3 / L'accompagnement des occupants : un travail
social
L'accompagnement des occupants concerne à la fois les
locataires mais également les propriétaires s'ils sont
eux-mêmes occupants.
Pour le propriétaire occupant, il se limitera souvent
à une mise à plat de divers dossiers administratifs (CMU, RSA...)
et à un soutien psychologique dans le changement que représente
la prise de conscience de l'état du logement, la décision de
faire des travaux, la mise en place de moyens rendant ces travaux possible et
le temps d'exécution des travaux.
Il peut arriver aussi que le travailleur social, s'appuyant
sur l'analyse technique et financière du dossier, tente de convaincre le
propriétaire occupant de quitter les lieux et qu'une vente serait la
meilleure solution. Faire accepter ces conditions d'habitat à un
propriétaire c'est le contraindre à quitter son statut de
propriétaire. Ce qui est souvent psychologiquement difficile.
Pour les locataires, le travailleur social après
régularisation de divers dossiers administratifs portera son action
surtout sur l'acceptation de l'hébergement temporaire le temps des
travaux puis l'appropriation du logement réhabilité lors du
retour dans les lieux après travaux. Ces démarches
d'hébergement ou de relogement des familles sont au frais de leur
propriétaire. Lors des relogements, les familles pourront être
accompagnées pendant leur déménagement avec apport
éventuel de mobilier par l'association Capharnaüm. Dans le cas
d'hébergement temporaire, si aucune solution n'est trouvée, des
nuitées à l'hôtel permettront d'accueillir ces familles.
Avant ou en parallèle de ces démarches, il peut
toutefois s'avérer nécessaire de traiter avant l'intervention sur
le bâti, les difficultés personnelles freinant le relogement des
ménages. Ces difficultés peuvent être des problèmes
d'addiction ou encore des pathologies mentales. Ces situations
révèlent souvent un contexte social et environnemental lourd. Une
prise en charge médicale et sociale est essentielle afin de
diagnostiquer la maladie, la soigner mais
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également d'instaurer un dialogue pour pouvoir
intervenir sur le logement. Les personnes souffrant de pathologies mentales ou
d'addiction sont plus que d'autres enclins à ne pas vouloir quitter
leurs logements si une hospitalisation s'avère nécessaire ou
même refuser de remédier à l'état d'indignité
de leurs logements.
Un autre volet important de ce travail sera la prise de
conscience par le locataire de ses droits et devoirs envers son
propriétaire:
- L'accompagnement des locataires leur permet en effet de
faire valoir leurs droits afin d'éviter d'éventuelles tentatives
d'intimidation du propriétaire. La SIAVIC (Service Intercommunal d'aide
aux victimes) ou encore l'ADIL (Agence Départementale d'Information sur
le Logement) permettent non seulement d'accueillir les victimes et de les
écouter mais également de les renseigner sur les droits et
procédures à engager en cas de litiges avec leur
propriétaire. Ces services permettent alors d'accompagner dans les
démarches juridiques, administratives et sociales les familles et de les
orienter vers un professionnel au besoin.
- Dans certains cas, mais cela est plus rare, l'accompagnement
peut également rappeler au locataire ses devoirs envers son
propriétaire en l'incitant par exemple en cas de relogement à
rendre un logement conforme à l'état des lieux d'entrée.
Un manque d'hygiène ou des dégradations du fait du locataire
peuvent en effet être constatés. Il peut être difficile, par
manque de moyen financier, de leur faire réparer les dégâts
qu'ils ont causés et dans des cas de pathologies mentales,
l'hygiène du logement peut également être difficile
à obtenir. La MOUS LHI informe le propriétaire de ses droits
envers son locataire et peut l'orienter vers des structures plus
adaptées pour les faire valoir. Elle n'est toutefois pas
missionnée pour défendre le propriétaire envers son
locataire en cas de dégradation des lieux.
En cas d'hébergement temporaire, un accompagnement peut
permettre aux locataires d'apprendre les bonnes pratiques afin de s'approprier
au mieux son logement et de l'entretenir "normalement ".
On constate alors qu'il est important de se dégager du
triptyque traditionnel dans lequel l'insalubrité d'un logement cache de
manière systématique un « mauvais propriétaire »
et
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un « locataire victime ». Si les marchands de
sommeil illustrent bien ce triptyque, ils ne concernent toutefois qu'une
minorité des propriétaires bailleurs.
Certains propriétaires sont dans des situations de
précarité telles qu'ils n'ont pas les moyens d'effectuer des
travaux dans leur logement, d'autres n'ont pas toujours conscience de
l'insalubrité de leur logement (risque saturnin). Les locataires,
malgré leur situation précaire, peuvent également au fil
des années engendrer l'insalubrité de leur logement.
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Etude de cas
Accompagnement des ménages occupant les
lieux
Changement radical du mode de vie après
déménagement, Tourcoing
A Tourcoing, un immeuble de trois logements est en situation
d'indignité. Le logement en rez-de-chaussée est occupé par
une dame seule, âgée de 39 ans, présentant un handicap.
Les deux autres logements vacants, en
déshérence, sont squattés d'abord de manière
occasionnelle puis de façon pérenne. Le Service d'Hygiène
et de Santé de Tourcoing a relevé cette situation en juin 2010 et
établit un premier diagnostic social et technique.
D'un point de vue social, le contexte est lourd. La locataire
présente un handicap et un problème d'addiction. Celle-ci vivait
au milieu de détritus, d'excréments humains et d'animaux. Le
logement était complètement dégradé par les squats
multiples (absence d'eau, absence de chauffage, et
d'électricité). La locataire est suivie par une curatrice qui est
dépassée par la complexité de la situation.
Le diagnostic technique fut difficile à mettre en place
en raison de squats réguliers. De plus le propriétaire est
introuvable. Un incendie aux étages en 2011 a permis de faire
découvrir cette situation.
Afin de garantir un relogement définitif dans les
meilleures conditions, la locataire pu bénéficier d'un
accompagnement et d'une prise en charge de ses problèmes de
santé. Le relogement définitif fut difficile à faire
accepter à la locataire, celle-ci était en effet très
attachée à son logement malgré ses conditions de vie
difficiles. La locataire fut hébergée temporairement suite
à l'incendie de l'immeuble. Le relogement PACT fut mis en place en
octobre 2011. La locataire a été relogée, avec son accord,
dans un quartier éloigné de son précédent logement.
L'accès à un logement avec confort et une coupure totale avec ses
relations antérieures ont métamorphosé la locataire tant
au niveau physique que dans l'appropriation de son logement. Un accompagnement
social et une intervention d'une association de droit commun, pérenne
à domicile pour les tâches quotidiennes ont permis à
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la locataire d'améliorer ses conditions de vie, de
rompre avec ses addictions, de prendre soin de sa personne.
L'immeuble fut muré, suite à l'incendie et
à l'absence du propriétaire, aucune réhabilitation n'est
à l'ordre du jour. Une procédure est en attente afin de
définir un projet.
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