitée en
parallèle, soit concerner l'état du logement et plusieurs autres
thématiques, qu'il convient de traiter avant de pouvoir intervenir sur
le bâti.
Chaque situation de sortie d'indignité est
différente, il n'y a pas de « recette miracle » qui
permettrait leur traitement. Le travail de l'équipe pluridisciplinaire
est donc essentiel afin de s'adapter à ces situations et
d'établir un dialogue et un lien de confiance avec la famille occupant
les lieux et le propriétaire s'il est différent, afin de mener au
mieux un projet viable. Claude Dujardin, directeur du Service Communal
d'Hygiène et de Santé de Roubaix indique d'ailleurs dans «
La France Invisible » : « L'insalubrité ce n'est pas qu'une
histoire de briques, il y a de l'humain derrière ». Il est donc
essentiel de prendre en compte cette dimension humaine et sociale dans chaque
traitement d'indignité, parfois avant même le traitement du
bâti lui-même.
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