2.2 Historicité de la politique agricole
haïtienne
Après avoir présenté la situation de la
riziculture mondiale, il parait nécessaire de souligner les
spécificités de la République d'Haïti. Dans cette
deuxième partie de ce chapitre, la politique agricole mise en oeuvre en
Haïti depuis 1950 sera présentée. L'objectif est de
démontrer que, sous
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la demande des Institutions Financières Internationales
(IFI), sans oublier le rôle prégnant qu'ont joué les
Etats-Unis dans la mise en oeuvre de cette politique néolibérale,
l'économie de la République d'Haïti est la plus
libéralisée parmi les pays de la CARICOM et des PMA depuis le
début des années 2000.
2.2.1 Une agriculture fortement règlementée
de 1950 à 1986
Sous la présidence de François Duvalier durant
la période allant de 1957 à 1971, la politique commerciale
haïtienne était caractérisée par des droits de
douanes assez élevés sur certains produits dits «
stratégiques » afin de protéger l'agriculture
nationale. Les tarifs appliqués sur l'importation des denrées
agricoles varient entre 40% et 50%. Des taux de 50%, 40% et 50% ont
été appliqués sur l'importation des produits comme le riz,
le sucre et les viandes de volailles consécutivement (MARNDR, 2010a). De
plus, des subventions directes ont été accordées aux
produits de consommation de bases, entrainant ainsi une baisse des prix de
vente afin de permettre aux ménages les plus démunies d'avoir
accès à ces denrées. Durant cette période, la
production agricole parvenait à réponde à la demande de
consommation des ménages haïtiens pour les produits les plus
consommés, particulièrement le riz (Vivas, E. 2010). Par
ailleurs, cette politique était caractérisée, entre
autres, par le contrôle et la restriction de l'importation des
denrées agricoles, par la limitation de la consommation de certains
produits et par la fermeture de l'ensemble des ports du pays, hormis celui de
la capitale, ce qui avait favorisée le contrôle de la contrebande
qui était très faible à cette époque [(Victor, E.
2011) ; (Perchellet, S. 2010)].
2.2.2 L'agriculture haïtienne, l'une des plus
libéralisée après 1986
Après la mort au pouvoir de François Duvalier
(Papa Doc), son fils, Jean-Claude Duvalier (Baby Doc) le succéda
(1971-1986). Dès le début des années 1980, des tentatives
de libéralisation de l'économie ont été
effectuées, dans le but de faire la révolution économique,
comme l'avaient souligné les dirigeants de l'époque (Baptiste,
BJ. 2005). Au milieu des années 1980, la situation
politico-économique de la République d'Haïti évolue
considérablement puisque l'année 1986 est marquée par un
changement radical. Ce changement peut être considéré
d'abord sur le plan politique avec la chute de « Duvalier fils
» et les élections de décembre 1990 permettant de
passer d'un régime dictatorial à un régime
démocratique. Ensuite, cette période coïncide avec le
début de la mise en oeuvre du courant économique
néolibéral, marqué par l'application du Programme
d'Ajustement Structurel (PAS). Cette nouvelle politique donne aux Institutions
Financières Internationales (IFI) la mission d'assurer la
stabilité financière et la croissance économique du
pays,
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puisque sa situation se détériorait suite
à son exclusion sur le marché international depuis le 8 octobre
1991. Sur la demande de ces Institutions, les dirigeants haïtiens ont
diminué drastiquement les droits de douanes sur les denrées
agricoles, particulièrement sur le riz [(PAPDA, 2011) ; (Fréguin,
S. & Devienne, S. 2006)], contribuant ainsi à une hausse des
importations venant principalement des Etats-Unis qui subventionnent leurs
agricultures (Baptiste, BJ. 2005).
Membre fondateur de l'OMC (ancien GATT depuis 1950) en 1995,
Haïti a bénéficié de la clause de la nation la plus
favorisée. Pourtant, ses droits de douanes consolidés sont
extrêmement bas (21.10% en moyenne), avec des taux nuls pour bon nombre
de produits. Le pire dans tout ça, les tarifs appliqués sont
encore plus bas que les droits de douanes consolidés. À cela il
faut ajouter la remise en question de la politique de restriction à
l'importation et la fermeture de certains ports du pays appliquée sous
l'administration des « Duvalier ». Comme
les deux autres Institutions (FMI et BM), l'OMC plaide en faveur d'une
libéralisation des échanges fondée sur le
démantèlement des tarifs douaniers, le désengagement de
l'Etat (MARNDR, 2010a) et la privatisation des entreprises publiques
jugées « non performantes ». Sur la base de cette politique,
des entreprises agricoles comme « la Minoterie » (production
de farine et de pain) et « l'huilerie ENAOL » ont
été privatisées (Perchellet, S. 2010). Pour les dirigeants
de l'époque, cette politique peut favoriser l'intégration du pays
dans le commerce internationale et ; augmenter la production, les exportations
ainsi que le revenu agricole afin de diminuer les importations et de
résoudre le problème de la pauvreté et de
l'insécurité alimentaire.
Créé en 1973, les pays de la CARICOM essaient de
protéger leurs agricultures sur la base de l'application du Tarif
Extérieur Commun (TEC). En effet, des droits de douane allant
jusqu'à 40% ont été appliqués sur les
denrées agricoles. Malgré qu'Haïti soit membre à part
entière et la première puissance démographique de cette
communauté depuis le 4 juillet 2003, ses dirigeants n'ont pas
profité de cette opportunité pour relancer la production rizicole
et améliorer la situation économique des riziculteurs par
l'application du TEC. En effet, un tarif douanier de 3% seulement est
fixé sur le riz (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J.
2017).
Cependant, au lieu de protéger son agriculture, la
lecture de la structure tarifaire d'Haïti ; l'un des principaux
instruments utilisés pour analyser la politique commerciale d'un pays
donné, nous laisse observer que l'agriculture du pays est l'une des plus
libéralisées au monde. Contrairement au taux consolidé de
l'OMC sur les produits agricoles qui est de 21.1%, la moyenne des droits de
douanes sur les produits agricoles haïtiens était de 8% en 2011
(Bruce Huff, H. 2014).
Comme le montre la figure 2.5 qui suit, la moyenne simple des
droits de douanes agricoles consolidés en Haïti (21.10%) est
nettement inférieure que celle de la République Dominicaine
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(39.30%), de certains PMA (72.9%) et des pays de la CARICOM
(97.8%). Parallèlement, la moyenne des droits de douanes
appliqués sur les denrées agricoles en Haïti est de 8%,
contre 16.1% et 18.3% pour les PMA et les pays de la CARICOM respectivement. De
plus, un taux de 0% appliqués sur les denrées agricoles pour 29%
droits de douanes en Haïti contrairement à ses partenaires
commerciaux comme la République Dominicaine qui n'a aucune franchise
douanière pour les denrées agricoles, les PMA (4.8%) et les pays
de la CARICOM (18%).
Pourtant, Haïti a une très petite portion de ses
droits de douanes agricoles appliqués qui sont supérieurs
à 15% (11.50%). Contrairement à Haïti, les pays faisant
partie de la CARICOM ont près de la moitié, soit 45.60% de leurs
tarifs douaniers sur les denrées agricoles en moyenne qui sont plus
élevés que 15%. Pour les PMA 54.2% de leurs droits de douanes en
moyenne sont fixés à des taux plus élevés que 15%.
Puisqu'en moyenne, les tarifs douaniers appliqués à l'importation
des denrées agricoles en Haïti sont moins élevés que
ceux de ses partenaires commerciaux ; le fait aussi qu'il est le pays qui
accorde de franchise douanière sur une plus grande quantité de
denrées agricoles (avec 29% droits de douanes fixés à 0%)
et la plus faible portion de droits de douanes supérieure à 15%,
Haïti peut être considéré comme l'un des pays les plus
libéralisés.
Figure 2.5 : Comparaison des tarifs agricoles entre
Haïti, République Dominicaine, certains PMA et les Pays de la
CARICOM.
100.0
80.0
40.0
60.0
20.0
0.0
21.1
39.3
Consolidés Appliqués
72.9
Comparaison des tarifs agricoles entre Haïti,
la République Dominicaine, les PMA et les Pays de la
CARICOM
97.8
Moyenne simple
Consolidés Appliqués
Haïti République Dominicaine Moyenne PMA
Moyenne CARICOM
8.0
16.1
18.3
29.2
17.2 0.5 0.8
% de franchise de droits
4.8
18.0
65.6
98.9
Consolidés Appliqués
96.0
98.6
Droits >
15%
11.5
45.6
54.2
Source : Calculs réalisés par l'auteur à
partir des données de Bruce Huff, H. (2014 : 22).
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