4.2.2 Objectif
L'objectif de la réalisation de ces entretiens est de
pouvoir compléter les données préexistantes au niveau du
MARNDR et de ses partenaires sur la riziculture dans la Vallée de
l'Artibonite. Une série de questions standards ont été
formulées aux répondants afin d'avoir une perspective
détaillée et profonde de la réalité. Des
informations concernant le revenu des riziculteurs Artibonitiens suite à
la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé ont
été recueillies. Ces données supplémentaires nous
permettent d'établir la relation entre la théorie exposée
et ce qui se passe réellement sur le terrain afin de vérifier la
validité des hypothèses posées.
4.2.3 Présentation des résultats
Les discutions effectuées lors de la réalisation
des entretiens ont été portées sur les thèmes qui
se trouvent dans nos question et hypothèses de recherches. Pour avoir
l'opinion des interviewés sur les thèmes qui ont
été insérés dans le guide d'entretiens, huit (8)
questions principales ont été formulées. Néanmoins,
il faut souligner que, selon la réponse du répondant, d'autres
questions secondaires lui ont été adressé afin qu'il
puisse donner son avis sur la totalité des thèmes. Nous allons,
dans les lignes qui suivent, présenter le contenu des entretiens
réalisés.
Entrevue # 1 Réalisé avec un
Economiste agricole en date du 22 décembre 2017
Selon cet interviewé, la libéralisation de la
riziculture haïtienne commence à partir de 1991. Elle
préconise le désengagement des pouvoirs publics dans les
échanges des denrées agro-alimentaires. Il relate que cette
libéralisation repose sur la baisse des tarifs douaniers,
l'élimination des barrières non douanières et la non
subvention étatique. Il pense qu'elle fragilise la situation
économique des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite
puisqu'elle contribue à la diminution de leurs productions. Selon lui,
les producteurs de riz de la Vallée de l'Artibonite sont dans
l'impossibilité d'écouler leurs productions, malgré une
baisse continue de ces dernières. Toujours selon l'interviewé,
cette situation peut être expliquée par la non
compétitivité des riziculteurs haïtiens. Les
véritables bénéficiaires de cette politiques sont les
importateurs et, dans une moindre proportion les consommateurs. Aux
côtés de la libéralisation de la filière riz,
l'insécurité foncière, parcellisation des terres et la
faible existence des infrastructures agricoles participent aussi à la
baisse du revenu des riziculteurs au niveau de la Vallée de
l'Artibonite.
Entrevue # 2 Réalisé avec un Professeur
de marketing agricole Le 28 janvier 2018
Pour cet interviewé, la libéralisation agricole
intervient après l'application du Programme d'Ajustement Structurel au
milieu des années 1980. Elle est caractérisée par le
désengagement de
44
l'Etat et la diminution des tarifs douaniers, passant de 50%
en en 1980 à 3% en 1996. Elle favorise l'importation du riz
étranger au détriment de la production locale. Selon lui, les
ménages haïtiens font leurs choix de consommations en fonction du
prix. Il juge que le revenu des riziculteurs, dont la principale source est la
vente de leurs productions, diminue au fil du temps. Il pense que l'Etat
haïtien doit réviser sa politique commerciale afin de contribuer
à la hausse du revenu des riziculteurs par une hausse de la
quantité produite.
Entrevue # 3 Réalisé avec un
Consultant indépendant du MCI le 12 février 2018
Ce cadre du Ministère du Commerce et de l'Industrie
(MCI) souligne que la libéralisation agricole est liée d'une part
à l'inexistence de façon formelle de la politique agricole du
pays et d'autre part, au contexte de la globalisation. Selon lui, elle a un
effet néfaste sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. Toutefois, il stipule que cette baisse du revenu n'est pas
liée seulement à la libéralisation du commerce. Il faut
prendre en compte le comportement des importateurs haïtiens et la
politique extérieure des partenaires commerciaux dans le cadre de
l'analyse de l'évolution du revenu des riziculteurs haïtiens. Il
pense que des « droits compensateurs » doivent être
utilisés afin de contrebalancer les effets de la libéralisation
sur le revenu de ces riziculteurs. Cependant, il faut tenir compte des
règles de l'OMC en vigueur et de la capacité des riziculteurs
haïtiens à répondre à la demande de consommation de
la population.
Entrevue # 4 Réalisé avec un
Riziculteur de l'Estere le 19 février 2018
Ce riziculteur considère la libéralisation de
l'agriculture haïtienne comme un « poison violant » ;
elle tue la production et entraine une baisse de son revenu. Une situation qui
l'a découragé. Il souligne le désengagement de l'Etat, le
mauvais état des canaux d'irrigations et la prédominance du
secteur privé dans la commercialisation de l'engrais, comme les causes
de l'augmentation de son coût d'exploitation. Pour lui,
l'amélioration du revenu des riziculteurs nécessite une
intervention de l'Etat dans les infrastructures hydro-agricoles afin de
faciliter leurs accès à l'eau et l'amélioration de
l'accès aux intrants agricoles à coût réduit.
Entrevue # 5 Réalisé avec une
rizicultrice de Desdurnes le 20 février 2018
Cette agricultrice relate que son coût d'exploitation
augmente avec la baisse des droits de douanes sur le riz importé. Cette
hausse du coût résulte, selon lui, de l'augmentation des prix du
sac d'engrais, de la main-d'oeuvre et du transport. Elle n'a pas accès
aux services financiers, dit-elle, condition nécessaire pour investir et
améliorer la productivité des parcelles cultivées. Pour
elle, les
45
coopératives créées pour financer la
production du riz de la Vallée de l'Artibonite favorisent les grands
planteurs, au détriment des petits. Parallèlement, les recettes
agricoles diminuent avec la baisse de la production, souligne-t-elle. Elle
relate que le caractère irrégulier de l'entretien des
infrastructures agricoles, contrairement aux années 1980 durant
lesquelles les pouvoirs publics les entretiennent au moins deux fois par
année, et l'accès limité aux intrants agricoles à
prix réduit sont, entre autres, les causes de la baisse de leurs
productions et de leurs revenus.
Entrevue # 6 Réalisé avec un
Riziculteur de Petite Rivière le 21 février 2018
Pour lui, la situation économique des riziculteurs de
la Vallée est très critique. Ils ne peuvent pas écouler
leurs productions malgré la faible quantité produite. Cette
situation est liée à un taux de taxation trop faible
appliqué sur le riz importé, ce qui est selon lui, la pire des
choses qui puisse arriver à l'agriculture haïtienne. Il pense que
l'Etat doit encadrer les riziculteurs afin de leurs faciliter l'accès
à l'eau et aux intrants agricoles. Par ailleurs, il souligne qu'une
prise de conscience et la mise en place d'une volonté commune est
nécessaire pour améliorer les conditions économiques de
cette tranche sociale.
Entrevue # 7 Réalisé avec un cadre
de l'ODVA le 2 mars 2018
Ce cadre de l'ODVA pense que la libéralisation de
l'agriculture haïtienne, marquée surtout par la baisse des droits
de douanes, contribue à la paupérisation des riziculteurs. Elle
entraine une baisse de leurs revenus et les découragent. Il souligne que
certains agriculteurs se sont obligés de laisser la culture de la terre
puisqu'ils ne peuvent pas répondre aux besoins de leurs familles. Une
réforme foncière et l'investissement de l'Etat dans les
infrastructures hydro-agricoles par la mise en place d'un plan de
développement agricole inclusif sont nécessaires à
l'augmentation du revenu des riziculteurs selon lui.
Entrevue # 8 Réalisé avec un cadre
de l'IICA le 4 mars 2018
Selon ce cadre de l'Institut Interaméricain de
Coopération pour l'Agriculture (l'IICA), la libéralisation marque
la fin de monopole. Au milieu des années 1980, les dirigeants
haïtiens ont baissé de façon drastique les droits de douanes
sur l'importation du riz. Ils ont procédés parallèlement
à la réouverture des ports des villes de provinces qui ont
été fermés durant les années 1950. Cette situation
a entrainé une hausse de l'importation et de la contrebande, toujours
selon l'interviewé. Il pense que cette libéralisation
accompagnée avec d'autres faits comme les conflits terriens
pénalisent le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. Contrairement à ses
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derniers, les importateurs haïtiens ainsi que les
planteurs des pays exportateurs sont les principaux bénéficiaires
de cette politique.
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