3.3.2 Mise en situation des hypothèses et
discussions
Pour répondre aux trois premières
hypothèses de notre travail, nous allons maintenant nous baser sur le
tableau 3 qui résume les réponses des banques par rapport
à leur préférence des RDI, représentées sous
forme de fractions.
À l'hypothèse selon laquelle Haïti
préfèrerait les RDI de flux de trésorerie
non-actualisé (que nous désignerons dans la suite par non-FTA)
plutôt que les RDI de flux de trésorerie actualisé, il est
possible de constater qu'au moins 1/4 des banques utilisent toujours les RDI de
flux de trésorerie (FTA) et les RDI de non-FTA, et deux d'entre elles
utilisent toujours le délai de récupération
actualisé (DRA). De ce fait, il n'est pas possible d'affirmer qu'il
existe une préférence pour les RDI de non-FTA. Cette
première hypothèse est donc rejetée.
Nous avions aussi émis l'hypothèse
qu'Haïti préfère recourir au TIR plutôt qu'à la
VAN. Cependant, à partir du tableau 3, nous pouvons remarquer qu'il y a
une utilisation identique de la VAN et du TIR ; dans la mesure où, une
banque sur quatre les utilise toujours et 3/4 des banques les utilisent
souvent. Cette deuxième hypothèse est également
rejetée.
Dans ce travail, nous avions supposé que le TRC
serait d'usage en Haïti, mais n'y serait pas populaire. Nous pouvons
effectivement constater que le TRC est utilisé en Haïti. Cependant,
son usage est aussi populaire que les autres RDI, dans la mesure où, 1/4
des banques l'utilisent toujours, contre 3/4 déclarant en faire souvent
l'usage. Le même constat peut être dressé pour l'IP, le DRS,
la VAN ou le TIR. Cette troisième hypothèse peut donc être
confirmée en partie.
Pour l'hypothèse selon laquelle les banques
préfèreraient le TIR au DRA et à l'IP, selon le tableau 3,
il est constatable que 2 des 4 banques utilisent toujours le DRA, alors que
seulement 1/4 d'entre elles utilisent soit le TIR, soit l'IP. De plus, on
relève que 3 banques sur 4 déclarent souvent recourir au TIR et
à l'IP, tandis que 2 sur 4 déclarent utiliser souvent le DRA, ce
qui nous amène à rejeter notre quatrième
hypothèse.
En ce qui concerne le niveau d'éducation, selon notre
enquête, nous avions trouvé, que deux responsables de banques ont
un niveau de master, l'un dans le domaine de la finance et l'autre dans un
autre domaine. Les deux autres responsables ont, quant à eux, un niveau
de licence, l'un en sciences comptables et l'autre en sciences administratives.
Il faut également
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noter que 75% des responsables, connaissent toutes les RDI
FTA, donc les RDI complexes. L'un des responsables ayant un niveau de licence
en sciences administratives a déclaré ne connaitre aucune des
RDI, et le seul responsable ayant une licence et un master dans un domaine
n'ayant pas de rapport avec la finance a pourtant affirmé
connaître toutes les RDI, sauf le DRA (Tableau 4).
Nous serions portés à considérer les
répondants qui ont un master en finance, ou une licence en sciences
administratives, ou une licence en sciences comptables comme des responsables
détenant une éducation avancée en finance, car les cours
sur la finance sont très présents dans le cursus de ces
disciplines. Cependant, l'un de nos répondants, que nous estimerions
à priori comme détenant une éducation avancée en
finance, a dit ne pas connaître les RDI FTA. Toutefois, il faut noter que
quelqu'un peut ne pas personnellement connaître les RDI, mais peut, tout
de même, être courant ou s'informer auprès de ses pairs de
la pratique des RDI qui se fait au sein de la banque dans laquelle il/elle
travaille. En effet, cela pourrait expliquer pourquoi ce répondant a
été en mesure de remplir le formulaire en question. Nous pouvons
relever que l'hypothèse selon laquelle les responsables de banques
qui détiennent un niveau d'éducation avancée en finance
seraient tous au courant et pourraient appliquer les RDI FTA, ne peut
être affirmée, car nos données indiquent justement le
contraire. En effet, les données collectées ont montré
qu'avoir un niveau d'éducation avancée en finance n'impliquerait
pas automatiquement la connaissance de toutes les RDI FTA. La cinquième
hypothèse est donc rejetée.
Tableau 5: Tableau récapitulatif des
hypothèses et des résultats
Hypothèses
|
Résultat
|
Haïti préfère les RDI non-FTA aux RDI FTA
|
Rejetée
|
Haïti préfère le TIR à la VAN
|
Rejetée
|
Le TRC sera d'usage en Haïti, mais ne sera pas populaire
|
Confirmée en partie
|
Dans la catégorie des RDI FTA, Haïti
préfère le TIR au DRA et à l'IP
|
Rejetée
|
Les responsables de banques qui ont une éducation
avancée en Finance sont tous au courant des RDI FTA
|
Rejetée
|
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Discutons à ce niveau de l'implication du
résultat des hypothèse évoquées dans ce travail.
Concernant la première hypothèse, nous avions supposé que
les RDI non-FTA seront plus populaires que les RDI FTA au niveau des banques.
Cette décision peut s'expliquer par le fait que les pays en voie de
développement ont tendance à être moins stables sur le plan
politico-économique, ce qui impacte largement leurs projets
d'investissement. De ce fait, ces pays préfèrent les RDI non-FTA
telles que le DRS et le TRC. Cependant, il s'est avéré que nous
n'avons pas pu confirmer une telle hypothèse au niveau du secteur
bancaire d'un pays en voie de développement comme Haïti.
Néanmoins, une observation assez intéressante a été
faite en ce sens que la moitié des banques recourt toujours au DRA qui
est aussi une RDI FTA. Une possible explication est qu'en dépit des
tensions politico-économiques, le système bancaire
préfère certes les projets donnant des résultats rapides
mais essaye, tout de même, de rester le plus proche possible de la
théorie en adoptant le DRA plutôt que le DRS. Nous pouvons aussi
observer cette tendance de prudence dans la distribution des
préférences pour les autres différentes RDI (Tableau
3).
L'hypothèse consistant pour le système bancaire
haïtien à primer le TIR sur la VAN a également
été rejetée. Nous avons observé que la pratique de
ces deux méthodes est similaire. Il convient de noter que nous avions
fait cette hypothèse par rapport à l'influence
historico-culturelle et éducationnelle de la France sur Haïti.
Cependant, le résultat de notre travail a permis d'observer
qu'Haïti ne préfère pas le TIR plus que les autres
règles, contrairement à notre postulat de départ
(Haïti et la France afficheraient les mêmes
préférences quant au TIR). Ainsi, il se pourrait que les
responsables de banques décident des RDI en fonction d'autres
paramètres tels que les différentes pratiques en vigueur dans le
secteur bancaire national haïtien en général. Il se peut
aussi que la BRH (Banque Centrale) impose les RDI que les banques doivent
pratiquer, ce que nous n'avons pas réussi à vérifier au
niveau de ce travail. Il convient également de noter que la
préférence des RDI au niveau des Banques haïtiennes ne
dépend pas non plus du niveau d'éducation financière de
ses dirigeants.
Concernant l'hypothèse selon laquelle le TRC serait
d'usage mais ne serait pas populaire, nous avons constaté que cette
méthode est aussi populaire que les autres RDI. En effet, cela peut
s'expliquer par le fait que, bien que cette méthode ne soit pas
recommandée par la littérature, le système bancaire a
opté pour la prudence en ne laissant de côté aucune des
méthodes. Nous pensons que le niveau d'incertitude et l'absence des
données fiables (taux d'intérêt et autres données
économiques) permettent d'expliquer ce comportement. En outre,
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le système bancaire haïtien a choisi de ne pas
seulement compter sur une ou un groupe de règles de RDI
spécifiques mais préfère les utiliser toutes, même
celles qui ne sont pas recommandées.
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