ANNEXE 6 : Entretien avec l'équipe Le labo des
cultures
Date : 27 novembre 2020. Suivi d'une seconde rencontre le
5 mars 2021. Présentation :
Camille Monmège-Geneste : Responsable du
développement du labo des cultures, Camille est à l'initiative de
ce projet. C'est à la suite d'une dizaine d'année
d'expérience en tant que médiatrice culturelle au Centre
dramatique national le TnBA et à la direction de la culture de la ville
de Pessac, qu'elle souhaita mettre en place cette association. Elle intervient
également au sein de formations universitaires et professionnelles.
Camille Schaefer : Etudiante en master
d'Ingénierie de projets culturels et interculturels à
l'université Bordeaux Montaigne, Camille est en parallèle en
alternance au sein du Labo des cultures. Elle est la chargée de
développement des projets d'interactions culturelles.
Camille Monmège-Geneste : « C'est une association
assez jeune. Elle a un peu plus d'un an maintenant. Elle a été
mise en place par un collectif de girondins. Même au-delà en
nouvelle aquitaine. Elle a été mise en place à partir de
plusieurs constats. Des constats que j'ai pu faire en tant que
médiatrice culturelle. J'étais une médiatrice culturelle,
chargée de relations avec les publics un peu frustrée à
certains moments de ma carrière où j'avais très peu de
temps pour faire de la recherche-action pour interroger mes pratiques de
médiation culturelle et je trouvais qu'on manquait d'espaces et de temps
pour expérimenter, tenter des choses. On avait une tendance à
copier-coller les dispositifs de médiation culturelle et d'avoir peu de
place pour votre sujet par exemple. Il y a aussi des compagnies, des artistes
à qui l'on demande de plus en plus d'être attentifs à ces
enjeux de médiation et c'est pas forcément leur coeur de
métier, ils n'ont pas forcément les compétences en interne
pour pouvoir répondre à toutes ces sollicitations de
médiations. On trouvait intéressant d'avoir une structure qui
pouvait venir donner un coup de pouce, prêter main forte, donner une
expertise et venir coconstruire des choses avec eux. Et aussi on trouvait
intéressant d'être à un endroit qui ne défende pas
une programmation mais qui défende les enjeux, les finalités de
la médiation culturelle. Ce qu'on cherche, c'est faire des actions entre
des arts en général et des personnes et pas forcément de
défendre son propre petit théâtre et sa programmation. Dans
un théâtre ou un musée, l'idée c'est que le public
vienne à nous alors que là l'idée c'était de
travailler avec n'importe quelle structure artistique et culturelle à
partir des désirs des gens et réinventer les façons dont
l'on pense la médiation. Cette association a donc été
construite autour de deux dimensions. La première c'est la recherche
action, l'idée d'expérimenter et de tester des choses et la
deuxième dimension c'est l'intersectorialité car elle a
été construite avec des personnes qui ne viennent pas du milieu
artistique. On trouvait intéressant de penser nos projets avec des
personnes qui n'ont pas l'habitude d'aller au théâtre, d'aller au
musée et de s'interroger sur nos vocabulaires, les contenus qu'on peut
proposer, et faire plus de frottements entre des mondes qui ne se rencontrent
pas toujours et se dire que cette médiation, c'est une fonction qui se
doit d'être partagée et que ce n'est pas que le champ culturel et
artistique qui doit la porter mais autant le champ éducatif, du
handicap, de la santé, socio culturelle... Comme vous l'avez vu, nous
avons
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trois types d'activités: la médiation
culturelle, l'enseignement et le soutien à l'accompagnement de
projet.
Camille Schaefer : Par rapport à votre sujet, un des
aspects qui peut vous intéresser est le réseau national des
comités jeunesses au sein des structures de spectacle vivant et des
collectivités territoriales. C'est un réseau qui vise à
mettre en lien les référents et les jeunes et de partager sur les
problématiques, les enjeux communs de ces comités. On y
développe beaucoup les enjeux autour de la gouvernance et de la
démocratie participative. C'est une nouvelle vision de la
médiation et de ce que peut être la médiation. On se rend
compte avec le labo que les questions de la médiation
s'élargissent énormément et que les portes
d'entrées pour le jeunes s'élargissent énormément
aussi, [...] sans vouloir faire des jeunes « les spectateurs de demain
». Cela aussi on sent que cette idée commence à être
déconstruite. Qu'ils puissent découvrir ces lieux autrement,
qu'ils puissent être acteurs des projets, ce qu'on donne peut-être
moins la chance de faire dans la vie de tous les jours, la vie scolaire, ...
[...] La vision de la médiation qui est, selon moi, partagée par
le labo, c'est d'éviter de dire : il y a la culture d'un
côté et le social de l'autre et de temps en temps on fait des
ponts. Au final il faut moins marcher dans les définitions par secteur
et rester dans cette idée de globalité et comment la
médiation s'insère et est le socle de toute cette
intersectorialité.
Camille Monmège-Geneste : c'est une vision transversale
qu'on attend. Bien sûr qu'on est découpé en secteur
d'activité. Nous on aime à dire qu'on aimerait que cette fonction
soit partagée, appropriée et vécue par tous. En fait un
éducateur est autant un médiateur culturel qu'un chargé
des relations publiques dans un théâtre. Il font la même
chose, ce n'est pas le médiateur qui va faire un pont. Ils ont une
fonction miroir et complémentaire. Il y a cette notion transversale.
Nous au fur et à mesure on essaie d'évacuer ce mot là et
plutôt de parler d'interactions. C'est cette notion-là qui nous
intéresse : comment fait-on interagir des arts et des personnes ? Cette
idée de faciliter cette relation entre des arts et des personnes, c'est
plutôt comme un facilitateur de relations. On a un peu abandonné
cette vision d'intérêt général, avec un besoin
à combler qui serait le même pour tous. L'idée est pour
nous de faciliter des désirs, de partir des désirs des personnes.
Partir de l'inverse. Si on prend l'idée des pré-ados par rapport
à votre sujet d'étude, ce n'est pas faire en sorte que ces
pré-ados viennent dans notre théâtre mais faire des
expériences artistiques ou partir de leurs propres expressions
culturelles et de la culture de ces adolescents. Ce sont peut-être les
ados qui peuvent passer commande aux artistes. Comment changer ces
cadres-là ? C'est cela qui nous intéresse.
Marguerite Corrieu : Pouvez-vous me donner des exemples
d'interactions culturelles que vous avez pu mettre en place avec des
adolescents ?
Camille Monmège-Geneste : On peut parler des projets
concrets mais après on peut aussi parler des conseils comités
jeunesse dont parlait Camille. Je suis en train d'écrire une note
d'intention pour un projet destiné à des lycéens en CAP
carrosserie-peinture et on leur propose de réaliser un chef-oeuvre pour
travailler autour du travail d'une compagnie à partir de leurs propres
compétences. C'est eux qui viennent agrémenter l'oeuvre
déjà créée par la compagnie. C'est une
véritable collaboration entre leur savoir-faire et l'univers artistique
d'une compagnie. çà se
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passe dans une caravane ce spectacle. Je suis allée
avec dans leur atelier. Le spectacle était chez eux, et ils ne me
posaient que des questions sur la carrosserie de cette caravane alors que
j'étais incapable de leur répondre. Moi ce que j'aimais
c'était ce qui se passait à l'intérieur de cette caravane
et ils m'ont fait complètement changer mon point de vue et mon approche.
Je n'ai pas vécu l'oeuvre de la même manière parce qu'ils
la regardaient avec des yeux de spécialistes de la carrosserie. [...]
C'est là où l'on voit vraiment la complémentarité
entre les deux. Avec cette compagnie, Léna d'Azy, on essaie de
travailler sur des objets à la croisée des arts plastiques, de la
scénographie, de la maquette et du spectacle vivant. Avec cette
compagnie lorsque l'on fait des interventions de médiation culturelle,
souvent on part des cultures des jeunes et des ados. On a fait plusieurs
projets avec des classes notamment, avec une diversité culturelle
très forte, des classes allophones. Et on part du pays ou de ce que sont
les gens, de leur références, de leurs images, pour créer
des maquettes à partir de leur propre culture et on tisse des liens
entre notre savoir-faire qui est de l'ordre de la pratique, de l'animation, de
l'atelier d'écriture et à partir de ce qu'ils sont et de ce
qu'ils ont envie de valoriser de leur propre culture. En ce qui concerne les
comités jeunesse, Cette idée a germé il y a 3-4 ans
lorsque nous étions sur les enjeux des crises de la
représentativité de la pratique mais plutôt
côté politique. Et je me disais comment on peut repenser ces
pratiques. Moi je travaillais pour le TnBA. Souvent on disait, c'est le
théâtre de la cité, il appartient à tous. Sauf qu'il
appartient à tous mais finalement qui est-ce qui décide de ce
qu'il y a dans ce TnBA et qui le dirige et qui choisit les projets et les
spectacles ? Ce sont des experts qui ont été labellisés
comme ayant une expertise pour programmer ce qui se passe à
l'intérieur. Et les gens n'ont pas de pouvoir pour dire ce qui se passe
à l'intérieur et n'ont pas d'espace pour s'exprimer et pour
changer les directions que pourraient avoir un théâtre. Il y avait
quelque chose d'intéressant à se demander : comment je donne plus
d'espaces à ces jeunes dans les théâtres ? Comment je peux
changer les principes de gouvernance de ma structure ? Est-ce que j'ai envie
d'aller jusque-là ? Est-ce que même la programmation j'ai envie de
la partager avec ces jeunes ? Est-ce que je peux leur donner des enveloppes
financières et qu'ils mettent en place leurs projets ? On essaie
d'être dans toutes ces réflexions-là. Comme tu l'as vu on
est dans la recherche-action et on est toujours en lien avec
l'université. [...]
Marguerite Corrieu : Les actions que vous menez à
destination des ados se déroulent-elles toujours dans le cadre scolaire
?
Camille Monmège-Geneste : On peut répondre
à des commandes mais on peut être aussi force de propositions et
développer des partenariats. L'idée est que l'on puisse aussi
développer des supports au coeur du labo. Ce ne sont pas toujours des
publics scolaires mais aussi des volontaires, des familles. Ce que j'observe
c'est qu'en théâtre adolescent, c'est comme le très jeune
public, c'est très compliqué au niveau du répertoire. Il y
a un creux. Je le voyais bien au TnBA. C'était une structure qui
était là pour promouvoir les écritures
théâtrales contemporaines à la fois pour le jeune public et
les plus grands mais la plupart du temps il n'y avait rien à proposer
aux ados. Bien que le jeune public ce soit « à partir de ...
», on sait bien que parfois çà va dénoter si on
propose cela à des pré-ados. S'ils se retrouvent dans une salle
avec des 8 ou des 9 ans ils peuvent mal le prendre. Il y a aussi des
propositions qui ne peuvent pas avoir lieu
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en journée. Vous choisissez un public qui a des
contraintes. Donc ce n'est pas si simple de faire des soirées au
théâtre en autonomie car ils ne sont pas encore autonomes comme
les plus grands. Les artistes en parlent aussi. Ils trouvent qu'il y a un
manque pour ce public-là. Quand on regarde les plaquettes de toutes les
saisons, bien qu'il y ait des spectacles plus larges, on peut constater un
creux pour ce public. Les professeurs se plaignaient aussi souvent que pour
leur classe, il n'y avait pas grand-chose. Pour les 6ème cela
allait mais pour les 5ème-4ème, il n'y
avait pas beaucoup de propositions. Mais bien sûr on ne fait pas que des
choses dans le cadre scolaire, bien que cela soit intéressant de faire
des croisements avec différentes disciplines et le projet
pédagogique [...]
Marguerite Corrieu : Pour chacune d'entre vous, quelles
seraient les pistes de réflexions pour donner envie aux pré-ados
d'aller dans des institutions théâtrales ?
Camille Monmège-Geneste : La première chose,
c'est qu'il faut que ce soit l'institution qui se pose la question.
Peut-être qu'il faut voir avec les jeunes ce qu'ils ont envie eux et pas
à tout prix se dire : le jeune doit venir à moi. C'est cette
logique de construction qui est à interroger. On comprend bien
l'intérêt des théâtres et que la direction ne
souhaite pas que le médiateur passe des heures à travailler sur
les projets pour les ados de son quartier sans qu'il y ait de retombées
dans les salles après. C'est toujours un peu le premier problème.
Sauf que si on prenait plus en considération les envies des jeunes,
naturellement, ils prendraient plus de places dans cet espace. Au Préau
à Vire c'était intéressant ce qui se passait, la structure
était devenue un véritable préau car les jeunes
s'étaient totalement approprié les lieux et c'est devenu leur
cour de récréation. C'était devenu leur espace à
eux. C'est cela qui est intéressant ! Quand les jeunes d'eux-mêmes
peuvent s'approprier cet espace-là et pas seulement « on vous
invite à venir au théâtre de manière ponctuelle
». Il faut travailler cette relation dans la durée. Après il
y a plein de recettes : ambassadeurs, ... Moi je pense que çà
part de la méthodologie et du rapport que l'on a envie d'instituer avec
eux !
Camille Schaefer : Effectivement c'est une meilleure
horizontalité à créer pour construire un rapport plus
privilégié avec le jeune. C'est les rendre acteurs et leur faire
confiance. Dès qu'on leur fait confiance, qu'on les responsabilise, ils
savent en faire quelque chose. Le problème souvent c'est qu'on ne les
engage pas véritablement [...]. C'est la période
compliquée pour nous, animateurs et médiateurs. Ils sont à
la fois adultes et enfants et on ne sait pas sur quel pied danser et même
le jeune ne sait pas. Surtout ne pas l'obliger. Ce sont des retours qui nous
parviennent de tous les comités de jeunes. On doit être force de
propositions mais si parfois il n'est pas là, il n'a pas envie, ce n'est
pas grave. Cà évite de tout sacraliser. Il faut arriver à
simplifier pour l'adolescent, à lui ouvrir une porte de dialogue plus
simple. On parle beaucoup aujourd'hui des institutions mais qu'est-ce qu'une
institution ? Qu'est-ce qu'il y a en dehors des institutions ? Cà me
fait penser aux tiers-lieux. Pourquoi les tiers-lieux arrivent-ils plus
facilement à attirer des jeunes alors que les institutions en tant que
tel beaucoup moins. Comment eux ont-ils réussi ce pari ? C'est aussi
lié au fait que ce soit pour et avec les habitants.
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Camille Monmège-Geneste : Il faut trouver comment tu
fais évoluer ton institution par rapport à çà et
par rapport aux référentiels que peuvent avoir les jeunes. Il
faut se dire que nos référentiels ne doivent pas devenir les
leurs mais aussi comment je les imprègne de ma culture, et ils
m'imprègnent de la leur. La problématique est selon moi : est-on
prêt à faire évoluer nos institutions ? Partir des
références aussi des institutions parfois. On va pas se dire
qu'on va tout réinventer et qu'on ne peut faire que comme
çà. C'est important aussi que des jeunes voient un Antigone
un soir. Serge Saada320 parle de cela dans un de ces livres. Si
tu viens en classe en leur expliquant tout l'historique d'Antigone tu vas
passer à côté. Mais si tu leur dis : as-tu
déjà eu envie de tuer par amour ? Ou d'être
extrêmement déçu ou en colère ? Et de partir de
thématiques qu'ils vont traverser et vivre pour faire ce
chemin-là. C'est aussi comment le médiateur peut mettre en place
cela pour investir un champ qui leur parle et adapter son discours, et amener
des outils qui vont fonctionner avec ce public-là spécifiquement
pour faire des croisements entre l'offre artistique que j'ai dans mes murs et
un public ado que j'ai sur mon territoire. J'adapte mon discours et mes
outils.
Camille Schaefer : Selon moi, la notion
d'intersectorialité est importante et a sa place. Relier les outils du
médiateur culturel et du médiateur social est très
important. Il y a beaucoup d'entrées qu'on prend aujourd'hui qui
viennent du social. Et c'est intéressant de voir comment faire
aujourd'hui pour faire découvrir autrement les cultures.
Camille Monmège-Geneste : On réconcilie enfin
l'éducation populaire, l'éducation sociale et la culture avec un
grand C. On est enfin, pour une grande majorité, en train de se dire
qu'il faut travailler ensemble et pas de manière séparée.
On est victime de çà, surtout avec ce public-là. [...] Par
rapport au constat que vous être en train d'indiquer vous pouvez vous
référer au dispositif Ce soir je sors mon prof . C'est
trop souvent les professeurs qui choisissent les spectacles que vont voir les
élèves. Il va à coup sûr choisir le spectacle de
répertoire et ne pas prendre de risque avec un texte contemporain ou une
jeune compagnie. Il ne saura pas faire de lien avec son cours de
français. Et donc comment peut-on inverser cette pratique du professeur
qui choisit pour les élèves ? Il y a donc eu un dispositif de
créé qui s'appelle Ce soir je sors mon prof :
l'idée c'est l'inverse. Nous on vient en tant que spécialistes
dans les classes et on leur dit : c'est vous, les élèves qui
allez choisir les spectacles de la saison. Les élèves imposent
donc au professeur les spectacles qu'ils iront voir. Et çà ce
sont des choses qui sont intéressantes car on les rend acteurs de la
sortie. Ce sont les jeunes qui ont choisi les spectacles et le professeur se
doit d'adapter son programme au choix des jeunes.
Marguerite Corrieu : Vous qui avez travaillez au TnBA et qui
avez été en relation avec des professeurs, trouvez-vous que les
relations soient simples et qu'ils soient formés à accompagner
des jeunes au théâtre ?
Camille Monmège-Geneste : Je ne fais pas de
différences encore les différentes personnes. Cela dépend
des expériences, du vécu, de l'appétence de la personne
que je vais avoir en face. [...]
320 Médiateur culturel et enseignant
à l'université Paris III.
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On ne peut pas faire de généralités mais
ce qui est intéressant c'est de travailler sur ces
binômes-là. Je pense qu'on est très complémentaire
entre une personne spécialiste de son théâtre et lui qui
connait par coeur ses élèves. Mais il peut aussi être
surpris dans certaines aventures et redécouvrir sa classe. Mais c'est
à deux, même à trois avec l'artiste que l'on va pouvoir
coconstruire un projet cohérent. Ce qui marche c'est les projets qui ont
été conçus, portés et imaginés dès le
début par l'ensemble et ce qui ne marche pas c'est lorsque nous
médiateurs, on a un projet clef en main que l'on veut absolument qu'il
rentre dans notre cadre rond alors qu'eux, ont un carré. Alors que
dès qu'on le construit en sur mesure et que chaque membre s'empare du
projet et se sent co-médiateur du projet de A à Z c'est là
que çà fonctionne. C'est comment on associe nos partenaires
dès le début et qu'on s'implique les uns et les autres dans la
mise en place du projet. Il faut se former ensemble, apprendre à se
connaitre, à avoir un vocabulaire commun, à bien dessiner un
projet avec les disponibilités de l'un et de l'autre, ... [...]
Deuxième rencontre avec Camille
Monmège-Geneste
Date : le 5 mars 2021
Marguerite Corrieu : « [...] J'ai l'impression qu'on
utilise énormément le terme démocratie participative mais
que ces projets sont difficilement ou rarement mis en place. J'aurais voulu
savoir ce qui selon vous pouvez bloquer au niveau de ces enjeux ?
Camille Monmège-Geneste : Tout simplement
jusqu'où on est prêt à lâcher en fait. Moi je pense
que çà vient de là. Et jusqu'où on est prêt
à partager, jusqu'à quel degré ? C'est où on place
le curseur de jusqu'où on est prêt à ce que les choses nous
échappent ? C'est juste çà l'enjeu, le point le vue il va
être là. C'est comme une grande échelle sur laquelle on va
plus ou moins se positionner et il y en a certains, se positionner au barreau
numéro 2 c'est énorme et ils ont l'impression d'être dans
une grande participation. Et d'autres vont être presque jusqu'au sommet
de l'échelle. Et pour moi ce qui bloque c'est des personnes qui [...]
vont se dire : ce n'est pas ce que je projetais, ce n'est pas ce que je pensais
en terme de contenu, ... çà peut venir bousculer des principes
qu'on avait qui sont très forts et très ancrés. Donc c'est
aussi là, ce sont des points de ruptures entre : j'ai envie d'ouvrir,
j'ai envie de partager et en même temps j'ai bien envie de partager ce
qui va se passer. C'est çà l'enjeu c'est jusqu'où on a
envie d'être. [...] Donc voilà il faut accepter les prises de
positions qui vont être prises. Après il y a différents
niveaux.
Marguerite : Où selon vous s'arrête le partage de
la gouvernance ? Quelles sont les limites possibles ?
Camille Monmège-Geneste : Alors c'est impossible de
répondre parce que çà dépend du cadre et dans quel
contexte se déroule le projet. Il y a des situations où tout peut
se partager dès le début et jusqu'à même
l'évaluation, jusqu'à la communication, le montage du projet, ...
Après çà met beaucoup plus de temps. Mais cela
dépend tellement du contexte. C'est hyper dur de
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répondre à cette question. [...] Je ne peux pas
répondre en étant hors cadre car c'est pas comme s'il n'y avait
qu'une seule et même méthode. [...] En soi on peut tout partager
si c'est une règle qu'on s'est mis dès le début. Bien
sûr si c'est une municipalité, il y a quand même un maire
derrière. Après si c'est un collectif que l'on a
créé exprès pour ça, que les statuts ont
été créés dans ce sens-là. [...] Un cadre
différent par exemple, lorsque je travaillais au TnBA, il y avait aussi
mon cahier des charges et çà par exemple je ne peux pas non plus
faire comme s'il n'existait pas. Donc à chaque fois, il y a des
référentiels dans lesquels on doit s'ancrer. Par exemple un
budget qui est alloué à çà on ne peut pas non plus
aller à contre sens. Les limites se créent en fonction de cela.
Après c'est plus une question de règle de départ.
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