ANNEXE 5 : Entretien avec Solène Bodereau
Date : 22 avril 2021
Présentation : Solène Bodereau est une
ancienne chargée des relations publiques du Préau. Elle
occupe aujourd'hui un poste similaire au Théâtre de
Lorient319. Après m'être entretenue une
première fois avec elle et ses collègues, Léna Le
Guével et Julie Cabrespines, j'ai souhaité revenir vers elle pour
connaitre son expérience au Préau.
Solène Bodereau : « [...] J'étais beaucoup
en lien avec Pascal Banning, ancien responsable des relations avec les publics
et alors coordinateur du festival ADO. [...] Parce qu'en fait je n'ai
travaillé que 6 mois au Préau, donc ce n'est pas très long
mais j'y ai travaillé sur la période du festival. Je suis
arrivée de mars 2018 jusqu'en juillet dans le but de ce
festival-là. [...] donc la 9ème édition.
Marguerite Corrieu : Lorsque nous nous étions
rencontrées avec vos collègues, vous m'aviez dit que le hall au
Préau était ouvert continuellement. Pourquoi ce choix ?
Solène Bodereau : Alors déjà le hall est
partagé avec le cinéma donc un cinéma est ouvert en
journée. C'était aussi très lié à un projet
artistique. Là avec la covid, le confinement, je ne sais pas trop
comment cela va se passer, potentiellement çà peut être
différent en vue du nouveau projet. Là avec Pauline, Vincent et
Pascal Banning, çà devait être quelque chose de totalement
ouvert et partagé. Donc on se faisait une sorte de roulement, il y avait
toujours une personne qui arrivait à 9 heures. Le Préau c'est
quand même un petit lieu. L'équipe des relations publiques avait
un bureau un peu au-dessus du hall et on entendait tout. Donc dès que tu
entendais un peu de bruit tu y allais, tu essaies de manger avec eux sur place
le midi, ... C'était vraiment l'idée de cohabiter avec ce public
adolescents, qu'il n'y soit pas libre et complètement sauvage mais bien
qu'il en prenne possession en le partageant avec le public adulte et qu'il y
ait une vraie relation. Et qu'il y ait vraiment une responsabilisation de ce
groupe-là. Pascal Banning lorsqu'il était dans le hall, il
connaissait pratiquement tous les adolescents, il leur parlait, parfois il en
prenait trois pour les emmener voir une répétition, ou les
coulisses. L'idée c'était vraiment çà : les ados
venaient au Préau pas dans l'idée que c'est un
théâtre mais parce que c'est sympa [...] c'était l'endroit
où tu retrouvais tout le monde. Ils ne se rendaient pas forcément
compte qu'ils étaient dans un théâtre donc il y avait tout
un travail de l'équipe de comment utiliser cette
présence-là. La plupart des lieux communiquent mais n'ont pas ce
public-là dans le hall. Au Préau c'était différent,
il y avait ce public dans le hall mais il était indifférent
à l'objet théâtral. Donc comment faire pour que ce public,
qui vient de manière très volontaire soit sensibilisé ?
Donc çà peut être avec ce que Pascal Banning appelait la
relation publique directe, la médiation directe. Donc sans
forcément de relais. Les gens sont présents donc ils viennent
aussi discuter. [...] Donc c'est comme çà que tous les mercredis
après-midi, à partir de mars-avril en vue du festival ADO, ont
été dédiés à l'organisation du festival.
Donc on donnait rendez-vous à des ados mais surtout on se tournait vers
les ados qui étaient présents.
319 Centre dramatique national dirigé par Rodolphe
Dana.
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On prenait un bout du hall pour que les adolescents commencent
à dessiner, à créer des choses pour le festival. [...] Au
bout d'un moment c'était du bouche à oreille. Les ados savaient
que le mercredi ils allaient pouvoir faire des petites choses. [...] La
manière dont Pascal Banning avait mené çà
c'était très éducation populaire. Donc c'était
aussi propre à une personne. Ce n'est peut-être pas le cas avec
Lucie Berelowitsch. Parfois on avait l'impression d'être dans un centre
socioculturel. Le festival ADO il avait une couleur. Tous les ans, les
jeunes décidaient soit jaune, soit bleu, ... Ce n'était pas
l'idée qu'il y ait forcément un truc beau mais que les ados se
saisissent de quelque chose en vue de ce rendez-vous. Et donc durant le
festival on mettait ce qui avait été créé sur le
parvis pour qu'ils puissent se poser. [...] Donc voilà : un lieu ouvert
avec un piano accessible, ce qui fait qu'il y avait du monde tout le temps.
Donc parfois tu avais une sorte de négociation avec les ados et tu
étais obligé de leur dire « désolé mais
là vous allez libérer les tables » parce que le lieu
était tellement petit qu'il fallait qu'on fasse nos réunions
à l'endroit du restaurant. Mais le nombre de réunions qu'on a
fait où on était entouré d'ados... Mais c'est
çà aussi qui est beau. On faisait beaucoup de réunions
avec nos partenaires pour le festival ADO, donc les profs, les MJC ...
Et du coup ils venaient et il y avait les ados autour de nous. Donc tout
dépend d'un projet. [...] Il y avait une liberté dans ce
théâtre qui était beaucoup moins contrainte que dans
n'importe quel théâtre. [...] Il faut savoir que cet espace de
l'accueil, moi çà ne me dérangeait pas parce que je n'y
suis pas restée longtemps, mais Pascal Banning pouvait avoir un
côté un peu « extrême » dans sa relation avec les
ados. Lui il pouvait venir et il mangeait à la table des ados et
incitait les gens à se mélanger aux tables et tout
çà. Chose que tu n'as pas toujours envie non plus, tu es en pause
repas. Après moi j'allais quand même manger dans le hall, je
discutais avec les adultes mais il y avait des ados à ma table. Et puis
par exemple j'avais quelqu'un que je connaissais à Vire, et bien il
venait manger avec moi. C'est un lieu ouvert où tu peux venir manger.
Alors que là ce n'est pas possible, si je mange au
Théâtre de Lorient, et bien c'est mon lieu de travail,
c'est fermé. [...] Mais par contre çà c'est un dialogue
que j'ai beaucoup eu avec Pascal parce qu'avec ce côté un peu
extrémiste, il pouvait être en opposition avec pas mal de ses
collègues. Parce qu'à partir du moment où il y a ce
choix-là, il faut que ce soit un projet porté par le collectif.
Et ce n'était pas une mission relativement relation publique. Sauf qu'en
fait la plupart des autres salariés n'allaient pas manger avec les ados
en bas donc ils allaient dans une salle à part. Alors que l'idée
c'était qu'il y ait un mélange, mais ce n'est pas possible tout
le temps. Mais après çà se travaille, en tout cas c'est
intéressant dans la manière dont c'est fait.
Marguerite Corrieu: Et Pauline Salles et Vincent Garanger,
où est ce qu'ils se situaient par rapport à çà ?
Solène Bodereau : Ben eux ils étaient à
fond. C'est eux qui ont fait naitre le festival ADO. Avant qu'ils
prennent la direction du Préau c'était un théâtre
jeune public. Et ils savaient qu'ils n'allaient pas en faire [...] En revanche,
l'adolescence çà leur plaisait bien. [...] Ce qu'ils ont fait
avec l'équipe du Préau est incroyable. C'est l'un des plus petits
CDN et c'est eux qui ont lancé le festival ADO. Même le
Théâtre de Lorient, pour le festival Eldorado
s'est un peu basé là-dessus. Moi ce que j'aimais avec le
Préau c'était cette émulation qu'il y avait durant le
festival. C'était juste incroyable. [...] Et donc quand j'y
étais, je m'occupais beaucoup du
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territoire sur toute la partie décentralisation. [...]
Il y avait une semaine à Vire et une semaine dans le bocage. Et ce
festival ADO a été extrêmement important pour ce
bocage car ils en ont créé des maisons des ados. [...] Pour les
créer, ils se sont beaucoup inspirés du festival ADO, il
y a le directeur technique qui a beaucoup aidé pour la création
de petite salle. [...] Et cela a été possible parce qu'il y avait
une envie d'ouverture complète, de désacralisation par Pauline et
Vincent. [...] Le festival ADO c'était un peu le bazar et ce
n'était pas forcément beau parce qu'en fait c'était
complètement auto-géré par des ados. Durant une semaine,
et même un peu plus que ça, le hall du théâtre
pouvait être dégoutant parce qu'ils avaient mis de la
décoration partout, des sortes de guirlandes. Quand c'était la
thématique rose, c'était l'année où moi j'y
étais, il y avait des guirlandes en papier toilettes. Il faut assumer
quand même devant tes invités, les professionnels, les élus
Drac, ... mais c'était l'idée. Ca désacralise,
çà restait un CDN mais qui laissait les clefs du
théâtre à des ados.
Marguerite Corrieu : [...] Comment vous, vous vous êtes
sentie là-dedans ?
Solène Bodereau : La particularité quand
même c'est que Pauline et Vincent étaient à la fin de leur
mandat. Lucie Berelowitsch on savait que c'était elle qui avait
été nommée. [...] Mais ce n'est pas toujours facile cette
vision très participative, éducation populaire parce que ce n'est
pas forcément ton travail ou comment tu veux le mener. C'est très
dans l'animation, ce que Pascal Banning voulait beaucoup, ce qui peut avoir un
côté assez plaisant donc tu te dis, si c'est pour un
événement pourquoi pas. Mais là çà prenait
beaucoup de place et pas toujours pour une vision artistique. Parce que pour le
coup, le festival Eldorado, le club ELDO est chapoté
par des artistes, il y a un vrai travail avec la communication. Donc c'est
aussi intéressant parce qu'on est tous là. Moi j'y retrouve un
petit truc qu'il y avait à Vire, les ados sont présents parce
qu'ils ont participé à des projets, il y a cette boom de fin. Et
pourtant j'ai l'impression d'avoir eu une meilleure place et de faire mieux mon
travail. A Vire, c'était vraiment crevant. Le mercredi tu montais des
tours, des chaises, tu faisais l'animation avec les ados. Quand ils partaient,
tu devais tout ranger, tout nettoyer dans le hall et du coup c'était
çà tous les mercredis. A un moment tu te dis : c'est la
volonté de Pascal Banning mais comment elle est partagée ? [...]
Comme c'était tout au début, je pense que le festival
ADO aurait dû se professionnaliser. Il a été
précurseur mais au fur et à mesure il aurait dû se
professionnaliser. Ce que maintenant les nouvelles initiatives prennent un peu
le relais. On peut s'inspirer de ce modèle participatif mais en faire
quelque chose de beau. C'est les limites un peu pour Vire. [...] »
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