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Une analyse de l'impact de la libéralisation agricole sur le revenu agriculteurs. Le cas de la filière riz de la vallée de l'Artibonite.


par Ernson Augustin
HEC-Liège/ESFAM - Master en Science de gestion 2018
  

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Chapitre II : Présentation de la politique agricole mondiale et les particularités régionales

Ce chapitre est composé de deux (2) parties. La première est consacrée à la présentation de la production et la commercialisation mondiale du riz tout en soulignant les différentes politiques agricoles mises en oeuvre par certains pays. Nous avons tenté de démontrer que le marché mondial du riz a les caractéristiques d'un oligopole et dominé par les pays en développement d'Asie. De même que certains pays développés comme les Etats-Unis et l'Union Européenne, ces pays asiatiques prennent des mesures pour protéger leurs agricultures. La deuxième partie est relative à l'exposition de la situation des Pays les Moins Avancés (PMA). Les particularités de la République d'Haïti seront exposées afin de démontrer qu'il est l'un des pays les plus ouverts économiquement au monde depuis le début des années 2000.

2.1 Le marché du riz mondiale : Un oligopole

Le riz, la céréale la plus consommée par les humains, est l'élément central dans l'alimentation des ménages les plus pauvres. Il est utilisé pour nourrir plus de la moitié des habitants de la planète, avec plus de 140 millions d'hectares cultivés produisant un montant avoisinant 420 millions de tonnes en moyenne par années (Delot, P. 2015). De 1960 à 2005, avec un taux de croissance annuel de 2.5%, la production rizicole mondiale a plus que doublée, passant de 276 à 626 millions de tonnes (Mendez del Villar, P. 2008). Contrairement aux années 1990 durant lesquelles la production du riz excédait la croissance de la population mondiale, le début des années 2000 est marqué par une hausse de la croissance démographique et de la demande de consommation du riz. Cependant, la production ne suit pas le rythme de la croissance de la population, ce qui entraine des cas de sous-alimentation dans certains pays.

Par ailleurs, cette situation semble être le résultat d'une forte concentration du marché mondial du riz, toujours selon Mendez del Villar, P (2008). En effet, la quasi-totalité de la production du riz est consommée localement puisque seulement 7% de la production est vendue sur le marché mondial en 2006. Les pays qui sont considérés comme de grands producteurs, sont de grands consommateurs du riz simultanément. En plus de cela, pour montrer la concentration du marché mondial du riz, il parait évident de souligner le fait que les exportations des six premiers pays exportateurs, à savoir « la Thaïlande, le Vietnam, l'Inde, les Etats-Unis, le Pakistan et la Chine », représentent 88% du total des exportations en 2006. Cependant, la destination de ces exportations est formée d'un groupe de pays plus ou moins élargi. Les six principaux importateurs du riz pour la décennie 2001-2010, à savoir « Indonésie, Nigeria, Philippines, Iran, Union Européenne et l'Irak », importent seulement 40% du total des importations. L'écrasante majorité des importateurs est formée principalement des pays pauvre d'Asie du Sud, de l'Afrique

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Subsaharienne et de l'Amérique Latine. Cette asymétrie ; un petit groupe d'exportateurs contre un grand nombre d'importateurs, fragilise l'économie des riziculteurs dans la quasi-totalité des pays pauvres et augmente leurs dépendances par rapports aux pays exportateurs. Elle augmente leur vulnérabilité face à une augmentation du prix, comme c'était le cas des riziculteurs haïtiens lors des « émeutes de la faim » de 2008 [(Lançon, F. & Mendez del Villar, P. 2008) ; (Ahmadi, N. & Bouman, B. 2013)].

En somme, l'analyse des données de la FAO concernant la répartition des exportations par pays et en pourcentage (%) présentées dans le tableau 2.1 qui suit, nous montre que les exportations mondiales du riz sont dominées par la Thaïlande. Hormis l'année 1980 durant laquelle les Etats-Unis se trouvaient en première position, la Thaïlande domine ce classement entre 1980 et 2010 avec des pourcentages variant de 35% à 26%. Les exportations des Etats-Unies ont diminuées de 12.14 points de pourcentages. Elles passent de 23.29% à 11.15% en 1980 et 2010 respectivement. Une situation analogue a été constatée pour les exportations de la Chine qui passe de 10.79% à 1.81% pour la période considérée, soit une baisse de 8.98 points de pourcentage. Cette baisse des exportations états-uniennes et chinoises se fait au profit de celles du Viêt-Nam. En effet, les exportations vietnamiennes augmentent de 20.24 points de pourcentage. Elles passent de 0.26% en 1980 à 20.50% en 2010.

Tableau 2.1 : Evolution en pourcentage (%) des exportations du riz par pays entre 1980 et 2010

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1980

1985

1990

1995

2000

2005

 

Inde

3.76

2.75

4.07

21.91

6.55

13.82

 

Thaïlande

21.84

35.29

32.32

27.60

26.20

25.54

 

Viêt-Nam

0.26

0.52

13.09

8.87

14.86

17.86

 

Pakistan

8.49

6.27

6.00

8.26

8.62

USA

23.29

16.64

19.58

13.58

11.49

Brésil

0.01

0.03

0.01

0.08

0.11

Chine

10.79

9.24

3.46

1.18

13.08

Autres

31.55

29.26

21.46

18.51

19.09

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018a)

2010

6.62

26.49

20.50

9.84

12.43

12.89

11.15

0.93

1.25

2.27

1.81

16.86

19.74

Total

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

Cependant, nous avons constaté une hausse des exportations indiennes au détriment de celles

de la Thaïlande en 2013. Toujours selon les données de la FAO, avec un pourcentage de 31% des

exportations totales an 2013, l'Inde se trouve en première position dans le top sept (7) des

exportateurs mondiaux du riz. Il est poursuivi par le Thaïlande, le Viêt-Nam qui accusent des taux

de 18% et 11% respectivement. Force est de constater que les exportations états-uniennes (9% en

2013 contre 11.15% en 2010) et chinoises (1% en 2013 contre 1.81% en 2010) ne cessent de

diminuer. Toutefois, les pays de l'Asie dominent les exportations mondiales du riz depuis 1980. En

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2013, les quatre (4) premiers exportateurs mondiaux du riz « Inde, Thaïlande, Viêt-Nam et Pakistan » exportent environ 69% du total des exportations mondiales. La figure 2.1 suivante nous permet d'expliciter la situation exposée ci-dessus.

Figure 2.1: Répartition par pays et en pourcentage (%) de l'exportation mondiale du riz en 2013

Brésil 2%

Chine 1% Autres 19%

Exportations du riz par pays et en pourcentage (%) en 2013

USA 9%

Pakistan 9%

Viêt-Nam 11%

Thaïlande 18%

Inde 31%

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018a)

2.1.1 Protection de l'agriculture dans certains pays développés

L'agriculture, élément fondamental dans la consommation des habitants et indispensable à la survie de l'espèce humaine, a été, dès la fin de la crise de 1929, protégée par certains pays développés. Cette politique protectionniste a été appliquée par ces puissances agricoles afin d'augmenter la production et de répondre aux besoins de consommation de leurs populations. Considéré comme un secteur stratégique ou même une arme de combats par certains Etats dans les relations internationales, les dirigeants de ces pays pensent qu'ils ne peuvent pas le laisser à la libre concurrence. Dans ces conditions, l'Etat doit intervenir afin d'atteindre certains objectifs spécifiques. Bien que la production de riz en Europe soit marginale (0.4% de la production mondiale), son cas est extrêmement intéressant, puisqu'aux côtés des Etats-Unis, il est l'un des premiers à appliquer une politique de protection de l'agriculture afin d'atteindre l'autosuffisance, garantir la sécurité alimentaire de ses habitants et d'augmenter le revenu des planteurs.

2.1.1.1 Une agriculture fortement protégée aux Etats-Unis

La protection de l'agriculture états-unienne ne date pas d'hier. Dès le début des années 1930, une politique basée sur la régulation de l'offre et de soutient des prix a été mis en oeuvre en réponse à la grande dépression de 1929. Durant cette période, les dirigeants états-uniens arrivent à eux seuls,

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à assurer la régulation du marché mondial des céréales. L'offre a été contrôlée par l'Etat à l'aide des dépôts publics et de l'accumulation des stocks. Vraisemblablement, le but de la mise en place cette politique n'était pas de contribuer à l'évolution de la libéralisation agricole, mais plutôt de maîtriser les prix et permettre aux agriculteurs états-uniens d'avoir un niveau de revenu adéquat.

Parallèlement, à l'aide du programme d'aide alimentaire public Law 480 en vigueur depuis en 1954, les dirigeants états-uniens accordent aux agriculteurs des soutiens à l'exportation. Des subventions, variant en fonction du prix du marché, ont été accordées aux producteurs de céréales (le blé, le riz et le maïs). L'analyse des données disponibles montre que plus le prix du marché est faible, plus le montant des subventions accordé est élevé. Une situation de la hausse des subventions agricoles a été constatée au début des années 1980, suite à la baisse de la demande solvable, la hausse de la capacité de production ou la confirmation de l'autosuffisance alimentaire des pays de l'Europe ainsi que l'entrée en force des Pays en Développement d'Asie et d'Amériques du Sud dans le marché mondial du riz. Entre 1982 et 1986, à cause de la fermeture des frontières de certains pays de l'Amérique latine et des Caraïbes, la demande du riz états-unien ainsi que son prix diminuent et l'Etat accorde des subventions à la tonne allant de 24% à plus de 66% du prix total (Chataigner, J. & Salomon, C. 1996).

Toutefois, cette situation va être améliorée vers la seconde moitié des années 1980. Selon les données de l'OCDE, entre 1986 et 1995, les subventions accordées aux agriculteurs états-uniens diminuent fortement. Elles représentaient 23.50% des recettes agricoles en 1986 contre seulement 9.75% en 1995, soit une baisse de 13.75 points de pourcentage pour la période considérée. Par ailleurs, il faut souligner que cette période coïncide avec la mise en place du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) des Institutions Financières Internationales (IFI) dans les Pays les Moins Avancés d'une façon générale et en Haïti en particulier [(Perchellet, S. 2010) ; (Pierre, L-N. 2008)]. Etant considéré comme l'un des principaux importateurs du riz états-uniens [(CJ-Consultants, 2012) ; (FEWS NET, 2014)], cette baisse des subventions accordées aux agriculteurs états-uniens peut être considérée comme une conséquence de la hausse des exportations de ces derniers vers Haïti.

Au milieu des années 1990, la politique agricole états-unienne va avoir une tournure. Avec les prévisions de croissance de la FAO et d'autres institutions évoluant dans le domaine agricole, l'année 1996 est marquée par l'abandon de la régulation de l'offre mise en place depuis le début des années 1930. Cette dernière a été substituée par une politique de découplage des aides de la production. Par ailleurs, grâce à leur avantage comparatif dans ce domaine, les autorités états-uniennes profitent de la libéralisation de l'agriculture prônée par l'Organisation Mondiale de Commerce (OMC) pour acquérir des parts de marché perdues au début des années 1980.

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Cependant, malgré la signature de l'accord de Marrakech en 1994, elles continuent à subventionner directement le revenu des agriculteurs par la politique de commercialisation (marketing loans et Price Loss Coverage). Cette politique de soutien direct engendre le financement de l'agriculture par des montant très élevés représentants l'équivalent de 46% à 86% du revenu de l'exploitation [(Lançon, F. & Mendez del Villar, P. 2008), (MAAF, 2015)]. Elle se fonde sur l'autorisation donnée aux agriculteurs à réclamer la différence entre le prix du marché et celui du stockage. Cette politique encourage les planteurs états-uniens à mettre leurs denrées sur le marché, et ceci même quand les prix sont très bas. Cette situation entraine des dépenses de subventions très élevées, quand les prix du marché sont très faibles, comme c'était le cas pour la période allant de 1997 à 2002 (Devienne, S. et al. 2005).

En effet, selon les données de la FAO, les prix payés aux producteurs états-uniens diminuent considérablement pour la période allant de 1996 à 2001. Ils passent de 212 USD/TM en 1996 à 94 USD/TM en 2001. Donc, une diminution de 55.66% durant cette période. Cette baisse des prix à la tonne payés aux producteurs peut être considérée comme le résultat, entre autres, de la baisse des droits de douanes après la création de l'OMC et le renforcement de la politique néolibérale au niveau des Pays les Moins Avancés (PMA). Paradoxalement, cette période est marquée par la hausse des subventions étatiques accordées aux planteurs états-uniens. Ces dernières passent de 12.75% des recettes agricoles en 1996 à 22.67% en 2000, soit une hausse de 9.92 points de pourcentage. Donc, il n'est pas faux de dire qu'il existe une relation inverse entre ces dernières et le prix du marché. La figure 2.2 qui suit présente l'évolution des Soutiens aux Producteurs (ESP) états-uniens en pourcentage (%) des recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016 afin d'élucider la situation précitée.

Figure 2.2 : Evolution des soutiens aux producteurs (ESP) états-uniens pourcentage (%) des recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016

25.00

20.00

15.00

10.00

5.00

Soutien aux producteurs (ESP) états-uniens en pourcentage (%) des

recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de l'OCDE (2018)

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Donc, les dirigeants états-uniens appliquent une politique de dumping. Ils exportent leur supplément de production aux niveaux de certains pays sous-développés à des prix inférieurs aux coûts de productions. L'agriculture états-unienne est mécanisée depuis les années 1950. Cette mécanisation a permis aux agriculteurs de produire aux coûts les plus bas que possible contrairement à leurs homologues des pays pauvres. Ces derniers cultivent leurs terres en utilisant des intrants agricoles peu performants, des outils archaïques et des techniques rudimentaires. De plus, les dirigeants états-uniens subventionnent l'agriculture par des sommes exorbitantes, créant ainsi une concurrence déloyale et pénalise le revenu des agriculteurs des pays importateurs.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery