ANNEXE 7 : Entretien avec Catherine Le Moullec
Date : le 4 mars 2021.
Présentation : Catherine Le Moullec figure parmi
les membres fondateurs de l'association Comète. Il s'agit d'une
structure juridique portant diverses rencontres scolaires dont Les
printemps théâtraux en Loire-Atlantique.
Marguerite Corrieu : « Pouvez-vous me présenter un
peu plus l'association ?
Catherine Le Moullec: Alors l'association
Comète, c'est une association qui a plus de trente ans
maintenant, qui est née en même temps que les autres associations
départementales des Pays de la Loire. Avant cela il y avait les premiers
printemps théâtraux qui avaient été initiés
par un ancien inspecteur général de l'éducation nationale,
Michel Pasotti. Ils se passaient en Vendée et comme il y avait de plus
en plus de participants, il y a eu l'initiative de créer une association
pour chaque département. Donc l'association Comète a
été créée pour la Loire-Atlantique. C'est une
association qui regroupe des enseignants, des artistes qui sont engagés
dans des projets d'éducation artistique et culturelle et il y a aussi
des parents d'élèves qui peuvent faire partie de l'association et
même du bureau de l'association. Alors elle se donne pour but de
développer et de valoriser les projets partenariaux artistes-enseignants
ou éducation nationale autour du théâtre. [...] Donc
valoriser ces projets c'est développer plusieurs types d'actions. En
premier des actions d'informations. On essaie d'être un relais
d'information entre les différentes institutions [...]. Deuxième
forme pour privilégier le partenariat, nous mettons en place des actions
de formations avec des professeurs et des artistes qui sont
intéressés par le travail théâtral en lien avec les
scolaires. Et autre action qui nous mobilise beaucoup c'est donc les actions de
rencontres théâtrales scolaires. Donc dans ces rencontres, on
rencontre des lycéens, des collégiens. Nous on est pas
organisateurs de rencontres théâtres en primaire [...].
L'essentiel de notre public ce sont les établissements scolaires.
[...]
Marguerite Corrieu : Etant donné que la première
association de ce type était Vents et Marées, quand
est-ce que les autres associations sont nées ? Y a-t-il des aspects qui
ont été renforcés ou alors qui ont disparus par rapport au
modèle proposé par Vents et Marées.
Catherine Le Moullec : On est parti sur le même
schéma dans l'organisation des rencontres. [...] Avec l'idée de
la pratique commune, des temps d'ateliers où l'on mélange les
différents groupe, des temps de formations pour les enseignants, des
temps de rencontres, des temps d'école du
spectacle321 donc de retours sur le spectacle [...]. Mais
chaque association on le voit bien, a développé des
manières de faire différentes. Nous par exemple avec Vents et
Marées on est assez proches. Cà veut dire qu'on continue
à faire des rencontres hébergées par exemple. Nos
rencontres à Guérande de trois jours sont avec hébergement
alors qu'il y a des associations où ils ne font plus du tout cela. Mais
on a développé des rencontres d'une journée aussi car
c'était une demande des enseignants. Il y a des enseignants qui ont des
groupes d'élèves jeunes,
321 Débat et analyse collective des spectacles vus en
groupe.
137
en sixième par exemple et ils aiment bien parfois que
cette rencontre se déroule sur une journée. Un de nos principes
c'est le partenariat avec des professionnels donc des comédiens qui
interviennent pour animer des ateliers de jeux mais aussi un spectacle
professionnel qui est proposé en fin de journée pour que les
élèves voient aussi des spectacles professionnels. [...] Nous,
cela nous semble toujours important qu'il y ait un temps collectif où
l'on voit ensemble un spectacle suivi d'un bord plateau322. Mais on
a développé des choses diverses. Dans le cadre du Printemps
Théâtral des Lycéens on a développé ce qu'on
appelle un coup de coeur, donc un travail autour de la littérature
dramatique contemporaine. Et puis au niveau des collèges on a
développé autre chose autour du 1er juin des
écritures théâtrales323 donc on fait aussi
un travail avec les auteurs. On développe aussi ce travail qui va dans
le sens du mouvement national en faveur des écritures nationales
contemporaines. On a donc développé les printemps à
Guérande, et ensuite comme on avait plus de demandes on a
développé des printemps théâtraux en lien avec le
Grand T, la structure avec laquelle Comète a pas mal
de liens. Donc on a deux journées de rencontres, et puis on avait aussi
développé une journée de rencontre à Orvault avec
La Gobinière. Cà aussi c'est spécifique à
la Loire-Atlantique car la demande est assez importante. Il y a pas mal
d'établissements scolaires, le département insiste aussi pas mal
à mener des projets d'éducation artistique et culturelle, ce qui
fait qu'on a aussi des groupes qui ont pu participer à des projets avec
Grandir avec la culture et qui viennent participer aux rencontres
à la fin de l'année. [...] Nous on continue les printemps
hébergés parce que c'est aussi une expérience de vie pour
les élèves. Les collégiens en particulier. Moi, j'ai
souvent amené des groupes de collégiens. Pour certains
c'était la première fois qu'ils vivaient une expérience
aussi loin de chez eux en fait. Il y en a qui n'étaient jamais partis
trois jours comme ça. Et puis une expérience de vie collective
avec une certaine liberté vu qu'ils doivent aller d'un lieu à
l'autre : le lieu de l'atelier à la cantine, à Athanor
à pied entre eux, ... Ils s'organisent. Alors ils grandissent et
ils apprennent beaucoup. Les collégiens qui vivent ces printemps
grandissent parce qu'ils font du théâtre, parce qu'ils en voient,
et parce qu'ils ont plus d'autonomie. [...]
Marguerite Corrieu : J'aurais voulu savoir quels
étaient les enjeux selon vous du théâtre pour adolescents
en milieu scolaire ?
Catherine Le Moullec : De façon très
personnelle, c'est un grand moyen d'épanouissement pour eux. [...] Cela
permet aussi de tisser du lien entre adultes et adolescents. Quand on va jouer,
on a la trouille comme eux, on est investi comme eux...Et donc çà
ils le sentent bien. Ils sentent aussi que c'est important pour nous. [...]
C'est un endroit où il y a un rapport adulte-ados qui n'est pas
codifié et qui fait qu'il y a aussi un rapport de confiance. [...] C'est
un gros apprentissage de la solidarité aussi. Il y en a qui vont
s'investir beaucoup au début et quand ils voient qu'il y a beaucoup de
travail, ils lâchent un peu. Et quand un d'entre eux dit : « je ne
viendrai pas à la répétition parce que je vais faire autre
chose », ce n'est pas l'adulte qui intervient, c'est les autres du groupe
qui disent : « mais tu ne peux pas nous laisser tomber, il
322 Rencontre et échange avec les artistes à la
suite d'une représentation.
323 Manifestation autour des écritures dramatiques enfance
et jeunesse mise en place par Scènes d'enfance-ASSITEJ France.
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faut que tu sois là, on a besoin de toi. » Donc
au-delà du théâtre je trouve que çà apprend
aussi des valeurs. [...]
Marguerite Corrieu : Avez-vous déjà eu le
sentiment que ce public pouvait être oublié de ce secteur ? Soit
dans les présentations soit les actions de médiation
proposées ?
Catherine Le Moullec : Alors moi je ne le pense pas.
Peut-être qu'à un moment oui, la création jeune public
ciblait plus les plus jeunes mais çà n'est plus vrai aujourd'hui.
Il y a beaucoup de spectacles et d'auteurs qui s'adressent aux
collégiens, ou même des dispositifs. Après c'est vrai que
moi je vis dans un département où il y a Collège au
théâtre324, etc, ... Donc moi j'ai passé ma
vie à développer des projets pour les collégiens. J'aurais
du mal à dire que c'est un public oublié. Mais c'est une
expérience spécifique parce que je sais qu'avec les
médiatrices du Grand T, on a été amené
à aller dans d'autres départements, d'autres régions, et
c'est vrai que nous sommes assez privilégiés là-dessus.
[...] On a cherché comment les enseignants pouvaient aussi être
acteurs du projet et pas seulement consommateurs. Et en çà on a
toujours eu l'écoute plus qu'attentive du conseil départemental
qui était très engagé dans toutes ces actions. [...] Mais
à un moment on trouvait que c'était plus compliqué de
trouver des spectacles pour les collégiens. Il y avait un circuit jeune
public, les lycéens allaient voir les spectacles tout public et les
collégiens c'est venu ces dix dernières années je dirais.
[...]
Marguerite Corrieu : Je me permets de rebondir car vous disiez
qu'avec Comète vous vouliez que ces adolescents ne soient pas
consommateurs mais bien acteurs : c'est quelque chose qui m'intéresse
réellement par rapport à mon sujet. J'aurais aimé savoir
s'il y avait des outils que vous mettiez spécifiquement en place pour
que ces adolescents deviennent acteurs de ces rencontres.
Catherine Le Moullec : Des outils non. Il y a des temps
spécifiques comme celui de l'école du spectateur. Donc
çà c'est des temps en pratique, donc comme ils sont en pratique
on essaie de les mettre le plus possible en groupe pour créer quelque
chose par exemple tout seul pour rendre compte de la journée ou rendre
compte du spectacle [...]. Ils sont habitués à ce genre de
pratique en ateliers. Parfois dans les printemps des lycéens, c'est les
lycéens qui viennent nous demander : on aimerait faire çà
entre deux spectacles. Donc oui quand on voit qu'ils sont à l'initiative
de quelque chose on se dit super. Après il y a l'idée de
valoriser la prise de parole, donc comme ce que je disais, les petits papiers,
donc pareil à la sortie d'un spectacle ils écrivent un message
à l'équipe qui a joué. [...]
Marguerite Corrieu : Est-ce que çà pourrait
être envisageable que les adolescents interviennent avant Le
Printemps pour aider dans la préparation, soumettre leurs
idées, ...
Catherine Le Moullec : Cela, nous, on ne l'a pas fait. Pour
les temps des collégiens c'est plus compliqué. Pour les
lycéens par exemple, le temps de rencontre avec l'auteur, on confie
çà a un
324 Dispositif permettant à des
collégiens d'assister à des représentations et des actions
de médiation.
139
groupe. Donc avec leur prof ils se débrouillent. En
général, les lycéens sont assez autonomes. Les
collégiens c'est un peu plus difficile mais on essaie. [...]
Marguerite Corrieu : Donc selon vous, les limites de ces
enjeux résideraient dans ces questions de temps et de plannings qu'il
faut anticiper ?
Catherine Le Moullec : Oui, c'est ça. Il y a des
contraintes dont il faut tenir compte. On sait qu'il y a des temps qui sont
plus flexibles comme les temps entre les spectacles. Donc là on propose
des temps de paroles, on propose parfois des temps créatifs, ... Mais
par exemple dans l'association il n'y a pas de représentant des
élèves. Peut-être que çà pourrait s'envisager
mais çà serait plus compliqué. [...]
Marguerite Corrieu : J'ai encore quelques questions qui sont
plus tournées vers la place du département et sur le plan
Grandir avec la culture. J'aurais voulu savoir s'il y avait des
demandes particulières du département concernant le partage de la
gouvernance avec les élèves.
Catherine Le Moullec : Non il n'y a pas de demande, il y a une
grande confiance. Une grande confiance parce qu'on se voit souvent, les
médiateurs, les personnes responsables du secteur culturel, des projets
EAC, du département, ... On se connait très bien donc ils
viennent voir ce qui se passe, ils soutiennent. On travaille dans le même
sens.
Marguerite Corrieu: J'ai l'impression que la co-construction
est vraiment essentielle dans ce dispositif.
Catherine Le Moullec : Oui tout à fait. On voit par
exemple que pour cette année on est confronté à plein de
problèmes. [...] On se retrouve très souvent ensemble. Même
pour le choix des spectacles.
Marguerite Corrieu : Sentez-vous que le plan Grandir avec
la culture vous apporte quelque chose en plus par rapport à
d'autres Printemps théâtraux ?
Catherine Le Moullec : Ce qu'on sait c'est que
çà a développé la pratique théâtrale
dans le département : la possibilité de voir des spectacles, de
se former pour les enseignants. [...] J'ai vu pleins de profs arriver sans
réellement avoir l'idée de faire du théâtre avec des
élèves et qui montaient après des projets. »
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