Communication participative dans le champ école paysans pour l'amélioration des systèmes de cultures pluviales dans le département de Diffapar Mikaillou Souley issa Université de Zinder - Master en Communication Pour le Développement 2021 |
Chapitre 4 : Vulgarisation agricole au NigerCe chapitre, porte sur les outils et approches de vulgarisation agricoles utilisés au Niger et la présentation du programme CEP mis en oeuvre CRA/ProDAF Diffa. D'abord, nous ferons une genèse des outils et approches de la vulgarisation agricoles utilisés au Niger depuis l'indépendance à nos jours en analysant leurs forces et faiblesses. Puis, nous présenteront de manière succincte la Chambre Régionale d'Agriculture CRA de Diffa et le Programme pour développement de l'agriculture familiale (ProDAF). Et enfin, nous présenterons le programme champ école paysan mis en oeuvre par la Chambre Régionale d'Agriculture de Diffa sous financement du ProDAF Diffa. 4.1 Genèse des outils et approches de la vulgarisation agricole au Niger Dans ce point, nous allons faire la genèse des principaux outils et approches de la vulgarisation agricoles utilisés au Niger en analysant la force et la faiblesse de chacun d'eux. 4.1.1. Outils de la vulgarisation agricoles au Niger Cette forme de vulgarisation agricole se fait par l'intermédiaire des médias. Au Niger, les outils de vulgarisation agricoles constituaient des moyens sûrs pour atteindre les populations rurales résidant dans les zones difficiles d'accès. Par leur intermédiaire, ces zones pouvaient être en contact avec tout le pays et connaître ce qui se faisait dans le domaine de l'agriculture dans d'autres régions. Par ces mêmes moyens, les paysans pouvaient suivre, voir et apprendre des nouvelles méthodes de culture, s'informer sur des innovations techniques et acquérir des nouvelles connaissances pratiques. Au nombre de ces instruments de la vulgarisation agricoles nous avons : la radio rurale nationale, la radio communautaire et la télévision. 4.1.1.1. Radio rurale nationale La radio est le procédé de transmission des messages ou d'information au moyen d'ondes électromagnétiques. Celle qui est tournée vers l'information ou la sensibilisation du milieu rurale est dite rurale. Elle peut être nationale ou locale. Au 46 Niger la première radio nationale a vu le jour en 1967, l'Office de radiodiffusion et télévision du Niger a été créé par la loi n° 67-011 du 11 février 1967.74 Les programmes de la radio rurale sont élaborés par des vulgarisateurs en tenant compte des besoins et des attentes des paysans sur des sujets allant de l'agriculture à la santé, en passant par les politiques des prix et la protection de l'environnement ou la pêche. Les paysans parfois organisés en club d'écoute réagissent à certaines émissions par le biais du courrier des auditeurs et de reportages qui leurs sont consacrés sur le terrain. La radio rurale est à l'écoute des paysans; elle répercute leurs préoccupations au niveau des autorités par l'intermédiaire des émissions quotidiennes ou hebdomadaires. Par le biais de la radio, les vulgarisateurs se livrent au même exercice de vulgarisation en procurant aux paysans conseils pratiques et informations utiles sur les innovations et les techniques, mais par la voie des ondes (Kibaya, 2006)75. Certes, le contact n'est pas direct, mais il est aussi indispensable que vital, les paysans n'entendent que les voix des vulgarisateurs, mais ceux-ci s'efforcent d'être le plus concret possible. Certaines émissions sont diffusées en langues nationale. Leur contenu correspond à des thèmes bien déterminés et à des périodes définies en fonction des activités menées durant la saison correspondante76. Au-delà de toutes ces considérations, c'est le concept même de radio rurale nationale tel qu'il existe en Afrique en général et au Niger en particulier qui est à remettre en cause. Une radio émettant depuis la capitale sur financement de l'Etat, dans des contextes politiques parfois difficiles, en chevauchement avec d'autres programmes, ne peut accorder beaucoup d'importance aux programmes destinés au monde rural. A cela s'ajoutent les lacunes liées à la qualité du matériel. Plus on s'éloigne du centre émetteur, plus le signal devient faible, et moins on a la chance de capter la radio. Il y a donc des zones qui sont mal couvertes par la radio rurale nationale du Niger. Alors, la création des radios communautaires s'annonce comme une nécessité. 74 FAO. (2003). La situation de la communication pour le développement au Niger : état des lieux, Tome 1, Rome, éd. Archives de documents de la FAO, p.17. 75 Kinaya, J.F. (2006). L'information stratégique agricole en Afrique, Paris, Harmattan, p011. 76 FAO. (2003). La situation de la communication pour le développement au Niger : état des lieux, Tome 1, Rome, éd. Archives de documents de la FAO, p.17. 47 4.1.1.2. Radio communautaire Une radio communautaire ou locale est une radio de proximité dont le rayon d'émission est très limité. Elle est souvent financée par des villageois ou des aides des organisations non gouvernementales et traite des sujets qui concernent le quotidien et les préoccupations des paysans et des communautés auxquelles elle s'adresse. En réalité, elle est en soi la réponse adaptée aux aléas de la radio rurale nationale (Kibaya, 2006)77. Au Niger, la première radio communautaire fut installée à Tillabéry dans la commune rurale de Bankilaré sous le nom de radio Gommi en 1999 (FAO, 2003) 78 . Cette proximité acquise, d'autres difficultés subsistent quant au fonctionnement des radios communautaires, à commencer par le bas niveau des animateurs. A cela s'ajoute, le problème des sources d'information à vulgariser, d'où la production des émissions de qualité très moyenne, sinon médiocre; en outre, il y a la vétusté des équipements techniques. Beaucoup de ces radios n'ont pas les moyens de les remplacer (PNUD, 2013)79. Ce qui représente une vraie menace pour leur existence à long terme. De plus, la plus grande reproche à l'égard de la radio est l'absence d'image dans la transmission, alors il s'avère utile de créer un outil qui allie directement son et image. 4.1.1.3. Télévision Les premières images télévisées ont été diffusées pour la première fois en 1964 à titre expérimental dans une vingtaine de l'école. La télévision est encore au Niger un média de prestige, caractéristique de la différence de classe existant entre les citadins alphabétisés et évolués et les ruraux analphabètes. Cette conception à la limite caricaturale se vérifie pourtant dans les faits. La télévision est plus reçue au Niger dans les villes que dans les campagnes. Elle traduit le fossé existant entre ces deux milieux. Les télévisions nationales ne couvrent assez souvent qu'une faible portion du territoire national. Le contenu des émissions est plus qu'intellectualisé et occidentalisé que les réalités nigériennes. Il s'intéresse très peu au monde rural. Le volume horaire et la 77 Kinaya, J.F. (2006) .L'information stratégique agricole en Afrique. Paris. Le Harmattan. 78 78 FAO. (2003). La situation de la communication pour le développement au Niger : état des lieux, Tome 1, Rome, éd. Archives de documents de la FAO, p.17. 79 - PNUD. (2013). Le PNUD appuie le devéloppement des radios communautaires au Niger Reperé à URL http://www.ne.undp.org/content/niger/fr/presscenter/articles/2013/10/09 48 grille des programmes reflètent plus les préoccupations des citadins. Elle reste un média coûteux à faire fonctionner, au contraire de la radio par exemple (FAO, 2003)80. Pourtant, la télévision serait un outil intéressant pour la vulgarisation agricole parce qu'elle allie directement son et image. Les paysans pourraient directement recevoir des programmes venant d'autres pays ou d'autres parties du monde. A ce jour, de tous les outils que nous venons de voir, il n'y a que la radio communautaire qui essaie de contribuer de manière plus ou moins active à la vulgarisation agricole au Niger. 4.1.2. Approches de la vulgarisation agricoles au Niger Au Niger, depuis l'indépendance la vulgarisation agricole est passée par différentes types d'approches dont les principaux sont entre autres : Approche généraliste de la vulgarisation agricole, approche formation et visites, approche par projet et champ école paysan. 4.1.2.1. Approche généraliste de la vulgarisation agricole Cette approche repose sur l'hypothèse fondamentale que les techniques dont on doit faire la promotion sont listées sur le document de politique nationale. Celui-ci est centralisé au niveau des décideurs. Aussi, selon cette approche, il est du ressort de l'Etat de les faire découvrir en milieu rural. L'Etat met des agents à la disposition des services étatiques pour les besoins d'appuis conseils top and down c'est-à-dire du haut vers le bas. Les résultats sont mesurés par le taux d'adoption des techniques et par l'augmentation de la production des zones. Les points forts de cette approche est la stabilité de paysage à l'époque, la régularité des pluies et l'augmentation de la production dans les zones pilotes81. Les points faibles de cette approche est le non prise en compte des réalités du terrain et sa couverture limitée. En réalité tout est une question de politique au niveau central et elle ne couvre pas une vaste étendue du territoire national. 80 80 FAO. (2003). La situation de la communication pour le développement au Niger : état des lieux, Tome 1, Rome, éd. Archives de documents de la FAO, p.17. 81 Comité interministériel de pilotage de la stratégie de développement rural. (2010). Etude sur la mise en place d'un dispositif intégré d'appui conseil pour le développement rural Niger, Niamey, p.28. 49 4.1.2.2. Approche formation et visites Cette approche a été vulgarisée par plusieurs projets d'appui aux secteurs productif. Elle se fait, selon un calendrier rigide de visites aux agriculteurs et de formation du personnel de terrain par des spécialistes en diverses disciplines. Des liens étroits sont établis entre chercheurs et vulgarisateurs. Dans cette approche, les agents de l'agriculture, de l'élevage et de l'environnement prennent part qu'au renforcement de capacité sur le transfert de technologies sectorielles. Ils animent des séances de formations suivies des visites des producteurs sur le terrain. Les résultats se mesurent à l'accroissement de la production des denrées locales visitées ou des cultures concentrées (FAO, 2013)82. L'avantage de l'approche formation et visites est que plusieurs villages se retrouvent avec des producteurs formés, des visites régulières des sites par les techniciens, l'encadrement continue des producteurs et appui en matériels et intrants aux producteurs. L'inconvénient de cette approche est la faible prise en compte des connaissances des producteurs, ils ne sont pas impliqués dans l'identification des problèmes et solutions ainsi que sa faible couverture des zones marginales. 4.1.2.3. Approche par projets Cette approche consiste à réaliser des activités intégrées de vulgarisation dans une zone d'intervention et dans un temps donné avec bien souvent des injections de fonds extérieurs. Pour la plupart, les objectifs sont de faire une large diffusion des technologies et de faciliter leur adoption à grande échelle afin qu'elles continuent à être appliquées après le retrait du projet (FAO, 2013)83. Les résultats se mesurent aux changements observés sur les productions. Ses points forts, l'injection des fonds extérieurs, la proximité des encadreurs et des producteurs, un encadrement multisectoriel des paysans. Les points faibles, une faible couverture des zones et des producteurs par le projet, faible prise en compte des besoins de producteurs en matières d'appui, à la production et enfin une courte durée du projet. 82 FAO. (2013). Définition de certains des approches possible en matière de vulgarisation, Rome, éd. Archives de documents de la FAO, p.1. 83 FAO. (2013). Définition de certains des approches possible en matière de vulgarisation, Rome, éd. Archives de documents de la FAO, p.1. 50 4.1.2.4. Approche champ école paysan Une des caractéristiques et particularité de cette approche de vulgarisation agricole est qu'elle fait appel à une formation non formelle des adultes, faisant recours à des techniques adaptées aux besoins des populations locales sur place à travers un processus itératif prévoyant la participation des populations concernées. Les résultats se mesurent à travers le taux d'adoption par les agriculteurs des technologies mises au point dans le cadre du programme d'apprentissage et de leur utilisation durable84. L'efficacité et l'avantage de l'approche champ école paysan est une prise en compte suffisante des savoirs locaux, sa forte implication de la communauté dans les prises de décisions de conduite du diagnostic de base, choix du facilitateur dans la communauté et une prise en compte du genre (jeunes, vieux, femmes, hommes). L'inconvénient du champ école paysan est le faible nombre d'apprenants trente-deux au maximum par site. 4.2. Présentation de structure d'accueil La Chambre Régionale d'Agriculture de Diffa est un établissement public à caractère professionnel créé par la loi n° 2000-15 du 21 août 2000 et son décret d'application 2001- 105/PRN/MDR du 18 mai 2001. Elle est un établissement, public parce que les CRA sont investies d'une mission de service public pour la satisfaction de l'intérêt général dans le domaine agricole (RECA, 2019,)85. 4.2.1. Missions et structure administrative de la CRA de Diffa La CRA est dotée d'un certain nombre de missions et attributions lui permettant de bien fonctionner qui se résume ainsi : ? faire connaître les préoccupations des diverses catégories de producteurs ruraux et faire valoir leurs points de vue dans le cadre de politiques et programmes de développement ; ? informer les producteurs ruraux dans tous les domaines qui les concernent ; 84 Ministère de l'agriculture et de l'élevage du Niger. (2014). Guide du facilitateur champs écoles paysans, Niamey, p.56. 85 RECA. (2019). Présentation des chambres régionales d'agriculture du Niger, Niamey, p.2. 51 ? faciliter leur accès aux services et ressources en leur fournissant les orientations et conseils adéquats ; ? aider les producteurs ruraux dans la promotion et la réalisation de leurs projets en favorisant leur organisation et en facilitant la mobilisation des appuis techniques et financiers dont ils ont besoin ; ? défendre les intérêts des producteurs ruraux. 4.2.2. Structure administrative de la CRA Diffa La Chambre Régionale d'Agriculture de Diffa a été installée le 20 juin 2005. La quatrième mandature de la CRA de Diffa vient de démarrer le 13 juillet 2017 avec l'installation officielle de soixante membres consulaires et un bureau exécutif de cinq membres. Cela a été fait selon un processus participatif qui se fait de la base au sommet c'est-à-dire du niveau villages, campements jusqu'à la région avec l'organisation de l'assemblée générale consulaire et ce conformément à la loi. La CRA de Diffa a vu son évolution marquée par des grands moments conséquemment aux interventions des bailleurs de fonds (RECA, 2019)86. 4.2.3. Responsabilités techniques de la CRA sur le CEP La responsabilité de la Chambre Régionale d'Agriculture de Diffa est de mettre sur pied des champs écoles paysans entièrement acquis aux paquets techniques promus par le Programme pour le Développement de l'Agriculture Familiale (ProDAF) et appuyés par des apprenants agricoles aux conditions préalablement définies. En outre, les membres doivent s'engager à les appliquer sur leurs propres exploitations. En ce sens, la CRA doit présenter un plan de travail et un chronogramme des activités à réaliser qui doivent tenir compte du plan et du chronogramme préparé pour et avec les apprenants. Car il doit y avoir une parfaite synchronisation entre les apprenants et l'équipe CRA. Pour arriver à cette coordination, il doit y avoir entre les deux équipes un partage permanent d`informations, des échanges réguliers sur les plans d`action, leur état d`avancement, les paquets techniques retenus, les choix des sites, le timing de l`acquisition des intrants et outillages agricoles, les difficultés rencontrées de part 86 RECA. (2019). Présentation des chambres régionales d'agriculture du Niger, Niamey, p.3. 52 et d`autre. Les deux équipes travailleront ensemble, notamment lors de l'information/sensibilisation de la population, lors du diagnostic participatif. Des visites des champs conjointes seront également nécessaires pour le suivi-évaluation. Il est important de mentionner que la CRA s'est inspirée du guide nationale du Niger sur le champ école paysan. 4.2.4. Présentation du ProDAF Diffa Le Gouvernement de la République du Niger a sollicité le concours du FIDA pour le financement et l'extension du Programme de Développement de l'Agriculture Familiale dans la région de Diffa (ProDAF Diffa) basé sur un montant de 12,5 millions de dollars EU (50% en prêt et 50% en don) représentant le reliquat de l'allocation budgétaire basée sur la performance (PBA) du FIDA pour le NIGER de la période 2016-2018. Compte tenu de la particularité de la région de Diffa qui fait face depuis 2014 à des attaques du groupe terroriste Boko Hakam qui sévit dans la zone du bassin du lac Tchad, provoquant des déplacements massifs des populations à l'intérieur des terres, le FIDA a obtenu un financement supplémentaire de l'Agence Norvégienne de Coopération au Développement sous forme de Don d'un montant de 32 millions de Couronne Norvégienne 32.000.000 NOK, soit environ 4 millions de dollars EU, entrant dans le cadre de la Facilité pour les réfugiés, les migrants, les déplacements forcés et la stabilité rurale ci-après dénommée FARMS au titre de cofinancement des investissements du FIDA pour soutenir les activités de développement des communautés d'accueil et des personnes déplacées dans la région de Diffa. Ainsi, le financement total du ProDAF Diffa se situera donc à environ 16,5 millions de dollars EU. Prévu pour une durée de 6 ans, le ProDAF Diffa poursuit comme objectif global de « contribuer à assurer durablement la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et les capacités de résilience de 20.000 ménages ruraux 140.000 personnes dans la Région de Diffa ». Son objectif de développement est d'« augmenter durablement les revenus des exploitations agricoles familiales, leur adaptation au changement climatique, leur accès aux marchés et assurer l'insertion socio-économique des populations réfugiées et déplacées dans leurs communautés d'accueil ». Le Plan de Travail et Budget Annuel (PTBA) 2019 du ProDAF fut validé pour un montant global de 2.085.413.398 FCFA dont 56,79% sur financement FIDA, 26,58% sur financement NORAD 1, 11,09% sur les 53 fonds additionnels Norad 2 et 5,55% pour l'Etat du Niger et les bénéficiaires. La stratégie de mise en oeuvre de ces activités est le faire-faire selon l'approche PDE, qui met en contribution des partenaires de mise en oeuvre : CRA, ONG, Association, et autres structures à travers des conventions de collaboration pour l'exécution du Programme et le contrôle qualité (ProDAF, 2018)87. 4.3. Présentation du programme champ école paysan de la CRA La Chambre Régionale d'Agriculture de Diffa a signé une convention avec le programme pour le développement de l'agriculture familiale de Diffa pour la mise en place des champs écoles paysans dans la région de Diffa. Le principal objectif poursuivi à travers les champs écoles paysans de la CRA est de renforcer les capacités techniques et organisationnelles des producteurs autour : > de la connaissance de la plante et de son environnement ; > du choix des ressources phyto-génétiques et des pratiques culturales adaptées au contexte du producteur et permettant une augmentation substantielle des rendements ; > de l'analyse des écosystèmes des parcelles pour faciliter la prise des décisions dans la conduite des cultures ; > de l'analyse de la rentabilité économique des productions pour faciliter l'aide à la décision dans l'investissement ; > de la gestion des stocks. 4.3.1. Etapes de la mise en oeuvre des CEP de la CRA La CRA s'est inspirée du guide pratique du facilitateur des champs écoles paysans du Niger pour la mise en oeuvre de ses champs écoles paysans. Phase 1 : information et sensibilisation. Cette étape englobe les points suivants : > choix des thèmes devant aider à la sensibilisation des agriculteurs sur l'importance des champs-écoles-paysans ; > présentation de la stratégie d'intervention du projet ProDAF ; 87 ProDAF. (2018). Rapport de conception détaillé du programme de développement de l'agriculture familiale dans la région de Diffa, Niamey, p.8-10. 54 > introduction des paquets techniques promus par ProDAF concernant les cultures saisonnières, annuelles ou pérennes avec accent sur leur contribution à l'amélioration des rendements et l'augmentation de la production ; > réalisation et restitution d'un diagnostic participatif afin de mettre en évidence les contraintes et les solutions possibles permettant de finaliser le contenu des paquets techniques ; > présentation du rôle des facilitateurs paysans assurant l'interface entre l'équipe technique et les autres membres du CEP. Indicateurs : Nombres des thèmes présentés, des variantes des paquets techniques introduites, de diagnostics réalisés et restitués. Phase 2 : montage des CEP et formation. Elle comprend les éléments ci-après : > répartition des CEP par paquet technique ; > participation à la définition des critères de choix des participants aux CEP tous ceux qui participent aux réunions de sensibilisation et d'information ne sont pas forcément intéressés ou éligibles ; > constatation de la réalisation des conditions préalables, accueil favorable des CEP, acceptation des paquets techniques proposés, présence plus ou moins stable d'un groupe de personnes aux rencontres, disponibilité d'une journée hebdomadaire pour les travaux collectifs, disposition à offrir gratuitement un terrain pour les expérimentations au montage des champs écoles-paysans et participation à leur montage ; > critères de choix des membres du comité d'organisation si telle est la volonté du groupe avec les responsabilités. Les femmes doivent être encouragées à briguer ces postes ; > contribution à la détermination des critères de choix des facilitateurs paysans et à la matérialisation des choix. Les femmes doivent être encouragées aussi à devenir facilitatrices ; > contribution à la création d'un environnement de confiance en informant la communauté des formes de compensation prévues par le projet pour les facilitateurs paysans, pour s'assurer de leur disponibilité; 55 > formation et recyclage des facilitateurs paysans sur les champs-écoles-paysans et suivi du transfert de la formation aux autres membres : la formation sur les CEP commence dès que les groupes sont mis en place et dure une semaine au maximum, le recyclage de deux à trois jours, dépendant du niveau d'absorption, se fera un ou deux mois plus tard > formation et recyclage des facilitateurs paysans sur les itinéraires techniques des cultures retenues lors du diagnostic dans les zones du projet. Indicateurs : Nombres de CEP formés, nombre de facilitateurs formés et/ou recyclés. Phase 3 : choix des sites et conduite des parcelles d'apprentissage. La troisième étape comprend les points suivants : > Participation au choix des sites d'implémentation des parcelles de formation d'après les critères définis : dès le démarrage de la phase de sensibilisation, la recherche des sites peut commencer, discussions et entente sur les conditions d'utilisation des sites; > mise en place dans le respect du calendrier cultural de la zone sur chaque site ; > deux parcelles d'apprentissage comportant l'une des pratiques paysannes et l'autre les innovations techniques à introduire ; > conduite d'études spéciales, au moins une par campagne agricole, test de nouvelles variétés, fertilisation, traitement alternatif, production de semences, espacement des plantes. Les sont identifiées à partir des préoccupations des producteurs lors des enquêtes de base ou en cours de CEP ; > appui du projet à 100% des besoins en intrants agricoles, outils aratoires des CEP à la première campagne agricole et de moitié à la deuxième campagne ; > suivi et évaluation des parcelles de membres du CEP et sur les exploitations des non-membres de CEP évoluant dans les environs des sites d'expérimentation et appliquant ces dits paquets techniques ; > destination des récoltes, il revient aux membres de chaque CEP de décider de l'utilisation des produits récoltés quelle que soit la décision, elle doit tenir compte de la prochaine campagne agricole ou saison pour se procurer les semences ; > gestion des cultures par le biais de l'analyse de l'agroécosystème (AES). 56 Indicateurs : nombre des sites retenus, des parcelles mises en place et des participants formés. Remarque : Le diagnostic participatif est réalisé dans chaque village sous forme de focus-groupe avec trente à quarante de ses représentants qui en sont les principaux intervenants, les cadres techniques jouant le rôle de guide. Les informations collectées ont trait surtout à l'historique aux points de vue politique, économique, environnemental et sanitaire. Les différents systèmes de cultures sont passés en revue à travers les problèmes rencontrés et les solutions envisagées ainsi que l'intérêt des paquets techniques à promouvoir est avancé à nouveau. En principe une durée de deux à quatre jours suffit. Cette activité se fait dans le village, dans un lieu reconnu central et choisi de concert avec les leaders communautaires de la CRA et ProDAF concernés. Quant aux formations, elles peuvent se dérouler dans des centres appropriés toutes les fois qu'il est possible ou dans des endroits disposant des facilités d'accueil tels que l'hébergement, la restauration, le tableau, l'énergie électrique. Cette année(2020) la formation des facilitateurs s'est déroulée à l'intérieur de l'Ecole Normale d'Instituteurs de Diffa. Pour les campagnes agricoles la formation se fait en début de campagne ou de préférence pendant la saison des cultures et dure autant que le temps présenté plus haut ; cette année la formation a eu lieu dans le mois de juillet. Le nombre de participant est d'un seul facilitateur par CEP. La restitution des formations se fait dans le milieu d'implantation même des champs-écoles88. 4.3.2. Quelques indications concernant les responsabilités de la CRA sur les CEP L'organisation et la réussite de la formation en CEP nécessitent un ensemble de dispositions dont la responsabilité revient à la CRA. Il est important de le rappeler encore, comme déjà annoncé plus haut la CRA s'inspire du guide pratique du facilitateur pour la mise en oeuvre de ses champs écoles paysans. 88 Ministère de l'agriculture et de l'élevage du Niger. (2014). Guide du facilitateur champs écoles paysans, Niamey, p.28. 57 4.3.2.1. Responsabilités sur la préparation du CEP ? Au niveau des paquets techniques à promouvoir La CRA dispose d'un ensemble de paquets techniques à expérimenter et pour lesquels l'intérêt des agriculteurs est à stimuler. A l'échelle d'une section villageoise, suite au diagnostic participatif, les agriculteurs s'entendent sur les principales opérations devant permettre de lever les contraintes identifiées et analysées. ? Au niveau de l'information et sensibilisation La phase information et sensibilisation commence avec le processus et se poursuit pendant toute la durée de l'intervention. Elle permet d'identifier les rôles potentiels des leaders potentiels, typologie des participants (femmes, jeunes, vieux) l'intérêt et la disponibilité en termes de temps et de participation des uns et des autres. ? Au niveau du diagnostic participatif Le diagnostic participatif est le point de départ des activités et de la définition du contenu du CEP en tenant compte bien entendu de l'existence des paquets techniques promus par les programmes ProDAF. Il fournit l'occasion d'informer davantage sur les innovations à introduire comme solutions aux problèmes identifiés. De leur côté les communautés encore une fois pourront montrer leur détermination à les adopter pour améliorer leurs conditions de vie. L'enquête diagnostic participatif est l'occasion d'un rapport rendant compte du déroulement des activités préliminaires à l'installation du CEP. Ce rapport fait aussi le point sur les difficultés rencontrées dans le démarrage des activités et y propose des solutions. ? Au niveau des critères de choix des participants Les participants au CEP sont des agriculteurs élus démocratiquement. Toutefois, ils devraient répondre aux critères de sérieux, de disponibilité, de dynamisme et de représentativité et en plus ils devraient se porter volontaires et se montrer ouverts à l'innovation. En plus ils acceptent de diffuser les connaissances acquises auprès d'autres producteurs et aussi de recevoir des visites dans leurs parcelles. ? Au niveau du montage des CEP Une première étape dans l'organisation des CEP est l'installation habituellement d'un groupe de 20 à 32 producteurs qui ne sont ni rémunérés ni dédommagés. Dans le 58 souci du respect de l'équité de genre, les femmes sont fortement encouragées à faire partie des CEP et à en représenter au moins 30 % des membres. ? Au niveau du choix des facilitateurs paysans Le choix des facilitateurs, au nombre d'un seul par champ-école, se fait par les membres du CEP et doit obéir à des critères décidés en réunion. En plus de répondre aux mêmes critères de choix des participants, les facilitateurs paysans devraient avoir une plus grande disponibilité, être très ouverts et très enclins à écouter. Ils devraient avoir la capacité d'encourager tous les membres à prendre la parole et à participer à toutes les activités. ? Au niveau du rôle des facilitateurs Les facilitateurs paysans assurent la transmission de la formation et des informations reçues. Ils facilitent le bon déroulement des rencontres et des opérations culturales, visitent régulièrement sur les champs et contribuent au suivi et à l'évaluation des activités. Ils préparent et animent les rencontres hebdomadaires de concert avec la firme en charge des CEP. Ils s'assurent que tous les membres du groupe (hommes et femmes, jeunes et vieux) participent autant les uns que les autres à l'ensemble des activités. ? Au niveau du choix des sites des CEP et contrat avec les facilitateurs Le choix des sites qui sont identifiés par des panneaux peut se faire au plus tard un mois avant le début du calendrier cultural. Le site où vont s'établir les parcelles doit être mis à disposition pour un temps donné et gratuitement par un membre du CEP. Le site d'une superficie d'un hectare subdivisé en trois champs hôtes de dix mètres carrés et le reste de périmètres est utilisé pour les activités génératrices de revenus (AGR). En ce qui concerne les facilitateurs, ils ont signé un contrat de 50.000 FCFA par mois durant les quatre mois de campagne agricole en échange du temps investi et de leur totale disponibilité pour les activités. ? Au niveau de la Mise en place des parcelles Il importe de démarrer les opérations à temps de façon à réaliser les campagnes agricoles dans le plein respect du calendrier cultural. Toutes les activités du CEP se 59 passent dans les zones retenues par le projet ProDAF et visent l'application par les agriculteurs des paquets techniques dont il assure la promotion. En effet, il faut se rappeler que les agriculteurs se mettent ensemble pour apprendre ensemble. Photo 1 : préparation du site d'apprentissage Source : enquête de terrain, Diffa juillet 2020 4.3.2.2. Responsabilités sur le fonctionnement du CEP ? Au niveau de l'animation du CEP Des échanges sur la base des observations des cultures donneront lieu à des travaux collectifs au moins une fois par semaine à raison de 3 à 5 heures de temps. Les membres qui ne se présentent pas aux rendez-vous peuvent-être pénalisés, par exemple, le versement de quelque billet de Naira dans la caisse du CEP. L'équipe de CRA surveille de très près l'évolution du champ et préparer avec les facilitateurs paysans les rencontres du jour suivant et y prendre part. Il convient de ne pas oublier l'évaluation qui doit se faire régulièrement à la suite des travaux hebdomadaires et à la fin des campagnes agricoles. 60 Photo 2 : un facilitateur en pleine séance d'animation dans le CEP du mil Source : enquête de terrain, Diffa juillet 2020 ? Au niveau de l'analyse de l'Agroécosystème (AAES) Le suivi dans les CEP est une étape-clé qui embrasse tout le cycle de production. Chaque session hebdomadaire de CEP inclut au moins une activité de deux heures qui comprend les observations et les expériences des participants. L'analyse de l'agroécosystème est un moyen pour placer les facteurs considérés en groupe et dans un contexte qui permette la prise de décision en considérant différents aspects. 61 Photo 3 : activité d'Analyse de l'Agroécosystème (AAES) dans le CEP du niébé Source : enquête de terrain, Diffa août 2020 ? Au niveau des intrants agricoles Pour les semences elles sont composées des variétés améliorées IT90 et KVX pour le niébé et chapkti pour le mil et de deux variétés locales, ils s'agissent du moro et du boudouma pour certains sites. La CRA a mis aussi à la disposition de ses apprenants un sac d'engrais 15-15-15 de 25Kg et un sac d'urée de 25Kg et un sac DAP de 25kg dans chaque site CEP. ? Au niveau de matériels didactiques CEP Pour les matériels didactiques est constitué d'un chevalier, deux tableaux, quatre cahiers, dix stylos, quatre règles, un rouleau de papier pad ex, un marqueur, et deux douzaines de crayon. ? Au niveau du suivi-évaluation participatif Les échanges croisés entre CEP sont fortement encouragés et tenus pour améliorer davantage la compréhension réciproque de l'approche et attirer l'attention sur les défis confrontés. Le CEP de 2ème campagne aussi appelé CEP2 permet de consolider les acquis de la première campagne et doit se baser sur les insuffisances pour identifier les besoins de formation. Toute donnée collectée en CEP a une utilisation pratique. 62 Des audits techniques ont lieu afin d'apprécier la pertinence de l'accompagnement de la firme de consultation. Participent au suivi externe les équipes de la CRA, ProDAF et Direction de Développement Agricole. ? Au niveau du journal de CEP Le journal de CEP est l'outil de base pour le suivi des activités du CEP. L'objectif du journal de CEP est de consigner les données et informations relatives au CEP et de disposer d'une base de données pour l'évaluation du CEP en fin de campagne. ? Au niveau de l'évaluation L'évaluation est capitale pour faire continuellement le point sur les activités et recueillir l'avis des uns et des autres. Les questions qui sont posées avant peuvent être aussi posées à la fin afin d'évaluer les connaissances acquises pendant la formation. Les réponses sont écrites au tableau ou sur du papier grand format par les facilitateurs et l'analyse se fait conjointement avec l'ensemble des participants, les agriculteurs et cadres techniques en laissant surtout la parole aux producteurs. Il convient de faire parler le maximum de participants pour expliquer leurs points de vue sur les activités de la journée et surtout sur les nouveaux paquets introduits. Pour s'assurer d'une application réussie, le suivi peut se faire sous la forme de visite mensuelle des champs afin de s'assurer de la bonne application des nouvelles alternatives et rectifier les insuffisances possibles. ? Au niveau de la remise des attestations La remise des attestations de CEP est non seulement une cérémonie, mais aussi une occasion pour le partage des expériences. Les visiteurs sont accompagnés par un hôte pour partager les expériences autant que possible. 63 Photo 4 : apprenants dans le CEP de culture du mil |
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