À l'instar de la plupart des règles d'urbanisme
littoral dont la finalité est la protection de l'environnement, la
règle d'inconstructibilité qui prévaut dans les espaces
remarquables est atténuée par la possibilité
d'installation de certains aménagements, encore qu'ils doivent
être « légers ». Le caractère léger de
l'aménagement est requis car il aurait ainsi un faible impact sur
l'environnement comparé aux installations de grande envergure qui
pourraient porter atteinte aux sites. L'admission des aménagements
légers répond ainsi à l'exigence de mise en valeur de
l'espace littoral.
La question des aménagements légers a connu des
évolutions au fur et à mesure des reformes postérieures
qui ont le vu le jour. L'extension de la liste des aménagements
légers autorisés au titre de l'exception conduit à une
réflexion sur l'état actuel de la protection des espaces
remarquables d'où l'intérêt d'analyser l'idée d'une
dérogation de plus en plus étendue (1). Par ailleurs
transposé à l'objet de notre étude, en dépit de
cette évolution de la liste des aménagements légers, on
note toujours une exclusion des ports de plaisance (2)
1. Une dérogation de plus en plus
étendue.
Avant l'intervention de la loi ELAN, le décret du 29
mars 200443 relatif aux espaces remarquables du littoral modifiant
le code de l'urbanisme permettait d'identifier les aménagements
légers selon des indices généraux, tels que la
nécessité de l'aménagement par rapport à la gestion
des espaces littoraux, ou encore leur ouverture au public. Ces indices ne
prévoient pas une liste complète des aménagements
légers. C'est sur cette base que le rôle du juge est devenu
déterminant dans l'identification de ces aménagements. Ainsi au
fil des contentieux, le Conseil d'État ayant acté le
caractère non exhaustif de la liste prévue par le
43 Décret n° 2004-310 du 29 mars 2004
relatif aux espaces remarquables du littoral
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décret de 2004, a pu reconnaitre la qualité
d'aménagements légers dans certains cas particuliers. Dans sa
décision SARL Mericea44, les juges de la juridiction
suprême de l'ordre administratif reconnaissaient la clôture d'une
propriété privée comme aménagement léger
pouvant être autorisé dans un espace remarquable du littoral. Il
en est de même pour les dispositifs de défense contre
l'incendie45.
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a marqué un tournant
majeur dans la question des aménagements légers. En effet, elle
prévoit que le pouvoir règlementaire établit une liste
limitative en définissant leurs caractéristiques.
Dans le sillage de cette loi, un décret du 21 mai
201946 modifie le code de l'urbanisme en son article R. 121-5 pour
actualiser la liste des aménagements légers. Ce décret
consacre le caractère limitatif de la liste avec l'emploi de
l'expression « seuls peuvent... ». Ce décret prévoit en
effet la possibilité d'installer des « équipements
d'intérêt général nécessaires à la
sécurité des populations et à la préservation des
espaces et milieux ». Mieux il autorise des travaux d'installation de
canalisations dans les espaces remarquables.
Au regard des différentes reformes intervenues
après la loi Littoral, on assiste à une progressive extension du
champ d'application de la dérogation tenant aux aménagements
légers. Ce mouvement de reformes n'est pas sans incidence sur le
dispositif de protection du littoral. Il caractérise un affaiblissement
de la loi Littoral le plus souvent pour des raisons économiques. Par
exemple l'article L. 121-5-1 du code de l'urbanisme (ajouté par la loi
ELAN) autorise l'implantation d'éoliennes dans les communes littorales
qui ne sont pas connectées au réseau électrique
continental et dont la largeur est inférieure à 10
kilomètres. En plus l'article 224 de la loi ELAN autorise
l'établissement de réseaux ouverts au public de communications
électroniques.
C'est à juste titre que le professeur Laurent
Bordereaux reprenant les propos de Guy Lengagne47, parle de «
détricotage » de la loi Littoral48. Effectivement si le
mouvement suit son rythme effréné, on risquerait de vider la loi
Littoral, qui joue un rôle crucial dans la gestion du littoral, de son
sens.
44 CE 04 mai 2004 SARL Mericea n°376049
45 CE 06 février 2013 Commune de Gassin n°
348278
46 Décret n° 2019-481 du 21 mai 2019
modifiant diverses dispositions du code de l'urbanisme.
47 Ancien secrétaire d'État à la
Mer.
48 L. BORDEREAUX, « Du détricotage de la
loi Littoral et de ses remèdes ». Le Village de la Justice, juillet
2019.
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2. Une dérogation excluant les ports de
plaisance
Les ports de plaisance ont du mal à être
acceptés comme des aménagements légers au sens des
exceptions concernant les espaces remarquables du littoral. En effet,
l'exception prévue au bénéfice des aménagements
légers exclut sans aucune ambiguïté les ports de plaisance
tandis que sont admis à entrer dans le champ de l'exception
prévue à l'article L. 1214 du code de l'urbanisme, les ports de
pêche et de commerce. Au regard de cette distinction faite par le
législateur, l'argument tiré de l'impact environnemental semble
discutable dans la mesure où les ports de pêche et de commerce
pourraient avoir des répercussions analogues à celles des ports
de plaisance sur l'environnement.
Évidemment cette contrainte vis-à-vis des ports
de plaisance représente un véritable obstacle pour les maitres
d'ouvrage qui se doivent de redoubler de vigilance dans les projets en vue
d'éviter les annulations contentieuses49. À propos
d'annulation contentieuse, le juge n'a pas admis un port de plaisance de 250
places comme aménagement léger pouvant être accepté
dans un espace remarquable du littoral50. Même les projets
d'extension de ports existants doivent satisfaire à la règle
prévalant dans les espaces remarquables.
Si le juge a pu auparavant admettre des aménagements
légers en marge de ceux prévus par la loi, il n'en est plus de
même aujourd'hui car la liste se veut limitative (ce qui délimite
de façon claire les contours de la question). Ainsi la seule solution
pouvant lever l'épée de Damoclès, c'est un changement de
la législation en vigueur. Cependant le législateur irait-il
jusque-là au mépris de la loi Littoral ? Pour l'heure la question
demeure posée.