2. L'appel
a. Notions
L'appel est une voie de droit par laquelle une partie à
laquelle une décision judiciaire fait grief, s'en réfère
à une juridiction d'un degré supérieur à celle qui
a rendu le jugement attaqué « dans le but de voir
reformé ce jugement à son avantage ».
En principe, tout jugement pénal rendu au premier
degré par une juridiction judiciaire se prononçant sur le fond,
peut être frappé d'appel. De même peuvent être
frappés par voie de l'appel, le jugement par lequel une juridiction
écarte l'action publique sans avoir examiné le fond, parce qu'il
y a une exception ou une fin de non recevoir.
L'on peut aussi entreprendre par la voie d'appel les jugements
rendus par défaut. Ainsi donc, contre un jugement par défaut,
deux voies de recours sont ouvertes, l'appel et l'opposition ; le choix
d'une voie ferme l'autre. Il est suivi à la poursuite de la
procédure en appel engagée par le MP, la partie civilement
responsable ou la partie civile contre un jugement de condamnation
prononcé par défaut à l'égard du prévenu
tant que le prévenu se trouve dans les délais utiles pour faire
opposition (art.94, CPP).
Les jugements rendus sur opposition sont toujours susceptibles
d'être entrepris par la voie d'appel. Il est à rappeler que le
juge saisi par l'opposition du prévenu ne peut aggraver sa
situation ; en conséquence, en cas d'appel du MP, contre le
jugement sur opposition, la juridiction d'appel ne peut pas aggraver la
situation du prévenu par rapport à celle que lui a faite le
jugement par défaut qui n'a pas été frappé d'appel.
Nous noterons que l'appel est interdit contre les jugements
préparatoires, réservant l'appel aux seuls jugements
interlocutoires, c'est-à-dire préjugeant le fond qui est une
question d'appréciation donnant parfois lieu à des abus.
L'art. 122 du CPP porte obligation pour la partie civile et la
partie civilement responsable consigner les frais d'appel, la consignation ne
doit pas être préalable à la déclaration d'appel
mais il devra être faite endéans les délais d'appel :
le greffier qui reçoit une déclaration faite au bas de l'exploit
de signification ou par missive, sans lesquels la consignation doit être
faite.
b. Les parties appelantes
Art. 96 CPP -- La faculté d'interjeter appel
appartient:
1. au prévenu;
2. à la personne déclarée civilement
responsable;
3. à la partie civile ou aux personnes auxquelles des
dommages et intérêts ont été alloués
d'office, quant à leurs intérêts civils seule- ment;
4. au Ministère public.
c. Les catégories d'appel
L'on distingue l'appel principal et l'appel incident.
L'appel principal est celui qui est
formé par une partie qui prend l'initiative d'exercer le recours, il
peut porter sur l'action publique ou sur l'action civile. Il peut se faire
sous trois formes :
1. Par une déclaration verbale au greffe de la
juridiction qui a rendu le jugement ou de la juridiction qui doit connaitre de
l'appel. Le greffier dresse acte daté de la déclaration. C'est la
forme ordinaire, normale de l'appel principal.
2. Par la missive adressée au greffe de la juridiction
qui a jugé ou de la juridiction qui doit connaitre de l'appel. Le
greffier doit porter sur la lettre, la date de la déclaration. C'est la
forme ordinaire, normale de l'appel principal.
3. Par une déclaration en réponse faite au bas
de l'original de l'acte de signification lorsque le jugement civil est
signifié verbalement à la personne dans le délai
d'appel.
Un même jugement : peut faire l'objet de plusieurs
appels principaux portant soit sur les dispositions civiles, soit sur toutes
les deux à la fois. Ces appels seront examinés au cours d'une
même instance d'appel. La déclaration d'appel (écrite ou
verbale) doit fournir les indications suivantes :
4. L'identité du jugement ;
5. La désignant du jugement attaqué ;
6. L'identité de différentes parties en cause de
manière à permettre au greffier de leur notifier
l'appel ;
7. La manifestation claire et nette de l'intention
d'interjeter l'appel. Les motifs de l'appel ne doivent pas être
indiqués. Si l'appelant ne limite pas son appel à un ou autre
dispositif, son appel est présumé formé contre tout
dispositif qui lui fait grief.
Devant la juridiction d'appel, c'est l'acte
d'appel qui détermine la saisine de la juridiction et non
pas le libellé de l'exploit de notification de l'appel. Enfin,
précisons que l'avocat ou le défenseur judiciaire (ce dernier ne
pas admit devant la cour) peut interjeter appel, pourvu qu'il soit porteur
d'une procuration spéciale, laquelle est soit déposée au
greffe en cas de déclaration verbale, soit annexée à la
missive d'appel.
L'appel incident est l'appel interjeté
par voie de conclusion par une partie intimée à l'instance
d'appel. L'art 98 du CPP a limité, en droit congolais, l'appel incident
aux intérêts civils en cause. Les conclusions de l'appel incident
peuvent être prises à l'audience d'appel par un écrit
déposé, après lecture : sur le banc du tribunal ou
verbalement par la partie appelante ou par un mandataire, le greffier prenant
acte des conclusions prises.
d. Les délais d'appel
L'on distingue trois sortes de délais en matière
d'appel ; il y a le délai ordinaire, le délai distance et le
délai prorogé en faveur du MP.
Le délai ordinaire pour interjeter un appel contre un
jugement contradictoire est de 10 jours à la date du jour du
prononcé, pour le calcul de ce délai, les jours
fériés ne sont pas déduits, car ce délai est temps
de réflexion sur l'opportunité d'agir en appel et l'on estime que
la réflexion n'est pas interrompu pendant les jours
fériés. La date de l'appel est celle de la réception de la
déclaration par le greffier, huissier et non celle de
l'expédition de la missive.
Si le jugement répressif est rendu par défaut,
le délai reste de dix jours, mais il prend court à la date de
toute signification régulière.
Le délai ordinaire est prolongé d'un
délai de distance en faveur des appelants privés. Le délai
de distance est d'un jour par cent kilomètres de distance avec un
maximum quarante jours. La distance à prendre en considération
est celle qui sépare du greffe où est faite déclaration
d'appel, la résidence de l'appelant (cas du jugement contradictoire) ou
le lieu de signification (cas du jugement par défaut).
Le MP près la juridiction qui a prononcé le
jugement dispose de dix jours à dater du prononcé du jugement
pour interjeter appel ; il n'y a pas de délai de distance pour lui.
En revanche, le MP près la juridiction d'appel dispose d'un délai
de trois mois à dater du prononcé du jugement (art. 99. al. du
CPP). Ce délai se calcule de date à date et non par
période de trente jours. L'appel extraordinaire du MP permet à la
hiérarchie du parquet d'exercer la mission de contrôle ; cet
appel ne peut être interjeté que pour mettre en cause l'action
publique, il ne peut donc être interjeté à des fins
purement civiles.
e. L'effet du délai d'appel et de
l'appel
Ø L'effet suspensif du délai
d'appel
Le délai ordinaire d'appel augmente du délai de
distance suspend l'exécution du jugement répressif tant dans ses
dispositions civiles que pénales. Le délai d'appel extraordinaire
accordé au MP ne suspend pas l'exécution ni des dispositions
civiles ni des dispositions pénales.
Mais il existe des dérogations à cet effet
suspensif, l'art. 83 du CPP dispose que le prévenu qui au moment du
jugement est en étant de détention préventive avec ou sans
liberté et qui est acquitté ou condamné à une
simple amende est immédiatement mis en liberté nonobstant appel,
une autre dérogation provient du fait que le sursis à
l'exécution n'empêche pas de maintenir en détention un
condamné au moment du jugement, enfin, dernière
dérogation, l'effet suspensif du délai d'appel n'empêche
pas de maintenir le prévenu dont l'arrestation immédiate a
été ordonnée lors du jugement (art. 85 du CPP).
Si la déclaration ne porte que sur les condamnations
civiles, les peines sont exécutées. Ainsi donc, l'appel de la
partie civile ne peut pas paralyser l'exécution des peines, même
si son appel tend à faire dire du droit que l'infraction n'est pas
établie, le condamné ne peut en profiter s'il n'interjette appel
ou si le MP n'a pas suivi l'appel.
Ø L'effet dévolutif de
l'appel
L'effet dévolutif résulte du fait que le juge
d'appel ne peut connaitre que du point de droit et de fait
présentés au premier juge et ce, dans les limites tracées
par l'acte d'appel. C'est cet effet qui exprime l'adage « Tantum
devolutum quantum appelatum ».
L'effet dévolutif interdit d'élargir la
prévention en retenant des frais nouveaux car cela aboutirait à
priver le prévenu d'un degré de juridiction. C'est l'interdiction
des demandes nouvelles en appel.
L'interdiction de modifier la prévention, n'interdit
cependant pas au juge d'appel de changer la qualification du fait poursuivi et
ne l'empêche pas d'examiner les moyens nouveaux proposés par les
parties à l'appui de leurs prétentions ; la
possibilité de faire valoir les arguments nouveaux est la
conséquence nécessaire du nouveau débat qui s'ouvre devant
le juge d'appel.
L'effet dévolutif connait une limitation qui ne se
traduit par la règle de l'interdiction de « la reformatio in
pejus » ; cette règle interdit au juge d'appel de
réformer la décision qui lui est déférée
dans un sens contraire aux intérêts de cet appelant, lorsque ce
dernier est une partie privée et est seul en appel. C'est ainsi que si
le prévenu est seul appelant, le juge d'appel ne peut prononcer contre
lui une peine plus grave ou modifier dans un sens plus sévère la
qualification d'appel retenu.
Le juge ne peut normalement allouer des D.I plus importants
que ceux alloués en première instance, sauf s'il y a appel
incident portant sur les intérêts civils, car en ce cas, la partie
civile peut postuler par simple conclusion une majoration de la
réparation. De même, la partie civile ne peut voir sur son seul
appel, diminuées ou supprimées les indemnités
accordées ni la personne civilement responsable sur son appel, voir sa
responsabilité aggravée. L'interdiction de la « la
reformatio in pejus » s'applique en droit congolais en tant que
principe général de droit.
Ø L'évocation
L'évocation est l'obligation faite à une
juridiction d'appel de statuer sur le fond chaque fois que le jugement est
annulé pour violation ou omission repérée des formes
prescrites par la loi.
En droit congolais, le siège de la matière est
l'article 107 du CPP qui dispose : « la juridiction d'appel qui
réforme la décision entreprise pour un motif autre que la saisine
irrégulière ou incompétence du premier juge connait du
fond de l'affaire ». Il parait exister en droit l'hypothèse
d'une juridiction d'appel qui annule un jugement statuant sur incident.
L'évocation est obligatoire en procédure
pénale, cette obligation résulte de la formulation même de
l'art. 107 du CPP. Au cas où la juridiction d'appel réforme la
décision pour saisine irrégulière ou pour
incompétence du premier degré en forme régulière et
devant la juridiction compétente : il ne peut donc être
question pour la juridiction d'appel de renvoyer la cause devant le premier
juge.
Deux problèmes restent posés en matière
d'évocation. L'évocation en cas d'annulation d'un jugement
statuant sur un incident soustrayant la cause au double degré de
juridiction violant ainsi un principe constitutionnel ; l'on justifie
cette violation en disant que si la cause a donné lieu à un
jugement interlocutoire, la juridiction de premier degré a au moins
connu un débat sur le fond, le double degré justifie qu'il soit
statué d'emblée au degré d'appel pour vider l'affaire. La
partie civile peut être surpris par l'effet de l'évocation, car il
se peut qu'elle ne soit pas constituée avant le jugement interlocutoire,
et si un appel est interjeté contre l'interlocutoire et qu'il y ait
évocation, se voyant privée de son action, en ce cas juridiction
d'appel, statuera d'office sur les D.I.
v Comparution volontaire
Il peut arriver qu'une partie comparaisse volontairement lors
qu'elle accepte sans que l'exploit ne lui soit pas signifié valablement
en avance. Elle renonce donc à toute irrégularité de la
procédure dont elle pouvait se prévaloir à ce stade.
Mais, il faut noter que les arrêts de la Cour d'appel ne
sont susceptibles de recours qu'à la cour de cassation en matière
pénale et administrative.
§2. Les voies de recours
extraordinaires
Parmi les voies de recours extraordinaires, limitons-nous
à examiner la cassation (1) avant de refermé la page avec
l'exécution du jugement/arrêt(2).
1. Pourvoir en cassation
a. Les fonctions de la cassation
L'on peut résumer en cinq points les fonctions de
Cassation :
2. Faire respecter les textes de la loi : Grâce
à ses arrêts, la Cour Suprême de Justice joue le rôle
de régulatrice de l'interprétation et de l'application de la loi.
Les injonctions des arrêts de renvoi réalisent encore mieux cette
fonction.
3. Unifier la jurisprudence : Cette fonction n'est que le
corollaire logique de la première fonction. Avant la création de
la Cour Suprême, il n'existait pas d'autorité judiciaire nationale
à même d'imposer une orientation jurisprudentielle unique.
4. Assurer la discipline des juges : Les juges sont
sensibles aux critiques dont leurs décisions sont l'objet. Ils en tirent
des leçons utiles pour leur formation juridique.
5. Intérêts des parties : La Cassation
permet de redresser des erreurs de droit qui ont causé préjudice
aux intérêts des parties.
6. Fonction politique : L'unité de la
jurisprudence crée un sentiment de confiance dans le Chef de tous les
habitants du pays et contribue à cimenter l'unité nationale.
Pour exercer cette voie de recours, il doit s'agir des
décisions rendues en dernier ressort par les Cours et Tribunaux. Ainsi
doivent être épuisées les voies de recours ordinaires.
b. Des généralités
La cassation est un recours extraordinaire ouvert à
toute décision rendue au dernier ressort par une juridiction. Il est
initié par une déclaration faite au greffe et actée par
le greffier de la juridiction qui a rendu la décision ; par une
déclaration devant le Directeur de prison où le condamné
est incarcéré ; par une missive ou lettre adressée au
greffier de la juridiction qui à rendue la décision entreprise
par une requête introductive du pouvoir de déposer directement au
greffe de la cour suprême de justice/cour de cassation.
2) Exécution de l'arrêt ou
jugement
Une fois l'arrêt ou jugement est prononcé et
acquiert la force de la chose jugée, il doit être
exécuté. Ainsi pour être exécuté,
l'arrêt doit :
c. Etre signifié ;
d. Etre en copie pour chaque partie avec mention ou formule
exécutoire (grosse) ;
e. L'huissier doit donc, vérifier les dispositifs
d'arrêt d'exécution avec ou sans mention ;
f. L'exécution de l'arrêt ou jugement est faite
au nom du président de la République.
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