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Une analyse de l'impact de la libéralisation agricole sur le revenu agriculteurs. Le cas de la filière riz de la vallée de l'Artibonite.


par Ernson Augustin
HEC-Liège/ESFAM - Master en Science de gestion 2018
  

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4.3 Analyse des résultats

Cette partie du travail est très importante dans la mesure où elle nous permet de comprendre la problématique afin de formuler les propositions nécessaires. Dans les lignes qui suivent, la réponse des différentes questions qui ont été formulées dans le guide d'entretien seront analysées.

4.3.1 Libéralisation de la riziculture haïtienne

La libéralisation économique de la République d'Haïti débute en 1986 avec l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) de la Banque Mondiale (BM) et du Fond Monétaire International (FMI). La libéralisation de l'agriculture quant à elle commence en 1994 avec la signature de l'accord sur l'agriculture du cycle de l'Uruguay. Avant cette date, le libéralisme commercial n'avait pas pris en compte l'échange des denrées agricoles. Le néolibéralisme, depuis après la seconde guerre mondiale, suivi des deux crises pétrolières et l'effondrement du bloc socialiste en Europe, préconisait le désengagement de l'Etat dans l'économie.

La libéralisation de la riziculture haïtienne est une question très complexe. Avec l'application du PAS, Haïti a procédé à l'ouverture de son marché interne à partir de l'abaissement significatif des droits de douane sur l'importation du riz et du démantèlement de certaines mesures protectionnistes applicables. L'analyse des données recueillies relate que des droits de douanes de 50% et 35% ont été appliqués sur le riz importé entre 1950 et 1980 respectivement contre seulement 3% depuis le début des années 199011.

Parallèlement, les dirigeants haïtiens ont éliminé certaines subventions directes qui ont été accordées aux agriculteurs afin de leur permettre d'avoir un revenu raisonnable (Vivas, E. 2010). Ils ont procédé à la réouverture des ports des villes de provinces qui ont été fermés avant les années 1980 et ont privatisé certaines entreprises étatiques figurant parmi les plus rentables, comme la Minoterie d'Haïti et Huilerie ENAOL. De plus, les planteurs interviewés soulignent le désengagement des dirigeants haïtiens dans l'entretien des infrastructures agricoles. Selon eux, avant 1986, l'Etat haïtien assurait l'entretien des canaux d'irrigations aux moins deux fois par année, contrairement à cette période.

11 Informations recueillies auprès du cadre de l'IICA le 04 mars 2018

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4.3.2 La baisse du revenu des riziculteurs

Vraisemblablement, le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue au fil du temps [(CNSA, 1996a) ; (CJ-Consultants, 2012)]. Comme vous pouvez le constater dans le tableau 4.3 qui suit, entre 1996 et 2012, le revenu brut d'exploitation agricole12 a enregistré une baisse de 263.86 USD. Il est passé de 713.78 USD à 449.92 USD, soit une diminution 36.97 % pour la période considérée.

Cette variation négative du revenu des agriculteurs (-36.97%) est le résultat, entre autres, d'une faible augmentation (16.17%) du produit brut d'exploitation (Rendement à l'hectare x prix de vente). En effet, le rendement à l'hectare de la riziculture de la Vallée de l'Artibonite reste très faible et diminue de 0.65% durant la période considérée. Il est passé de 4,026.11 Kg/ha en 1996 contre 4000.00 Kg/ha en 2012. Toutefois, nous avons assisté à une hausse du prix de vente du Kg de paddy. Ce dernier est passé de 0.30 USD en 1996 à un montant de 0.35 USD en 2012, donc une hausse de 16.93% durant cette même période.

Parallèlement, les coûts d'exploitations à l'hectare augmentent considérablement. Ils ont passés de 507 USD à un total de 968.30 USD en 1996 et 2012 respectivement, soit une hausse de 90.99%. Selon les riziculteurs interviewés, pour cultiver une parcelle13, ils doivent faire face à plusieurs coûts dont les plus récurrents, sont « les intrants agricoles, la main-d'oeuvre, la préparation du sol, le transport et la rente foncière».

Il a été démontré que les intrants agricoles (engrais et semence) dont le marché est dominé par le secteur privé, représentent des coûts énormes pour les riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. En effet, depuis le début des années 2000, l'Etat haïtien cherche à stimuler la production agricole du pays par la mise en place d'une politique de subvention d'engrais. Avec l'application de cette politique, une hausse de la consommation d'engrais au niveau de la Vallée de l'Artibonite, la plus grande zone de production agricole du pays, a été constatée. Durant la période allant de 2004 à 2008, 15,000.00 TM d'engrais ont été consommées contre 32,000.00 TM en 2008-09 et 50,000.00 TM en 2010 (MARNDR, 2014b). Toutefois, les riziculteurs interviewés relatent que la quantité d'engrais subventionnée est insuffisante pour répondre à leurs besoins. Selon eux, pour cultiver un lopin de terre, ils ont besoin de « 6 sac d'engrais14 » environ. Or, le gouvernement haïtien, par le biais de la « Caravane Changement » a subventionné seulement 2 sacs de 50 Kg d'engrais en 2017. Pour les autres 4 sacs, il faut les acquérir à des prix très élevés.

12 Dans la majeure partie des cas, le propriétaire foncier est différent de l'exploitant agricole.

13 En moyenne les parcelles sont inférieures à un (1) hectare de terre

14 Informations recueillies auprès d'un riziculteur de la Vallée de l'Artibonite le 19 février 2018

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Par ailleurs, le coût de la main-d'oeuvre agricole augmente considérablement. Selon les résultats du Recensement Général Agricole de 2009, la quantité de travail agricole du département de l'Artibonite a été estimée à un totale de 694,473.00 dont 2.4% salariés permanents (16,662.00). En dépit du fait que l'exploitation agricole soit assurée à 97% par les membres de la famille, dont 59.4% de façon permanente (412,811.00) et 38.2% aides familiales (265,000.00), force est de constater que les dépenses salariales augmentent considérablement (MARNDR, 2009). Cette situation est le résultat, entre autres, de la hausse du salaire minimum haïtien depuis le début des années 2000. En effet, le prix d'une journée de travail (8h) était fixé à 36 Gds en 2001 contre 70 Gds en 2003 et 200 Gds en 2010 (BRIT, 2012). Cette hausse des coûts salariaux pénalise le revenu des riziculteurs et devant l'incapacité de s'adapter, certains agriculteurs pratiquent le « konbit15 ».

En outre, la mécanisation de la riziculture de la Vallée de l'Artibonite est relativement faible. La majorité des riziculteurs utilisent des outils archaïques et préparent leurs terres de façon manuelle ou à l'aide de la traction animale. Seulement 4.40% des exploitants agricoles de la Vallée de l'Artibonite utilisent des Motoculteurs en 2009 (MARNDR, 2009). Généralement, les services de mécanisation sont assurés par le secteur privé des affaires, et ceci, à des prix très élevés.

De plus, le transport de la production reste un handicap majeur pour les riziculteurs. Le mauvais état des infrastructures routières et la position de certaines parcelles entrainent des coûts de transport très élevés. Certains riziculteurs utilisent les services d'un motard et paient des sommes allant jusqu'à 6016 Gds par sac de 50 Kg de paddy. D'autres au contraire, préfèrent de vendre leurs productions sur les parcelles afin de minimiser les dépenses de transport et de transformation. Dans ses conditions, le prix de vente appliqué est relativement faible, puisque les planteurs n'ont qu'un faible pouvoir de négociation auprès des intermédiaires commerciaux.

Tableau 4.3 : Evolution du revenu brut d'exploitation agricole entre 1996 et 2012

 

Coût de Production

Rendement à l'ha (Kg)

Prix de vente

0.30

Produit brut

713.78

1996

507.00

4,026.11

0.35

1220.77

449.92

2012

968.30

4,000.00

16.93

1418.22

 

%

90.99

(0.65)

 

16.17

(36.97)

Marge Brute

Sources17 : Calcul de l'auteur à partir des données de la CNSA (1996a :7) et de CJ-Consultants (2012 :16).

15 C'est une forme traditionnelle d'organisation de travail dont celui qui invite donne des repas et de boissons en contrepartie au travail. C'est une forme d'aide réciproque

16 Informations recueillies auprès d'un riziculteur de la Vallée de l'Artibonite le 21 février 2018

17 Nous avons considéré les taux de change de la BRH afin de convertir les données disponibles en DUS.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon