Annexes
Table des annexes
ANNEXE 1 : Entretien avec Gurval Reto 109
ANNEXE 2 : Entretien avec Anne Courel 112
ANNEXE 3 : Entretien avec Nicolas Drouet
116
ANNEXE 4 : Entretien avec Enora Davodeau et
Adèle Thivillier 121
ANNEXE 5 : Entretien avec Solène
Bodereau 126
ANNEXE 6 : Entretien avec l'équipe du
Labo des cultures 129
ANNEXE 7 : Entretien avec Catherine Le
Moullec 136
ANNEXE 8 : Entretien avec Edith Coutant
140
ANNEXE 9 : Entretien avec Carmen Camboulas
142
ANNEXE 10 : Entretien avec Nathalie Jan
144
ANNEXE 11 : Bilan de la première
année de partenariat avec JEV 146
109
ANNEXE 1 : Entretien avec Gurval Reto
Date : 27 janvier 2021
Présentation : Gurval Reto est le directeur et
le programmateur du THV, Théâtre de l'Hôtel de Ville
à Saint-Barthélémy-d'Anjou315.
Gurval Reto : « Je suis arrivé il y a deux ans au
THV et il y a toujours ce qui s'appelle le spectacle des abonnés qui est
un spectacle choisi avec les abonnés. On leur propose trois spectacles
et la population doit choisir. C'est un projet qui me questionne depuis que je
suis arrivé car comment est-ce qu'on choisit un spectacle sur un bout de
vidéo, sur un bout de document ? çà veut dire quoi ? Moi
c'est mon métier par exemple, je vois beaucoup de spectacles, j'ai une
réflexion globale sur comment programmer. [...] Et donc du coup, on est
arrivé sur un projet qui s'appelle Les infiltrés. C'est
un projet qui va se mettre en oeuvre là, [...] C'est dix pré-ados
de 9 à 12 ans qu'on rencontrera au mois de juin. C'est un projet sur un
an et demi, ils rencontrent l'équipe, visitent le
théâtre,... Le 3 juillet moi je les vois, je leur explique c'est
quoi programmer, pourquoi programmer, comment j'en sais rien, chacun fait comme
il veut, comme il peut, ... Après ces enfants je les amène
à Avignon avec moi durant quatre jours. C'est au sein d'Avignon,
enfants à l'honneur avec Assitej-France. Ils verront cinq
spectacles et vivront donc l'Assitej « classique ». Au mois de
septembre moi je les réinvite ici et ils vont choisir un des cinq
spectacles qu'ils auront vus. On va débattre : Pourquoi ils le
choisissent, pour quelle tranche d'âge, à quel moment dans la
saison, quelles actions de médiation à mettre autour et là
on commence le travail vraiment avec eux. Ils auront les clefs du
théâtre pour ce spectacle. Ils seront en lien avec
l'administrateur pour les contrats, en lien avec la médiatrice pour
l'action de médiation à mettre en oeuvre, en lien avec la
chargée de communication pour écrire les textes de la plaquette,
du site internet ... Il seront présents lors de la présentation
de saison aux habitants, c'est eux qui viendront présenter,
défendre leur projet. Ils seront présents aussi sur l'accueil du
spectacle dans un an et demi, soit la saison d'après, et comment
à un moment donné c'est un projet de A à Z où ils
sont infiltrés à l'équipe parce qu'ils vont voir tous les
postes. A la technique, c'est eux qui seront là aussi. Donc avec les
professionnels de l'équipe [...] Ils ont été actifs
vraiment, ils ne sont pas venus juste pour une médiation, ils ont
compris l'ensemble du cheminement de qu'est-ce que programmer [...] On essaie
de les impliquer totalement dans la prise de décision et dans assumer le
choix d'un spectacle. Peut-être que demain certains de leurs camarades
leur diront « je n'ai pas aimé » et oui, que veut dire «
je n'ai pas aimé » et que veut dire « j'ai aimé ».
Eux ils auront compris, ils auront vu cinq spectacles et sur les cinq il y en
aura un qui sera le leur. Et moi je m'engage que sur cinq spectacles il y en
est un qui soit le leur. Et çà sera le leur mais avec l'ensemble
de l'équipe qui sera derrière pour y travailler. On est vraiment
sur un projet de citoyen de demain et de compréhension de l'ensemble du
secteur culturel. [...]
315 Commune située dans le département de
Maine-et-Loire.
110
Marguerite Corrieu : J'aurais voulu savoir d'où est
venue l'impulsion du partage de la gouvernance ? Des projets existaient-ils
déjà avant votre arrivée au THV? Est-ce la mairie qui a
impulsé cette dynamique ?
Gurval Reto : Ce choix de programmation avait
été impulsé avant mon arrivée. On est dans une
volonté à inviter le public à être acteur et pas
seulement consommateur. Cela est d'autant plus flagrant aujourd'hui. Moi je
n'ai pas envie que les gens viennent consommer du spectacle. Ils viennent
partager un moment, vivre un moment, échanger avec les artistes, ...
Qu'est-ce que l'oeuvre qu'ils auront croisée leur apporte à eux,
les questionne ? [...] C'est facile de diriger, c'est beaucoup plus complexe et
long de partager la gouvernance. Après c'est aussi des évolutions
générationnelles. Ce qu'on a appelé les barons de la
culture sont maintenant à la retraite et la génération qui
est maintenant à la tête des institutions et des projets culturels
a appris plus longtemps qu'il fallait coconstruire, co-porter avec les
équipes aussi. Moi j'ai une vraie question de la gouvernance au sein de
l'équipe. Un partage, une réflexion globale. Les questions des
fonds sont partagées. Là on va être une scène
conventionnée d'intérêt nationale et il faut donc
déposer un dossier au ministère. Ces dossiers c'est le projet du
directeur ou de la directrice. J'ai eu du mal à l'écrire car on
me demandait de dire « je » et j'ai appris depuis longtemps à
dire « nous ». J'ai donc mis longtemps à l'écrire car
cela me demandait de comprendre où était la place de chacun dans
cet équilibre du THV. Donc à un moment donné, le projet du
THV ce n'est pas le projet de Gurval Reto. Alors que oui c'est mon projet et
cette notion de gouvernance en fait partie mais j'écrivais « nous
». Et le ministère de la culture m'a dit : « Gurval, il faut
que tu écrives en « je » ». Donc j'ai
réécrit en « je », et çà
été pour moi un vrai questionnement car d'un coup c'était
réaffirmer une gouvernance descendante. Et les outils aujourd'hui sont
de plus en plus des outils de gouvernance partagée. En même temps,
la gouvernance veut quand même dire à un moment les connaissances
et les capacités : Nous sommes des professionnels. Sur la notion de
programmation partagée par exemple, mon métier c'est directeur de
lieu mais aussi programmateur. Quand quelqu'un vient me dire « Tu dois
programmer çà parce que je l'ai vu et c'est génial !
» et bien je me dis : « Tu as vu combien de spectacles pour pouvoir
le comparer et me dire que c'est super ? », « et bien un seul »
« eh bien moi j'en vois 250 des spectacles par an et je suis capable de
dire pourquoi je programme cela ». Ce que je veux avec ces enfants qu'on
amène à Avignon c'est qu'ils soit eux aussi en capacité
d'affirmer leurs choix, de les expliciter, et dans la gouvernance et le travail
commun il faut que chacun ait les même capacités et les
mêmes armes d'échanges. Il n'y a rien de pire qu'une pseudo
gouvernance partagée et déguisée entre les sachants et les
non-sachants.
Marguerite Corrieu : Quels sont selon vous les autres enjeux
et les limites de la gouvernance ?
Gurval Reto : Les limites elles sont dans la personnification
et la confiance. Si l'on prend le THV, c'est 900 abonnés qui à un
moment donné me font confiance. Je suis contractuel et pas fonctionnaire
et le jour où j'ai été recruté j'ai dit aux
élus « laissez-moi programmer ». Parce que si la programmation
ne convient pas, c'est moi le responsable. Et les limites elles sont dans la
notion de responsabilité et que dans la relation, il y a cette confiance
envers les gens. On n'est pas dans un théâtre de tête
d'affiche, au contraire on est sur un théâtre de découverte
et que la
111
programmation, l'équipe est en confiance avec les gens.
[...] Donc çà pour moi c'est un questionnement et encore une fois
ca a beaucoup bougé. On n'est pas dans les années 80 où on
était dans une personnification complète du directeur qui avait
« La culture ». La culture à la Malraux elle est finie, avec
ceux qui sont détenteurs de la culture. Je ne crois plus en ça.
Et en même temps, j'ai besoin de créer une relation de confiance
avec les gens.
Marguerite Corrieu : Il y a encore peu d'équipes
artistiques qui partagent leur gouvernance avec les publics. Selon vous
pourquoi ?
Gurval Reto : Alors c'est très politique. J'y ai
beaucoup réfléchi car je travaillais sur l'agenda des cultures
à Angers. Je pense que c'est une peur aussi. Et il faut faire attention
selon moi à une certaine démagogie. Les limites elles sont dans
la démagogie. C'est important de partager, coconstruire mais avec des
groupes repérés et pas dans une construction globale avec «
qui vient fait » parce que là on arrive dans la
démagogie.
Marguerite Corrieu : Plus spécifiquement sur le jeune
public et les publics adolescents : quand dans votre parcours vous
êtes-vous intéressé à ces publics ? Quels sont selon
vous les enjeux que soulèvent adolescence et théâtre ?
Gurval Reto : Le titre du festival du THV c'est Zone de
Turbulence et l'adolescence est une période de turbulence. C'est
l'une des périodes où l'on a le plus envie et besoin de se
confronter aux interdits, à nos propres limites, de tester nos limites
et comment à un moment donné, le spectacle vivant permet
ça. On est sur des périodes où lorsqu'on est adolescent,
on a envie de vivre sans limite et le spectacle va ouvrir de nouveaux horizons.
On ne gère pas forcement nos émotions quand on est adolescent.
C'est une période de possible total et le spectacle vivant peut les
ouvrir. Il faut se dire que c'est possible. [...]
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