1.5. Positionnement théoriques de l'étude
Ce travail de recherche sur le champ école paysan
s'inscrit dans le champ d'étude de Science de l'Information et de
Communication (SIC), plus précisément dans l'approche
participative pour le développement. Notre sujet d'étude, se
situe dans l'approche de diffusion et de l'approche de la communication
participative pour le développement. Nous allons essayer
d'étudier les différentes théories et modèles de
communication qui ont un rapport avec notre sujet de recherche qui s'articule
autour de la communication participative et de la vulgarisation agricole. Dans
ce sous point, nous allons relever les différentes théories qui
cadrent ce travail notamment la théorie de la vulgarisation selon
l'image du télégraphe (théorie de la diffusion) et la
théorie de la participation.
1.5.1. Théorie de la vulgarisation agricole selon
l'image du télégraphe
«L'émetteur E qui envoie un
message M à un récepteur R» tel est, dans
sa version abrégée le premier modèle qui donna naissance
aux sciences de la communication. Son concepteur, Shannon (Shannon et Weaver,
1949) 42 , alors ingénieurs aux laboratoires Bell à
New York étaient chargés d'étudier le problème de
rendement des lignes télégraphiques en temps de guerre. Ce
dernier élabora le fameux modèle du E--» M---»R
qui marqua le monde de communication de masse. La communication
42 Shannon, C & .Wearver. (1949). La
théorie mathématique de la communication, Paris, RETS,
p.68.
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était définie comme une fonction qui visait le
transfert des idées; on peut déduire implicitement que la
communication était un outil de propagande, de persuasion,
considérant que si une personne était rejointe par les medias
elle pouvait être changée ,contrôlée
,manipulée et transformée. Ce modèle mathématique
de la communication, appelé couramment modèle du
télégraphe, connut par la suite plusieurs variantes mais
pour l'essentiel retenons qu'il a profondément marqué non
seulement la communication de masse mais aussi la communication
interpersonnelle et, en ce qui concerne, l'approche de la diffusion des
connaissances scientifiques (Diane, 1993)43. La vulgarisation comme
« processus de transmission des connaissances
scientifiques et techniques » s'inspire largement du
modèle communicationnel «
E---»M---»R», modèle que l'on
dit être centré sur le message. Un des courants de pensée
qui découle de cette approche et qui a fortement marqué le milieu
agricole est celui de la diffusion des innovations (Rogers, 1962) 44
. Il visait à analyser la diffusion d'un objet technologique et à
classifier les «adoptants» selon une échelle de
personnalités allants des leaders avant-gardistes aux résistants.
Mais, depuis quelques années ce courant est remis en question par le
principal initiateur (Rogers et Kincaid, 1989)45 . Cela se justifie
la nature descendante de la communication qui se fait du haut vers le bas
ou top-down (Gambo, 2018)46. En effet, les efforts de
communication déployés ont pour la plupart porté sur la
diffusion de solutions techniques agricoles destinées aux futurs
utilisateurs ,donc les paysans qui ,croyait-on, allaient les adopter. Les
chercheurs, les agronomes, les agents de vulgarisation voulaient diffuser leurs
résultants de recherche et les faire adopter par les paysans. Non
seulement ces pratiques basées sur la simple transmission d'information
ont eu peu d'effet mais, de plus, elles ne tiennent pas compte d'autres
dimensions importantes des paysans tels que leurs besoins et
problèmes.
43 Diane,P.(1993). La vulgarisation agricole en images :
une analyse selon trois perspectives communicationnelles,In : Economie
rurale,vol N°216,pp.30-36
44 Everett, R. (1962).Diffusion of innovations,New
York,Third Edition, Macmillan, p.14.
45 Kincaid,Rogers.(1981). Communication networks-toward a
new paradigm for search, New York, Free Press, p.14.
46 Gambo Elhaji Abdou. (2018). Radio communautaire et
promotion de la santé publique dans la commune urbaine de Magaria : cas
de Radio Kitari FM. Mémoire de Master, Zinder, Université de
Zinder, p.22.
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1.5.2. Théorie de la participation
La principale leçon tirée de ces
expériences a probablement été de souligner la
nécessité de dépasser les pratiques de communication
fondées sur le seul modèle de transmission d'information et
isolées des processus communautaires, et de faire participer les
populations à leur propre développement.
(Bessete,1996)47 affirme : « L'accent n'est pas mis sur la
transmission d'information par des experts à des utilisateurs
potentiels, mais bien sur le processus de communication horizontaux qui
permettent aux communautés locales de définir leurs besoins en
matière de développement, ainsi que des actions concrètes
qui pourraient y répondre. Pour ce faire, il faut établir et
nourrir un dialogue avec toutes les parties prenantes : membres des
communautés, agents de vulgarisation, agents de développement
». Ce type de communication vise principalement à s'assurer que les
participants réunissent suffisamment d'informations et de connaissances
tant traditionnelles que modernes pour entreprendre leurs propres initiatives
de développement ,évaluer leurs actions et en apprécier
les résultats. En effet, pour (Freire, 1983)48, qui a
largement contribué à cette approche, considère cela comme
le droit de tout peuple à s'exprimer individuellement et collectivement
:
Il ne s'agit pas du privilège de quelques
personnes, mais du droit de tout homme (et de toute femme) à s'exprimer.
En conséquence personne ne peut dire une vérité tout seul,
pas plus qu'il ne peut la dire à la place de quelqu'un d'autre, de
façon normative, en volant aux autres leur parole.
Par le passé, un grand nombre de chercheurs et de
praticiens avaient l'habitude de repérer un problème au sein
d'une communauté pour ensuite tenter de convaincre la population locale
(paysan) de participer à l'expérimentation de diverses solutions.
Avec la communication participative, l'intervenant devient plutôt le
facilitateur d'un processus qui met les communautés locales et autres
parties prenantes à la contribution afin de choisir le problème
auxquels elles souhaitent s'attaquer et de définir les façons
possibles de le résoudre.
47 Bessette, GUY et C.V. RAJASUNDERAM. (1996). La
communication participative pour le développement : un agenda
ouest-africain, Ottawa, Centre de Recherches pour le Développement
International, p.46.
48 Paulo, F. (1983). La pédagogie des
opprimés, Paris, Maspero, P.202
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Le célèbre éducateur brésilien
Paulo Freire a travaillé au sein d'un programme FAO/UNESCO, coproduisant
du matériel adapté localement, et a publié une analyse
critique des systèmes de vulgarisation agricole intitulée «
Vulgarisation ou communication?». Il appelait à habiliter
les agricultures à agir en leur propre nom, comme des partenaires
égaux dans la création d'une agriculture technique, au lieu
d'être les « sujets » passifs et silencieux des efforts des
techniciens agricoles pour promouvoir de nouvelles technologies49.
Ainsi, le champ école paysan initié par la FAO, a
été choisis pour refléter le caractère participatif
et pratique de la formation. Il favorise les échanges entre producteurs,
les agents de vulgarisation et les chercheurs, de façon à pouvoir
travailler ensemble pour tester, évaluer et adapter une option dans le
respect du contexte local.
En définitive, le positionnement théorique de la
recherche a permis de poser les questions de recherche, d'élaborer les
objectifs de recherche et les hypothèses de recherche. Il a aussi permis
de se référer à la théorie de la diffusion et de la
participation, de définir les concepts fondamentaux et d'évoquer
la question des écrits relatifs à la communication participative,
à la vulgarisation agricole et du champ école paysan.
49 FAO. (2017).Champs-Ecole des Producteurs
document d'orientation, Rome, éd. Archives de documents de la FAO
p.9.
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