Chapitre 1 : Les règles de décisions
d'investissement (RDI) : Définition, Théories et Revue de
Littérature
1.1 Définition &
Théories
1.1.1 Définition
Les règles de décisions d'investissement (RDI)
sont des techniques utilisées par les entreprises pour décider
s'il faut investir dans un projet. Ces techniques aident aussi à
comparer les projets entre eux afin de choisir celui ou ceux pouvant maximiser
la valeur de l'entreprise (Berk & DeMarzo, 2017, p. 254). Les
décisions d'investissement relèvent d'un processus comprenant
plusieurs phases : I) l'identification, II) le développement, III) la
sélection, IV) le contrôle (Baker, Singleton, et al., 2011).
Cependant, dans le cadre de ce travail, nous nous focaliserons sur le processus
de sélection (choix) des investissements qui est
considérée comme l'étape la plus étudiée
dans la littérature (Burns & Walker, 2009). Il faut noter qu'on
trouve dans la littérature plusieurs règles de décisions
d'investissement2 faisant l'objet de plusieurs
catégorisations sophistiquées3 et
non-sophistiquées ou naïves4 pour Haka (1987) et
Wolffsen (2012); les « orphelins théoriques » et les
règles qui font « frontières avec la superstition
» pour Terborgh (1949). Cependant, selon Baker et al, la
majorité des ouvrages en finance s'entendent sur la classification qui
suit : a) Les règles de flux de trésorerie actualisé
(Discounted cash-flow methods ou DCF methods, en anglais); b) Les règles
de flux de trésorerie non-actualisé (Non-discounted cash-flow
methods ou non-DCF methods, en anglais) (2011).
1.1.2 Théories - Type de décisions
d'investissement (Baker, Singleton, et al., 2011, pp. 66, 67)
Il existe deux types de règles de décisions d'investissement
:
a. Les règles de flux de trésorerie
actualisé (RDI FTA) qui sont : la valeur actuelle nette (VAN), le taux
interne de rentabilité (TIR), l'indice de profitabilité (IP) et
le délai de récupération actualisé (DRA).
2 Autres RDI non-mentionnées dans ce TFE :La
méthode Monte-Carlo, l'analyse de sensibilité, l'arbre de
décision, l'analyse par les options réelles (Bennouna, Meredith,
& Marchant, 2010)
3 Se réfèrent aux RDI telles que la VAN,
le TIR et l'IP (Haka, 1987)
4 Se réfèrent aux RDI telles que le TRC
et le DRS (Haka, 1987)
5
b. Les règles de flux de trésorerie
non-actualisé (RDI non-FTA) qui sont : le délai de
récupération simple (DRS) et le taux de rentabilité
comptable (TRC).
La valeur actuelle nette (VAN)
La VAN d'un projet d'investissement est la différence
entre les bénéfices futurs actualisés et les coûts
ou dépenses exigées par le projet. En général, elle
tient compte de la valeur réelle de tous les flux rentrants et sortants
potentiels du projet.
??
(1)
?????? = -??0 + ? ??????
??=1
(1 + ??)??
??0 : l'investissement ou coût initial N
: la durée totale du projet
?????? : le cash-flow en temps t i : taux
d'actualisation utilisé t : le temps du cash-flow
La VAN étant l'impact monétaire actuel d'un
projet sur la valeur de l'entreprise, à ce titre, la théorie
recommande d'accepter tout projet dont la VAN est supérieure à
zéro (VAN>0). Mais, elle reste libre de décider
d'accepter ou de refuser tout projet dont la VAN est égale à
zéro (VAN=0), et de rejeter tout projet si sa VAN est
inférieure à zéro (VAN<0).
En conclusion, l'entreprise doit choisir tous les projets qui
augmenteront sa valeur maximale. Par conséquent, en cas de choix entre
des projets s'excluant mutuellement, il convient de choisir le projet qui a la
VAN la plus élevée (Berk & DeMarzo, 2017, p. 263).
Le taux interne de rentabilité (TIR)
Le TIR d'un projet d'investissement est le taux de
rentabilité généré par le projet en tenant compte
du montant de l'investissement initial et de l'échéance des flux
rentrants futurs. En d'autres termes, le TIR mesure la rentabilité
moyenne d'un projet. C'est aussi le taux qui annule la VAN.
??
(2)
0 = -??0 + ? ??????
(1 + ??????)??
??=1
6
La théorie indique qu'il faut accepter tout projet dont
le TIR est supérieur au taux d'actualisation du projet. Ce qui implique
qu'il faut rejeter tout projet dont le TIR est inférieur à son
taux d'actualisation. En principe, le TIR est une bonne méthode
d'évaluation de la rentabilité d'un projet ssi ses flux
négatifs précèdent ses flux positifs. Autrement, le TIR
n'est pas recommandé parce qu'il peut conduire à des
résultats erronés, à l'existence de plusieurs TIR pour un
seul projet ou encore l'inexistence de TIR. Le TIR est recommandé pour
l'évaluation de plusieurs projets ss'ils sont de même
échéance, risque et portée (Berk & DeMarzo, 2017, p.
263).
L'indice de profitabilité (IP)
L'IP est la valeur actuelle du flux rentrant pour chaque
unité de flux sortant. En d'autres termes, cette méthode
représente le rapport entre la VAN du projet et les ressources
consommées, c'est-à-dire le rapport entre la VAN du flux
d'exploitation du projet sur la VAN du flux d'investissement.
????=
|
??
??=1
|
?????????????
|
(3)
|
(1 + ??)??
|
??????? ?? ??=0
|
??????
|
(1 + ??)??
|
???????????? : flux d'exploitation en temps t
???????????? : flux d'investissement en temps t
La logique de l'IP est similaire à celle de la VAN. En
cas de contrainte budgétaire, la théorie recommande d'accepter
tous les projets dont l'IP est le plus élevé jusqu'à
l'épuisement des ressources disponibles (la contrainte). Cependant,
cette méthode peut conduire à des décisions
erronées pour des projets qui sont mutuellement exclusifs et de
portée différente. Baker et al ont démontré
qu'entre deux projets A et B, lorsque L'IP de A est supérieur à
celui de B, il faut logiquement choisir le projet A. Cependant, cette
décision peut être erronée si le projet B a une plus grande
portée que le projet A.
Le délai de récupération
actualisé (DRA)
Le DRA tient seulement compte du délai de
récupération de l'investissement initial en valeur réelle
ou actualisée. Elle mesure le temps entre l'adoption du projet
d'investissement et le délai de récupération du flux
sortant. Son objectif est de déterminer le temps nécessaire pour
que la VAN des flux rentrants actualisés et cumulés soit
positive.
??????
??????? (1 + ??)?? - ??0
??=1
= 0 (4)
7
La règle du DRA veut qu'on choisisse les projets avec
les délais de récupération les plus courts, car plus le
délai de récupération est court, plus le projet est moins
risqué et attractif (Baker, Singleton, et al., 2011). Mais, toujours
est-il que cette méthode peut conduire à un choix erroné,
dans la mesure où, le principe du DRA ne considère pas
l'importance des flux futurs du projet après la
récupération du montant investi. La vraie faiblesse de cette
règle est qu'elle ne tient pas compte de la rentabilité totale du
projet. En effet, pour des projets mutuellement exclusifs, choisir le projet
avec le délai de récupération le plus court n'est pas
forcément le projet qui maximise la valeur de l'entreprise. Cependant,
si l'entreprise a besoin d'un succès rapide, cette méthode serait
à conseiller.
Le délai de récupération simple
(DRS)
La logique du DRS est semblable à celle du DRA. La
seule différence est que le DRS ne tient pas compte de la valeur
actualisée des flux rentrant cumulés, car son objectif est de
déterminer le temps nécessaire pour récupérer
l'investissement initial à partir des flux rentrants cumulés
non-actualisés.
??????
? ?????? - ??0 = 0 (5)
??=1
8
Le taux de rentabilité comptable (TRC)
Le TRC est le rapport entre le bénéfice annuel
moyen après l'impôt et l'investissement comptable moyen.
TRC =
|
vt1 Bt I0 + VR
2
|
(6)
|
Bt : Bénéfice après
l'impôt en temps t n : durée du projet
I0 : Investissement initial en temps 0 VR :
Valeur résiduelle
En principe, on doit accepter tout projet dont le TRC
dépasse le seuil de rentabilité arbitraire de l'entreprise. Pour
des projets mutuellement exclusifs, il faut choisir le projet dont le TRC est
le plus élevé, tout en veillant à ce que celui-ci
dépasse le seuil de rentabilité l'entreprise. Comme le soulignent
Baker et al (2011), le TRC n'est pas une méthode recommandée,
parce qu'elle ne tient compte que des profits comptables du projet et non de
son cash-flow. Donc, elle ne considère pas la valeur réelle
(actualisée) du profit. De plus, elle est une méthode assez
simple à calculer.
En conclusion, la théorie recommande trois
comportements par rapport aux règles de décisions
d'investissement :
a) L'utilisation des règles qui tiennent compte du
flux de trésorerie actualisé (VAN, TIR, IP et DRA) parce qu'elles
sont supérieures aux règles non-FTA (DRS et TRC) (Baker,
Singleton, et al., 2011)
b) La supériorité de la VAN sur le TIR
(Bennouna et al., 2010)
c) L'utilisation de la règle de la VAN car elle est la
seule qui garantit toujours, de façon non-équivoque, la
maximisation de la valeur pour l'entreprise (Bennouna et al., 2010)
Comme nous allons le voir dans le prochain chapitre, certaines
pratiques vont à l'encontre des trois principes susmentionnés. En
effet, il y a des entreprises qui choisissent les
9
méthodes qui font fi des flux de trésorerie en
raison de leur simplicité de calcul, principalement du fait que
celles-ci n'exigent pas le calcul complexe de la valeur réelle de
l'argent, car la détermination de cette dernière, suppose
l'utilisation du vrai taux d'actualisation5. Même si, dans la
pratique, l'évaluation à partir du calcul du flux de
trésorerie actualisé, exige une certaine technicité
(Magni, 2009). Somme toute, il est recommandé aux entreprises
d'appliquer au moins deux ou trois RDI (Hatfield, Hill, & Horvath,
1999).
Tableau 1: Classification des règles de
décisions d'investissement
RDI FTA
|
Avantages
|
Désavantages
|
Champ d'application & Principe
|
1. VAN
|
- Valeur monétaire
réelle du projet
- Supérieure aux autres règles
|
- Difficile à
calculer
- Difficile à trouver le vrai taux d'actualisation
|
- VAN>0, accepter
- VAN=0, indifférent
- VAN<0, rejeter
|
2. TIR
|
- Simple à interpréter
|
- Peut donner
des résultats erronés
- Peut exister plusieurs TIR pour un seul projet
- Le TIR peut ne pas exister
|
- TIR>coût
d'opportunité du capital, accepter
- TIR< coût d'opportunité du capital,
rejeter
- TIR= coût d'opportunité du capital,
indifférent
- Permet de comparer les projets de même portée,
durée et risque
|
3. IP
|
- Contrainte de budget
- Obtention de
résultats rapides
|
- N'est pas
conseillé pour classer des projets mutuellement
exclusifs
|
- Accepter tous les
projets dont l'IF le plus élevé
|
4. DRA
|
- Plus ou moins simple
à calculer
|
- Peut donner
des résultats erronés
|
- Accepter le projet
dont le délai de
|
|
5 Pouvant être le coût moyen
pondéré du capital (WACC), le coût de la dette et le
coût du capital.
10
|
- Permet d'améliorer
la structure financière de
l'entreprise
- Obtention de résultats rapides
|
- Ne tient pas
compte du risque, de la valeur réelle de l'argent et de
l'importance des flux après le délai de
récupération
|
récupération est le plus court
|
RDM Non-FTA
|
Avantages
|
Désavantages
|
Champ d'application & Principe
|
5. DRS
|
- Simple à calculer
- Permet d'améliorer
la structure financière
- Obtention de résultats rapides
|
- Peut donner
des résultats erronés
- Ne tient pas compte du risque, de la valeur réelle
de l'argent et de l'importance des flux après le délai de
récupération
|
- Accepter le projet
dont le délai récupération est le plus
court
|
6. TRC
|
- Simple à calculer
|
- Peut donner
des résultats erronés
- Ne tient pas compte des
flux
|
- Accepter tout projet
dont le TRC est supérieur au seuil de rentabilité
arbitraire de l'entreprise
|
|
11
|