4.4 Discussions
Nous avons réalisé ce travail dans le souci
d'analyser l'impact de la baisse des droits de douanes en faveurs du riz
importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. L'analyse des résultats des entretiens
réalisés relate que la politique néolibérale
appliquée en Haïti au milieu des années 1980 entraine une
baisse du revenu des planteurs.
En effet, à cause d'une augmentation du prix de vente
du Kg de paddy, les recettes agricoles augmentent faiblement au niveau de la
Vallée de l'Artibonite depuis le début des années 1990.
Cependant, la libéralisation de l'agriculture caractérisée
surtout par le démantèlement des tarifs douaniers et le
désengagement des pouvoirs publics, entraine une
détérioration de la qualité des infrastructures agricoles.
L'Etat n'investit que peu de ressources financières pour entretenir ces
infrastructures, condition sine qua non pour augmenter la productivité
des parcelles cultivées et le revenu des riziculteurs.
Par ailleurs, l'analyse des données recueillies dans le
cadre de ce travail montre que la Vallée de l'Artibonite est le grenier
de la République avec de grandes potentialités agricoles comme
par exemples des terres irrigables et les plus grands cours-d'eaux du pays.
Toutefois, le mauvais état des infrastructures hydro-agricoles et une
gestion inefficace des ressources disponibles, pénalise le revenu des
riziculteurs de la région. En plus du faible accès à
l'eau, aux services financiers et aux intrants agricoles performants ; des
conflits terriens en permanence entre les différentes classes sociales
enregistrés dans la Vallée de l'Artibonite sont les principales
causes explicatives de cette situation. De plus, Haïti figure parmi les
pays les plus corrompus au monde. Durant ces deux dernières
décennies, soit depuis le début des années 2000, rares
sont les hauts fonctionnaires publics qui n'ont pas été
accusé de corruption. Malheureusement, aucun jugement et aucune
condamnation n'ont eu lieu jusqu'à date.
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En somme, cette baisse du revenu des planteurs de la
région peut être explicitée par la hausse vertigineuse des
dépenses d'exploitations. Il a été démontré
que dans la majeure partie des cas, le propriétaire foncier est
différent de l'exploitant agricole. Cette situation contraint les
agriculteurs à versé des sommes très
élevées, ou une partie de leurs productions aux
propriétaires fonciers après la récolte. De plus, nous
avons constaté une augmentation de la consommation d'engrais depuis le
début des années 2000 avec la mise en place du programme de
subvention d'engrais par les dirigeants de la République. Toutefois, le
montant des subventions accordé est nettement inférieur par
rapport à la demande des riziculteurs. En effet, l'Etat haïtien
subventionne seulement 20% à 30% en moyenne de la quantité
nécessaire. Cela signifie que les riziculteurs doivent acheter les 70%
restants à des prix très élevés. En outre, le
travail agricole est assuré à plus de 50% par les membres de la
famille de l'exploitant. Cependant, nous avons constaté l'existence
d'une main-d'oeuvre agricole salariale dont son coût augmente avec la
hausse du salaire minimum. L'augmentation de ces coûts de production
entraine la paupérisation des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite.
Les riziculteurs des pays exportateurs, accompagnés de
quelques 3 à 5 familles haïtiennes très aisées et
proches du pouvoir politique qui assurent l'importation du riz avec des
franchises douanières sont les principaux bénéficiaires de
cette politique. Les consommateurs non producteurs quant à eux,
bénéficient dans une moindre mesure les effets de cette
libéralisation rizicole. Ils ont une plus grande quantité de riz
à leurs dispositions à des prix réduits. Cependant, la
concentration de ce marché ne permet pas à ces consommateurs de
bénéficier totalement de cette baisse du prix.
En outre, cette politique est préjudiciable à
l'Etat Haïtien, puisqu'il renonce à une part de ses recettes
douanières afin de pouvoir l'appliquer. Cependant, il semble que les
principales victimes de cette libéralisation agricole sont les
riziculteurs Artibonitiens. Ces derniers cultivent leurs parcelles sous les
caprices de la nature dans des conditions économiques très
difficiles. Ils sont concurrencés par des agriculteurs qui ont à
leurs dispositions des machines très performantes et qui
reçoivent des subventions de la part de leurs dirigeants. Malgré
une faible quantité produite, les planteurs de la Vallée de
l'Artibonite ne peuvent pas écouler leurs productions. Les plus pauvres
ne peuvent pas assurer la transformation et la conservation des denrées
cultivées et le mauvais état des infrastructures routières
entraine des coûts de transports énormes. Ces derniers se sont
obligés de livrer leurs produits à des prix très faibles
déterminés par les acheteurs auprès desquels ils n'ont
qu'un faible pouvoir de négociations. Donc, au fil du temps, leurs
revenus qui dépendent dans une large mesure de la vente du riz produit
sur les lopins diminuent.
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